DERAEDT, Lettres, vol.10 , p. 204

21 mar 1874 Nîmes TURINAZ

Qu’il veuille bien préciser sa position par rapport à N.-D. des Châteaux.

Informations générales
  • DR10_204
  • 4981
  • DERAEDT, Lettres, vol.10 , p. 204
  • Minute autogr. ACR, AP 48; D'A., T.D.40, pp.172-173.
Informations détaillées
  • 1 ALUMNATS
    1 EVEQUE ORDINAIRE DU DIOCESE
    1 GALLICANISME
    1 NOTRE-DAME DES CHATEAUX
    1 NOTRE-DAME DES VOCATIONS
    1 QUETES
    1 VOCATION RELIGIEUSE
    2 DESCAMPS, PIERRE
    2 GROS, FRANCOIS
    2 LEPINE, FRANCOIS-MARIE
    2 PIE IX
    3 ALBERTVILLE
    3 SAVOIE
    3 TARENTAISE
  • A MONSEIGNEUR TURINAZ, EVEQUE DE TARENTAISE
  • TURINAZ
  • Nîmes, le 21 mars 1874.
  • 21 mar 1874
  • Nîmes
  • Evêché|de Nîmes
La lettre

Monseigneur,

Je reçois à l’instant votre lettre, à laquelle je comprends très peu(1). Père Pierre avait écrit ici que vous aviez donné les autorisations, puis que vous étiez mécontent. J’avais fait dire aussitôt de s’arrêter, car pour ce qui me concerne, je ne me mêle pas directement de l’oeuvre, et comme vous, j’avais trouvé qu’on allait un peu vite. Toutefois, comme d’une part la Congrégation a dépensé, avec l’autorisation expresse de votre prédécesseur, des sommes considérables à Notre-Dame des Châteaux, que d’autre part nous faisons élever les enfants incapables de payer leur pension dans les petits séminaires, et qu’au terme de leur rhétorique, s’ils veulent être prêtres séculiers, on les présentera à leurs évêques, sinon, on demandera à ceux-ci la permission de les présenter à des évêques dont les diocèses seraient dépourvus de sujets, que nous avons de 110 à 120 demandes de curés dont les jeunes paroissiens sont incapables de payer leur pension au petit séminaire (je parle de la Savoie seulement et surtout de votre diocèse), je me permets de demander à Votre Grandeur sa décision définitive.

Nous sommes beaucoup moins belliqueux que Votre Grandeur ne semble le supposer. La preuve en est qu’après que votre prédécesseur nous eut positivement autorisés à appeler (sic) une maison religieuse à Albertville, on loua une maison, mais qu’aussitôt après une demande du vénérable Mgr Gros, malgré les instances les plus vives du curé d’Albertville (j’ai ses lettres) de passer toujours au-delà, je préférai payer un dédit du loyer, pour ne rien faire qui eût l’air de contrarier l’autorité épiscopale.

Maintenant, Monseigneur, il faut que la position soit claire et bien tranchée. Vous ne voulez pas que le Père Pierre fasse des quêtes ou des comités, il n’en fera pas. Mais il faut savoir ce que vous voulez faire par rapport à Notre-Dame des Châteaux. La maison vous appartient, mais nous y avons fait, sur la foi d’une autorisation prise en conseil, des réparations importantes; nous en ferons d’autres. Nous avons fait des achats payés, sauf un, parce que le vendeur nous a priés de ne pas le solder encore. Votre Grandeur veut-elle ou ne veut-elle pas l’oeuvre? Qu’elle nous indemnise de nos déboursés, et nous nous retirerons.

J’avoue qu’il y aura à examiner de quelle manière il faudra traiter la question des propriétés achetées avec l’assentiment de votre prédécesseur. Si j’ai fait à Albertville un sacrifice de quelques centaines de francs pour avoir la paix, j’agirai tout autrement s’il s’agit de réclamer une somme de 15 à 20.000 francs.

Si Votre Grandeur refuse les pouvoirs de confesser au P. Pierre, devons-nous nous charger de dire la messe de fondation à Notre-Dame des Châteaux? Les pouvoirs étaient donnés. Je sollicite une réponse catégorique sur cette question. Vous voyez, Monseigneur, que j’aime peu les situations fausses.

Il me serait très agréable d’avoir avec Votre Grandeur des relations, que pouvait me faire espérer mon refus obstiné à me mêler aux propositions formulées contre votre promotion à l’épiscopat. Je ne pourrai jamais croire que j’aie à me repentir de la preuve que ma conscience me donne d’avoir voulu vous être agréable. Il est donc bien entendu que si vous ne craignez pas la guerre, moi je ne la veux pas. Mais si malgré mon désir vous vouliez la faire, il faut bien prévenir Votre Grandeur que dans les termes où je renferme la question, et en dehors des quêtes du P. Pierre, un prêtre de mes amis ayant eu, lui aussi, à subir la guerre de son évêque, Pie IX lui a donné raison par pièces authentiques. Ni Votre Grandeur ni nous ne voulons en venir là, et c’est dans cette confiance que je me dis, Monseigneur,

Votre très humble et obéissant serviteur(2).

E.D'ALZON.
Notes et post-scriptum
1. Mgr Turinaz, évêque de Tarentaise, avait adressé le 19 mars au P. Pierre Descamps une lettre de reproches violents pour avoir tenu à Albertville sans autorisation une réunion de "*l'Association qui (selon vos programmes) a pour but de favoriser les vocations eclésiastiques*", c'est-à-dire N.-D. des Vocations. Il lui enlevait l'autorisation et le pouvoir de confesser dans le diocèse, sinon les élèves de son pensionnat. Le 20, l'évêque avait envoyé au P. d'Alzon copie de cette lettre en l'accompagnant d'un mot fort dur lui aussi, où il le menaçait d'emblée d'user "de tous les moyens que mettent entre mes mains le droit ecclésiastique et la confiance de mes diocésains".
2. La réponse de l'évêque (30 mars) sera de la même encre que sa lettre du 20. La congrégation y est accusée de mépriser l'évêque du diocèse et Mgr Turinaz traite de haut ce qu'il faut bien appeler les menaces du P. d'Alzon. On a deviné que l'évêque de Tarentaise n'était pas précisément ultramontain...