DERAEDT, Lettres, vol.9 , p. 471

31 dec 1872 Nîmes PLANTIER Mgr

A propos d’une protestation contre le projet de vente du local dit Oeuvre de la jeunesse.

Informations générales
  • DR09_471
  • 4737
  • DERAEDT, Lettres, vol.9 , p. 471
  • Brouillon autogr. ACR, AO 217; D'A., T.D.40, n.2, pp.96-99.
Informations détaillées
  • 1 ACHAT DE TERRAINS
    1 APOSTOLAT DE LA CHARITE
    1 ARMEE
    1 BAIL
    1 BIENS IMMEUBLES
    1 CAPITAUX
    1 CONTRAT DE VENTE
    1 CONTRAT NOTARIE
    1 CRITIQUES
    1 DEPENSES
    1 EVECHES
    1 FONCTIONNAIRES
    1 IMMEUBLES
    1 MAUX PRESENTS
    1 MINISTERE
    1 OEUVRES DE JEUNES
    1 PROPRIETES FONCIERES
    1 PROTESTANTISME ADVERSAIRE
    1 REFUGE LE
    1 RENTES
    1 RESSOURCES FINANCIERES
    1 REVENUS DE PROPRIETES
    1 REVOLUTION ADVERSAIRE
    1 SEMINAIRES
    1 TRANSPORTS
    1 VENTES DE TERRAINS
    2 BARAGNON, NUMA
    2 BLANCHARD, ADOLPHE
    2 BOSC, LES
    2 CHAMPVANS, JEAN-CHRYSOGONE DE
    2 DUMAS, LES
    2 GALLOY
    2 LAURENT, LES
    2 LAUTIER
    2 SIMON, JULES
    2 VERONIQUE, GENERAL
    2 VIDAL, LES
    3 GARD, DEPARTEMENT
    3 MONTPELLIER
    3 NIMES
    3 NIMES, ENCLOS FRANC
  • A MONSEIGNEUR PLANTIER, EVEQUE DE NIMES
  • PLANTIER Mgr
  • Nîmes [fin décembre 1872](1).
  • 31 dec 1872
  • Nîmes
  • Evêché|de Nîmes
La lettre

Monseigneur,

Vous avez bien voulu me communiquer une protestation de quelques habitants de Nîmes contre le projet de vente passé entre nous au sujet du local dit Oeuvre de la jeunesse, et que M. le ministre des Cultes vous a envoyée en communication.

J’ai cherché quels étaient les auteurs de cette pièce. Mais il y a à Nîmes tant de Vidal, tant de Dumas, tant de Laurent, dont un bon nombre protestants, qu’il est impossible de savoir à qui s’appliquent ces noms, quand ceux qui les portent ne donnent pas leurs adresses. Presque tous les Bosc sont protestants. On n’a pu me renseigner sur M. Lautier. Quant à Galloy, ce serait le fils d’un emballeur qui était, il y a quinze ans, dans l’Oeuvre. Presque toutes les personnes, à qui j’ai montré ces signatures, m’ont répondu: « Sauf peut-être Galloy, ce sont des protestants qui portent peu d’intérêt aux oeuvres catholiques ». Mais passons.

N’y a-t-il pas un motif de protester? Dans la réclamation il est question de l’enclos Franc. Depuis près de quarante ans(2) que je suis fixé à Nîmes, l’enclos est à vendre: on me l’a proposé, il y a trente-six ans, pour une oeuvre de refuge; il n’est pas encore vendu. A la fin, on l’a partagé par une rue. Quelques parcelles ont été achetées; à quel prix, je l’ignore. Mais au commencement de septembre, le général Véronique, mort subitement, il y a trois ou quatre jours, à Montpellier, voulant favoriser l’établissement d’une caserne d’artillerie à Nîmes, proposa, de concert avec le maire de Nîmes et le préfet du Gard, l’achat du dit enclos, qui, à certains endroits, n’est séparé de l’Oeuvre de la jeunesse que par une ruelle. Il est tout simple que l’on trouve bon de faire monter le prix du local de la Jeunesse pour qu’il n’y ait pas une trop grande disproportion avec ce que demandera à la ville le propriétaire de l’enclos Franc. Veuillez remarquer que la protestation est du 20 septembre.

Il doit pourtant exister une différence entre les deux terrains. Celui de l’enclos Franc est abordable de tous les côtés; celui de l’Oeuvre de la jeunesse n’est accessible du côté de la ville que par une rampe, où je défie bien voitures et charettes de pénétrer et où, pendant l’hiver, on risque de se casser le cou à cause de la rapidité de la pente; ce qui n’empêchera pas que la rue exceptionnelle, dont parle la protestation, ne soit exposée à disparaître par [suite] des maisons qu’on bâtira dans l’enclos Franc, quand on aura vendu le terrain à 15 francs le mètre ou probablement un peu moins. Une maison bâtie a été toujours un assez épais rideau pour la maison voisine. C’est pour le local en question ce qui arrivera, si l’enclos Franc se bâtit.

