DERAEDT, Lettres, vol.10 , p. 190

13 feb 1874 Nîmes DEPUTES

Pétition : suppression des questions de philosophie au baccalaureat et pouvoir de fonder des universités catholiques.

Informations générales
  • DR10_190
  • 4964
  • DERAEDT, Lettres, vol.10 , p. 190
  • Brouillon autogr. ACR, CQ 214; T.D.44, pp.293-295. Ce "Projet de pétition" parut dans la *R.E.C.*, t.6, n°35 (mars 1874), pp.385-387.
Informations détaillées
  • 1 APOSTOLAT DE LA VERITE
    1 BACCALAUREAT
    1 COMITES CATHOLIQUES
    1 ENSEIGNEMENT RELIGIEUX
    1 ENSEIGNEMENT SECONDAIRE
    1 FACULTES CATHOLIQUES
    1 INSTRUCTION RELIGIEUSE
    1 PHILOSOPHIE CHRETIENNE
    1 PROGRAMME SCOLAIRE
    1 UNIVERSITES CATHOLIQUES
    1 UNIVERSITES D'ETAT
  • MESSIEURS LES DEPUTES
  • DEPUTES
  • [Nîmes le 13 février 1874](1).
  • 13 feb 1874
  • Nîmes
La lettre

Messieurs les Députés,

Les représentants des Comités catholiques de France, réunis en Association générale à Paris, viennent vous demander de permettre aux catholiques de faire donner à leurs enfants, soit dans l’enseignement secondaire, soit dans l’enseignement supérieur, la somme d’enseignement religieux conforme à leurs convictions et dans des conditions telles, qu’au lieu de fortifier la foi des enfants ou des jeunes gens, le mode d’enseignement reçu ne risque pas de la détruire.

Quant à l’enseignement secondaire, le grand obstacle au développement de l’enseignement religieux se trouve dans les programmes des baccalauréats ès-lettres ou ès-sciences. En effet, aux époques les plus importantes pour la formation de l’intelligence et des idées, les aspirants à un diplôme répondent presque invariablement à ceux qui voudraient développer les connaissances religieuses: « Cela ne se trouve pas dans le programme du baccalauréat ». Et ils considèrent comme une tyrannie de leur imposer une étude, qui leur devient d’autant plus odieuse qu’elle compromet davantage leur droit d’entrer dans les carrières auxquelles ils se destinent. Donc il faut d’autres programmes que les programmes existants.

Mais l’Université ne peut dans son état présent en fournir d’autre, et ce serait une injustice de lui demander des modifications essentielles; d’autre part, les droits des catholiques sont blessés dans ce qu’il y a de plus intime dans l’âme: la foi, la conviction religieuse. Donc les catholiques ont le droit, en face de périls de plus en plus imminents, de demander d’autres programmes de baccalauréat. Mais d’autres programmes seraient bien inutiles sans d’autres examinateurs. Donc les catholiques demandent la création d’un jury d’examen, où l’élément catholique soit impartialement représenté.

Mais cet élément catholique si nécessaire n’aura de valeur qu’autant qu’il sera formé par des hommes ayant une valeur et une honorabilité littéraire et scientifique, qui ne se trouve guère que chez des professeurs de Facultés. Donc les catholiques demandent, tout au moins le droit de créer des Facultés de lettres et de sciences, dont les professeurs pourront, en dehors de leurs cours, faire subir des examens valables aux yeux de l’Etat, d’après des programmes où l’enseignement religieux occupera la place que les catholiques réclament depuis si longtemps, et dont le coupable et inévitable oubli, très coupable pourtant à leurs yeux, dans les programmes universitaires donne des générations catholiques beaucoup trop ignorantes des vérités de la foi et des développements, dont elles ont besoin d’être entourées.

Dans tous les cas, comme l’enseignement de la philosophie repose sur des principes opposés et amène aux conclusions les plus contradictoires, selon que l’on part des vérités de la foi ou de la libre pensée et de l’indépendance de la morale, comme il est impossible à l’Université d’exclure des chaires des Lycées et du rang des examinateurs les libres penseurs partisans de la morale indépendante, les mêmes catholiques vous conjurent de supprimer toutes les questions de philosophie des programmes du baccalauréat.

2° Quant à l’enseignement supérieur, qui ignore qu’en dehors de l’explication des lois pour le droit et de certaines questions techniques pour la médecine, il y a des principes, qui, pour les catholiques découlent de certaines vérités supérieures, attaquées tous les jours de la manière la plus fallacieuse dans les chaires de droit et de médecine? En effet, il ne suffit pas pour apaiser la conscience catholique de dire: « Nous n’attaquons pas Dieu, puisque nous ne nous en occupons pas ». Pour les catholiques, ne pas s’occuper de Dieu dans les questions fondamentales de la justice et de la vie, c’est le comble du dédain, la souveraine et suprême injure. Les catholiques ne veulent plus y conniver, et c’est pourquoi ils demandent, pour leurs fils sortis de collèges chrétiens, le droit d’être enseignés, pour le droit ou la médecine, de façon à ce que Dieu soit toujours le principe des lois de la société et de la nature.

Pour ces motifs, ils demandent, en laissant à l’Université ses chaires, le pouvoir de fonder des Universités catholiques, dont les droits seront, pour les grades conférés par elles, les mêmes que ceux de l’Etat.

Notes et post-scriptum
1. Le projet de pétition reproduit ici d'après le brouillon, fut voté par le *Comité catholique* de Nîmes* dans sa séance du 13 février (voir *Lettre* 4965). Celui qui fut publié dans la *R.E.C.* comporte quelques variantes; il y est précédé d'un mot d'introduction du P. d'Alzon daté du 15 février.