DERAEDT, Lettres, vol.10 , p. 306

17 sep 1874 Nîmes ESCURES Comtesse

Je croyais vous avoir écrit – Les chaleurs de l’été – Souffrir dans l’esprit de la croix – Pour moi, je ne trouve de salut que dans une vie d’abandon à tout ce que N.-S. peut m’envoyer de souffrances – Energie confiante.

Informations générales
  • DR10_306
  • 5098
  • DERAEDT, Lettres, vol.10 , p. 306
  • Orig.ms. ACR, AN 115; D'A., T.D.38, n.115, pp.251-253.
Informations détaillées
  • 1 ACCEPTATION DE LA CROIX
    1 ACCEPTATION DE LA VOLONTE DE DIEU
    1 CROIX DU CHRETIEN
    1 CRUCIFIEMENT DE L'AME
    1 RETRAITE SPIRITUELLE
    1 SOUFFRANCE ACCEPTEE
    2 FRANCOIS D'ASSISE, SAINT
    3 BETHARRAM
    3 PYRENEES
  • A MADAME LA COMTESSE D'ESCURES
  • ESCURES Comtesse
  • Nîmes, 17 septembre 1874.
  • 17 sep 1874
  • Nîmes
  • *Madame la comtesse d'Escures*
    *au Gué Robert par Tigy*
    *Loiret*
La lettre

Ma bien chère fille,

L’explication de mon silence est bien simple, je crois vous avoir écrit. J’ai été fortifié dans cette conviction par ce qui m’est arrivé, il y a un mois. Une personne, à qui j’avais promis d’écrire et avec laquelle je croyais avoir retardé ma promesse, reçut une lettre de moi et me répondit aussitôt que, depuis longtemps, ma promesse était tenue. Figurez-vous que j’étais, de mon côté, peiné de votre silence. Cela aurait pu durer quelque temps encore. Vous voyez, par la rapidité avec laquelle je vous réponds, malgré une retraite où je prêche quatre fois par jour, mon désir de tenir mes engagements qui me sont très doux, je vous assure.

J’ai été assez souffrant des chaleurs de l’été. Je suis allé m’enfermer dans une solitude complète à Bétharram, dans les Pyrénées, et j’aurais pu, de là, vous écrire bien plus longuement, si j’avais cru devoir quelque chose à ma bien chère fille. Mais, mon enfant, vous valez la peine, et très fort la peine qu’on s’occupe de vous. Du reste, admirez les dates de nos deux lettres. Vous m’écrivez le 14, fête de l’Exaltation de la croix; je vous réponds le 17, fête de l’Impression des stigmates de saint François d’Assise. N’est-ce pas pour indiquer que, si vous me demandez de tenir ma promesse le jour où l’instrument du salut a reçu un triomphe, vous devez en profiter pour vous crucifier un peu? Et peut-être sera-ce là le grand fruit de notre correspondance; c’est que nous apprenions à souffrir dans l’esprit de la croix et en imprimant dans notre âme les plaies sacrées de Notre-Seigneur? Nous avançons dans la vie et nous ne sommes plus jeunes. Nous avons donc à demander quel guide nous sera montré dans la voie de l’éternité, où nous nous acheminons. Il me semble qu’il nous est providentiellement montré: la croix.

Et tout ce que nous avons à demander le plus, c’est de savoir bien souffrir. Si nous avons la force de prendre ce point de départ; si nous acceptons, avec la doctrine de Jésus crucifié, ses plaies divines au fond du coeur, alors même qu’elles ne seraient pas gravées dans nos membres comme pour saint François, il me semble impossible qu’il n’en résulte pas une sérieuse transformation.

Cinq heures du matin sonnent à l’instant, et je m’interromps pour vous faire observer que, si j’ai commis un oubli, je tiens à le réparer promptement et de bonne heure. Pour moi, à mesure que je vieillis, (j’ai depuis quelques jours 64 ans)(1), je ne trouve de salut que dans une vie d’abandon à tout ce que Notre-Seigneur peut m’envoyer de souffrances. C’est une des plus essentielles résolutions de ma dernière retraite, et je m’en trouve si bien que je voudrais vous communiquer cette manière d’être avec Dieu, afin que vous en pénétrant nous pussions vivre dans le même ordre d’idées.

Essayez donc, ma chère Amélie, de vous rendre compte, d’une part, de cet abandon complet entre les mains de Dieu, dans lequel nous devons établir les quelques jours que Dieu nous donne encore ici-bas, et, en même temps, exercez-vous, autant que vous le pourrez, à l’acceptation de la croix de Jésus-Christ, telle qu’il désire que vous vous l’imposiez. Voilà ce que je voulais vous dire depuis longtemps et qui se résume dans ces deux mots: énergie confiante.

Vous m’écrirez bientôt, n’est-ce pas? Et vous verrez que vos lettres ne resteront pas sans réponse. Adieu, ma bien chère fille. Croyez à toute ma vieille affection de père et d’ami tendrement dévoué.

E.D’ALZON.

Me trouvez-vous trop sévère en vous tenant ce langage? Hélas! avons-nous le temps d’en réclamer un autre, si nous voulons faire un peu notre purgatoire en ce monde?

E.D'ALZON
Notes et post-scriptum
1. Depuis le 30 août.