Mais arrivons à la valeur du terrain. On lui donne 8.000 mètres d’étendue, qu’on transforme ensuite en huit hectares. Eh bien! Monseigneur, je n’avais pas mesuré, mais je croyais qu’il y en avait environ 15.000, un hectare et demi, m’avait-on dit; et vous savez que dans le voisinage les religieuses Bénédictines avaient acheté, il y a quelques mois, un terrain abordable par une grand’route et dans un prix analogue à celui que je vous avais offert.

Vous savez que ni vous ni moi ne voulions faire une spéculation, et, d’une oeuvre où vous mettiez près de 500 francs par an pris sur vos revenus, vous tiriez 1.000 francs de revenus en donnant à l’oeuvre des chances plus grandes de durée. C’était une différence de 1.200 à 1.500 francs. Du reste, pour votre séminaire qui a besoin de ressources, la vente était avantageuse pour votre évêché. Elle était avantageuse pour moi, quand je croyais avoir à disposer d’un hectare et demi, parce qu’en laissant subsister l’oeuvre je pouvais bâtir sur le reste du terrain.

On dit que je bénéficie d’une rente viagère éteinte par un décès. C’est vrai. Mais quand les paroles ont été données, la personne à qui la rente était servie vivait encore. J’acceptais la charge, et, de plus, ce qu’on ne dit pas, l’indemnité que je me suis engagé à donner au prêtre qui dirigeait l’oeuvre avant moi. Voilà une autre rente viagère, dont il n’est pas question et qui remplace la première. Qu’ai-je voulu en vous proposant d’acheter l’Oeuvre de la jeunesse? Vous fournir des ressources pour votre séminaire, tout en continuant une oeuvre à laquelle depuis plus de trente ans je porte (on le sait bien) le plus vif intérêt. Or, si tout autre que moi devient acquéreur, supposé qu’il s’en trouve un, l’Oeuvre de la jeunesse tombera de telle sorte que, supposé -ce que je n’admets pas- que le terrain vaille ce que disent les réclamants, il en résultera que le séminaire aura un peu plus de revenus peut-être, mais que l’Oeuvre de la jeunesse sera détruite, et, d’autre part, que si vous voulez la continuation de l’Oeuvre de la jeunesse, le séminaire n’aura rien du tout.

Par ma proposition, l’Oeuvre de la jeunesse continue dans des conditions meilleures, et le séminaire acquiert un capital de 20.000 francs, soit une rente de 1.000 francs, tant que ce sera moi qui vous paierai les intérêts. Aussi je suis bien décidé à ne pas augmenter ma proposition.

M. le ministre demandera peut-être pourquoi, dans l’acte de vente, il n’est pas question de ma promesse de continuer l’Oeuvre de la jeunesse? Je réponds: « Parce que, d’une part, j’ai un intérêt moral à la continuer, d’autre part, que dans les temps troublés que nous traversons, je ne veux pas prendre par acte public un engagement que je serais exposé à ne pas tenir ». Que M. le ministre se porte garant que, d’ici à quelques années, aucune révolution ne bouleversera l’état des propriétés et des oeuvres catholiques, et je suis prêt à prendre l’engagement public de continuer pour toujours l’Oeuvre de la Jeunesse. En ce moment, il serait insensé de s’engager ainsi, et je ne m’engagerai pas, bien que vous connaissiez mes intentions et les motifs qui les rendent assurées plus qu’un contrat notarié ne pourrait le faire.

En somme, la protestation me semble venir de personnes intéressées depuis le 20 septembre à faire payer très cher à la ville l’enclos Franc que l’on a maladroitement cité. L’impossibilité matérielle d’aborder en voiture l’Oeuvre de la jeunesse diminue considérablement la valeur du terrain qu’elle occupe et rend ridicule l’appréciation indiquée dans la protestation. La permanence de l’Oeuvre de la Jeunesse dans ce local en diminue très considérablement la valeur.

Par ces motifs, si M. le ministre ne juge pas à propos d’approuver le contrat de vente, je vous prie de résilier même le bail que j’ai passé, dans l’espoir d’une approbation ministérielle. Les réclamants verront alors quel sera le véritable avantage du séminaire.

Je suis avec respect, Monseigneur, votre très humble et obéissant serviteur.

Notes et post-scriptum
1. Le 19 décembre, écrivant à Baragnon, le P. d'Alzon n'est pas encore au courant de la protestation communiquée à l'évêque de Nîmes par le ministre des Cultes (Jules Simon, ministre de l'Instruction publique et des Cultes). Le 27, écrivant au même, il fait allusion à des objections contre la vente adressées au ministre. Notre document doit donc dater des derniers jours de 1872. - La note de l'édition (IX, 474) a été corrigée ici.
2. Le P. d'Alzon arriva à Nîmes en novembre 1835.