Périer-Muzet, Lettres, Tome XV, p. 151.

1864-aug-21 Nîmes

Cas d’un prêtre sanctionné – Informations sur l’abbé Ramadié, proposé à l’épiscopat – Le journal de la Sorbonne – L’abbé Galeran.

Informations générales
  • PM_XV_151
  • 2289 a
  • Périer-Muzet, Lettres, Tome XV, p. 151.
  • Orig. ms. Archives Secrètes du Vatican. Segreteria di Stato anno 1864; rubrica 248, fasc. 2, ff. 136-137. Mention manuscrite *L'abbé d'Alzon missionnaire apostolique, vicaire général de Nîmes*. Photoc. ARC BG 225/1 et transcription manuscrite du P. Jean-Paul Périer-Muzet, le 23 novembre 2001.
Informations détaillées
  • A UN AMI
  • Nîmes, 21 août [18]64
  • 1864-aug-21
  • Nîmes
La lettre

Cher ami (1),

L’évêque de Montpellier (2) vient de témoigner au curé de Clermont-1’Hérault son mécontentement en lui ôtant la supériorité d’un couvent établi sur sa paroisse. Le pauvre homme réclame les pièces qu’il m’a chargé d’envoyer à la nonciature.

J’ai les plus tristes détails sur le Ramadié. Le nonce du reste a reçu les détails de son passé (3). C’est du Maret tout pur. Avez-vous entendu parler du journal que veut publier la Sorbonne? Ce sera du propre. Quant à moi, je m’attends à tout.

L’abbé Galeran va envoyer au Pape sa demande. Entre nous c’est un fameux original qui a sa dose de folie. Mais il y a un véritable scandale à faire cesser. Soyez donc nos oreilles. Pour moi, j’ai été un peu souffrant. On me menace de bien des choses. Aussi j’ai suspendu mon français sur une foule de points.

Adieu et tout à vous.

E. D'ALZON.
Notes et post-scriptum
(1) Nous ignorons qui est ce correspondant 'cher ami'. Il se trouve que cette correspondance figure aujourd'hui aux Archives Secrètes du Vatican, sans autre précision. Toute l'affaire des préliminaires de la nomination de Mgr Ramadié à l'épiscopat a été étudiée par Gérard Cholvy dans *Mélanges offerts à Jacques Gadille* dans coll. *Histoire religieuse*, Beauchesne, 1992, article *Gallicans et ultramontains, Mgr Ramadié successeur de Mgr Gerbet à Perpignan (1864)*, pp. 301-316.
(2) Mgr François-Marie-Joseph Lecourtier (1799-1885), évêque de Montpellier de 1861 à sa démission en 1873. Le P. d'Alzon eut de nombreux démêlés avec cet évêque considéré comme gallican. Il intervint aussi pour faire pression au niveau des autorités romaines et obtenir sa démission (forcée) en 1873. Cf Emile Appolis, *La démission de Mgr Lecourtier, évêque de Montpellier (1873)* dans *Actes du 79ème Congrès des sociétés savantes*, Alger, 1954. Gérard Cholvy, *Autorité épiscopale et ultramontanisme: la démission de l'évêque de Montpellier (1873)* dans *Revue d'Histoire Ecclésiastique*, Louvain, 1974, pp. 735-759. Du même. *Un aspect du catholicisme libéral sous le Second Empire: les milieux néo-gallicans du diocèse de Montpellier* dans *Actes du Colloque international d'histoire religieuse de Grenoble*, 1971, P.U.F., 1974, pp. 281-298.
(3) On trouve en effet, liée à cette correspondance, mais écrite d'une main anonyme, une note personnelle de renseignements sur le futur Mgr Ramadié, sans doute transmise par le P. d'Alzon avec sa lettre:
«*M. l'abbé Ramadié (*), né à Montpellier, Hérault, est fils d'une petite marchande mercière. Il a fait ses études ecclésiastiques au séminaire de cette ville, où il eut pour professeur de dogme M. Ginoulhiac, aujourd'ui évêque de Grenoble, envers lequel ses condisciples lui reprochèrent de pousser au-delà des bornes l'obséquiosité.
*Le magasin de sa mère était modeste. La tête du fils n'avait pas grand'chose non plus. On le fit maître des cérémonies à la cathédrale et plus tard vicaire à Béziers. Il fut, dit-on, en même temps précepteur des fils de Mme de S., sœur du Duc de Magenta. De là, assure-t-on, sa nomination.
*D'autres l'attribuent aux notes que feu M. Thibault, l'ancien évêque de Montpellier, a laissées sur son compte. Ce qu'il y a de sûr, c'est qu'il se fit la créature de ce prélat. J'ai reçu, il y a peu de jours, une lettre d'un prêtre qui m'est bien connu, dans laquelle il me onjure défaire tout ce que je pourrai pour empêcher M. Ramadié d'être évêque, à cause des turpitudes dont il se serait alors rendu coupable. Je crois ceci exagéré. On prétend qu'il était de ceux qui avaient le droit de recevoir les boutades frappantes de M. Thibault. Je ne crois pas à certains bruits sur son compte. Mais l'ensemble de ce que je sais méfait regarder sa nomination comme un pas de plus vers le genre plat.
*D'autres enfin disent que, curé à Béziers de la paroisse des ouvriers, ceux-ci ayant manifesté des tendances socialistes, le gouvernement a voulu le récompenser de la manière dont il les a combattus. A ce point de vue, et si ce qu'on dit de son action anti-socialiste est vrai, sa nomination serait heureuse, car Perpignan est, sous ce rapport, aussi gangrené que Béziers.
*Mais voilà ce qu'il y a de curieux. V.B... revenant de l'enterrement de Mgr Gerbet s'arrêta à Béziers et fut présenté par le père de l'un de mes élèves à M. Ramadié qui ne cessa de lui dire du mal de l'Empereur, déclarant qu'il ne se fierait jamais à lui, quand même il ferait des miracles.
*En somme, je ne crois pas qu'il y ait contre M. Ramadié aucun motif canonique. Seulement par de semblables nominations, l'épiscopat se trouve amoindri.
*Laissez-moi ajouter que tout le monde croyait que l'abbé Martin d'Agde, l'auteur de la belle vie de saint Jean Chrysostome, remplacerait Mgr Gerbet. Lorsque dans un diocèse on a des hommes comme M. Reboul à Béziers et M. Martin à Montpellier et qu'on va chercher dans la catégorie Ramadié, on veut de très humbles serviteurs. Telle est l'opinion de bien des gens, je n'ose pas dire que la mienne aille jusque-là* ». Orig. ms. Archives Secrètes du Vatican. Segreteria di Stato anno 1864; rubrica 248, fasc. 2, ff. 146-147 Ecrit anonyme. Photoc. ACR BG 225/2.
(*) Mgr Etienne-Emile Ramadié (1812-1884), évêque de Perpignan de 1864 à 1876, puis archevêque d'Albi de 1876 à sa mort.