DERAEDT, Lettres, vol.10 , p. 119

21 sep 1873 Nîmes MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse

L’histoire de Jules – Dans le P. Picard je vois avec joie mon successeur.

Informations générales
  • DR10_119
  • 4886
  • DERAEDT, Lettres, vol.10 , p. 119
  • Orig.ms. ACR, AD 1644; D'A., T.D.24, n.1159, pp.193-195.
Informations détaillées
  • 1 ASSOMPTIONNISTES
    1 CHAPITRE GENERAL DES ASSOMPTIONNISTES
    1 CONGREGATION DES AUGUSTINS DE L'ASSOMPTION
    1 DEPARTS DE RELIGIEUX
    2 BAILLY, EMMANUEL
    2 BAILLY, VINCENT DE PAUL
    2 BRUN, HENRI
    2 DUMAZER, ALEXIS
    2 FERRET, JULES
    2 GALABERT, VICTORIN
    2 GERMER-DURAND, EUGENE
    2 HALLUIN, HENRI
    2 HUDRY, POLYCARPE
    2 JOURDAN, RAPHAEL
    2 LAURENT, CHARLES
    2 MAUBON, JOSEPH
    2 PERNET, ETIENNE
    2 PICARD, FRANCOIS
    2 SAUGRAIN, HIPPOLYTE
    2 TISSOT, PAUL-ELPHEGE
    3 CONSTANTINOPLE
    3 LONDRES
    3 NIMES
    3 VIGAN, LE
  • A LA MERE MARIE-EUGENIE DE JESUS
  • MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
  • Nîmes, 21 sept[embre 18]73.
  • 21 sep 1873
  • Nîmes
La lettre

Ma chère fille,

Voici l’histoire de Jules. Je vous ai conté mes avances; plus tard, il demanda à s’adresser au P. Emmanuel, j’y consentis avec bonheur. Le P. Laurent me disait hier qu’il l’avait extrêmement aimé, qu’ici il l’avait soutenu un an et demi, puis qu’il n’avait pu se soustraire au plus profond dégoût à son égard. Tous nos religieux sans exception en sont là.

Les derniers huit jours de son séjour à Nîmes, je partageai les rôles avec le P. Joseph, moi la sévérité, lui la douceur(1). Je ne lui ai parlé très durement que quand je l’ai cru décidé à partir. Pourtant dès qu’il me dit qu’il resta[it], je l’embrassai avec effusion, puis je l’envoyai aussitôt au Vigan, où j’allais prêcher aux novices. Il déclarait que le P. Hippolyte seul pouvait lui faire du bien, je le confiai au P. Hippolyte. Notez qu’il y avait plus de six semaines que je lui avais parlé durement, et que depuis j’avais par moi ou par les autres cherché à l’apaiser. Le fond est qu’il n’avait pas de place. Dès qu’il en a trouvé une, il est parti. Lui-même l’a écrit avec ce cynisme au P. Hippolyte. Donc même lorsqu’il semblait vouloir rester, il jouait la comédie. J’ai sa lettre(2). Le fond est l’orgueil et la folie commencée. A ce point de vue je suis bien aise de son départ.

Je crois très important que l’on rompe toute relation avec lui, au moins pour un temps. Remarquez que ce que je lui disais de sévère était pour moi un argument, pour lui prouver que je n’étais pas libre de le renvoyer; comme quand je lui ai refusé de l’argent, je lui ai dit que je ne voulais pas avoir l’air, même indirectement, de contribuer à son départ. Mais une fois parti malgré moi, je suis ravi de ne l’avoir plus. Maintenant, pour l’excuser, il faut bien dire qu’au Vigan sa gloutonnerie avait frappé les petits novices, et qu’en riant ils lui apportaient tout ce qui restait dans les cafetières et les plats. Cela l’a-t-il irrité? Je n’ai su ce détail qu’après sa fuite. M. Durand était au Vigan; il lui dit ce qu’il dit partout, et M. Durand attribue son départ à sa jalousie paresseuse contre les jeunes religieux et en particulier le P. Alexis. Quant à moi, que pouvais-je faire, quand, d’une part, il avait demandé de s’ouvrir au P. Emmanuel, ce que j’avais accordé, et que, de l’autre, il ne m’a jamais parlé que de sa décision arrêtée de s’en aller?

Adieu. ma fille. Le Chapitre nous a tous un peu épuisés.

E.D’ALZON.

J’accepte avec bonheur vos offres pour le P. Picard(3). Il a une telle supériorité de conseil que je vois en lui avec joie mon successeur. Dieu n’en privera pas la Congrégation. Toutefois sa voix est si naturelle que je ne puis croire que le danger soit imminent.

Autre chose sur Jules. Les Pères Picard, Emmanuel, Joseph, Hippolyte, enfin tout le Chapitre(4), à propos de Jules, ont pris capitulairement une décision pour me recommander la sévérité et même l’expulsion envers certains religieux.

E.D'ALZON
Notes et post-scriptum
1. Le 12 août, Joseph Maubon a écrit au P. Emmanuel : "Le P. Jules est au Vigan depuis ce matin... ce qui l'a vaincu c'est la patience du Père".
2. Mais nous ne l'avons plus.
3. Mère M.-Eugénie a proposé au P. d'Alzon de confier à Vincent de Paul la direction de la maison de Paris et d'obliger le P. Picard au repos et surtout au silence absolus. Elle est en effet effrayée de voir "le larynx se prendre en même temps que la poitrine". Elle offre l'hospitalité au P. Picard dans la maison que les R.A. possèdent à Nice auprès de leur couvent et qui sera libre à la mi-octobre (lettre du 19 septembre).
4. C'est-à dire en plus des noms cités, les Pères Brun (le plus ancien religieux de la congrégation), Laurent, Pernet, Galabert, Raphaël Jourdan, Vincent de Paul, Halluin et Alexis. Quelques religieux nommés membres du chapitre à la première séance mais absents de Nîmes ne purent y participer. Ce fut aussi le cas du P. Tissot. Le P. Brun, accompagné du Fr. Polycarpe, était arrivé à Londres le 3 août et à Paris le 9. Quant au P. Galabert il avait écrit le 2 juillet qu'il comptait quitter Constantinople de façon à arriver à Nîmes au plus tard le mercredi avant l'Assomption, c'est-à-dire le 13 août.