DERAEDT, Lettres, vol.10 , p. 6

2 jan 1873 Nîmes MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse

La messe au prieuré – Notre situation à Paris et à Rome – Antonelli – Etudes et méditation – Le Fr. Georges.

Informations générales
  • DR10_006
  • 4742
  • DERAEDT, Lettres, vol.10 , p. 6
  • Orig.ms. ACR, AD 1626; D'A., T.D.24, n.1141, pp.176-177.
Informations détaillées
  • 1 AMOUR DU PAPE
    1 EGLISE ET ETAT
    1 LUTTE ENTRE L'EGLISE ET LA REVOLUTION
    1 ORAISON
    1 PRIEURE DE NIMES
    1 TRAVAIL DE L'ETUDE
    2 ANTONELLI, GIACOMO
    2 BAILLY, VINCENT DE PAUL
    2 BOURNISIEN, JOSEPH
    2 BOURNISIEN, LOUIS
    2 CHALMETON, MADAME FERDINAND
    2 DEGUY, GEORGES
    2 DESAIRE, CHARLES
    2 GUIBERT, JOSEPH-HIPPOLYTE
    2 MILLERET, LOUIS
    2 MILLERET, RENE
    2 PICARD, FRANCOIS
    2 PIE IX
    2 THIERS, ADOLPHE
    3 NIMES
    3 PARIS
    3 PARIS, RUE DE VAUGIRARD
    3 ROME
    3 SALETTE, LA
  • A LA MERE MARIE-EUGENIE DE JESUS
  • MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
  • Nîmes, 2 janvier [1873](1).
  • 2 jan 1873
  • Nîmes
La lettre

Que vous êtes bonne, ma chère fille, de me prévenir toujours et que je suis un misérable de me laisser toujours prévenir ainsi! Demain j’irai dire la messe au prieuré. Au milieu de toutes vos filles de Nîmes je prierai plus spécialement pour vous. Je vous ai écrit, je crois, que j’allais m’arranger pour dire la messe au prieuré tous les vendredis matin: par ce moyen je remonterai quelques Soeurs et je verrai quelques élèves.

Je vous remercie de ce que vous me dites de notre situation de Paris(2). Ma résolution est bien arrêtée; elle m’est venue tout à l’heure à la messe, entre la communion et les ablutions. C’est que j’irai trouver un des grands vicaires, et je dirai tout simplement que pour rien au monde je ne permettrai que ma Congrégation soit un embarras; que si l’archevêque le désire, nous quitterons Paris, mais qu’il m’est insupportable de penser que nous lui sommes désagréables. Je ne fais pas une menace, j’accomplis un devoir de conscience et de respect envers l’autorité. Quant à la nonciature, je me doute bien que je n’y suis pas en bonne odeur, mais je l’ai voulu et je le veux. Pour Rome, c’est différent; mais j’ai le moyen de tout arranger là-bas, supposé que, sauf Antonelli, je sois mal avec qui que ce soit. Je n’ai pas foi à Antonelli. Quant à l’archevêque, il me déplairait qu’on lui montât la tête, mais après tout la ligne que nous suivons est celle par laquelle l’Eglise a marché. Et je n’ai fait que dire un peu plus tôt, quoique beaucoup moins bien, ce que le Pape dit dans ses allocutions.

Vous me direz: « Oui, mais c’est le Pape ». Je vous réponds: « Sans doute, mais sa responsabilité est bien autrement grande, quand il dit à tout l’univers ce que je dis dans mon petit coin ». Pour l’affaire de mon cas de conscience, aujourd’hui Antonelli doit voir qui avait raison, de lui qui se fiait à Thiers ou de ceux qui le déclaraient un tartuffe.

Remarquez que je proteste contre la monotonie de vos lettres(3); je ne tiens que modérément aux nouvelles. Aujourd’hui, avant la messe, j’ai fait près de deux heures d’oraison à la chapelle, devant le Saint-Sacrement, mais dans mon cabinet je m’arrange pour que mes études tournent presque constamment à la méditation. Je m’occupe des choses de ce monde, mais je vous assure que je suis surtout pour la solitude. J’ai avec moi le Fr. Georges, un teneur de livres de Vaugirard, grand ami de M. Bournisien(4) et découvert à la Salette par le P. Desaire. Je compte me l’attacher. Il avait une influence énorme sur les ouvriers de son usine, qui ont presque tous pleuré en le voyant partir.

Adieu ma chère fille. Ecrivez-moi souvent des lettres monotones comme les précédentes.

E.D’ALZON.

Gardez ceci pour vous, mais j’ai été un peu suffoqué de la manière dont M. votre frère juge les rapports de René(5) avec Mme Chalmeton; c’est un peu trop calomnier son monde.

E.D'ALZON
Notes et post-scriptum
1. Le ms a *72*.
2. Dans sa lettre du 30 décembre 1872, Mère M.-Eugénie pressait le P. d'Alzon d'inciter les Pères de Paris à la prudence: "L'influence acquise, les oeuvres faites, la position prise, ont créé des jalousies. Tout ce qui tient du catholicisme libéral ou le ménage, est animé d'une extrême hostilité". L'archevêque était mal disposé, on ne pouvait compter sur la nonciature, ni même, disait Mère M.-Eugénie, sur Rome. Aussi fallait-il faire preuve d'une extrême prudence. Et Mère M.-Eugénie concluait : "Je suis loin de désirer qu'on abandonne la moindre oeuvre, mais qu'on les entoure de formes propres à ne prêter pas à la plus petite accusation".
Pourtant le jour même, à l'archevêché, a eu lieu la réception du nouvel an et le P. Bailly écrit au P. d'Alzon : "...quand le P. Picard a été baiser l'anneau, sans lui rien dire, l'archevêque lui a donné une marque apparente de sympathie en lui prenant la main autrement qu'il ne le faisait aux autres prêtres" (3 janvier).
3. Mère M.-Eugénie craignait que son désir de se tenir en dehors du mouvement du monde ne rende ses lettres monotones (lettre du 30 décembre).
4. Louis Bournisien, vice-président du Conseil général des pèlerinages. Son fils Joseph deviendra le P. Marie Bournisien A.A. (1856-1936).
5. Louis Milleret de Brou, frère de Mère M.-Eugénie et René, leur demi-frère.