DERAEDT, Lettres, vol.10 , p. 324

16 oct 1874 Lavagnac BAILLY_VINCENT de Paul aa

Coquin de Pichu! – Sauvage refuse – Un candidat un peu niais – Que vous avez bien fait de préférer l’Assomption aux zouaves! – Fatigue, névralgie, intempéries – Les entretiens de Saint-Gervasy vont se continuer au Vigan : on m’y invite… – Je vous sacrifie Germiny – L’Orénoque.

Informations générales
  • DR10_324
  • 5118
  • DERAEDT, Lettres, vol.10 , p. 324
  • Orig.ms. ACR, AH 40; D'A., T.D.28, n.390, pp.26-28.
Informations détaillées
  • 1 ACTION POLITIQUE
    1 COLLEGE DE NIMES
    1 COMITES CATHOLIQUES
    1 CONGREGATION DES AUGUSTINS DE L'ASSOMPTION
    1 CRITERES D'ADMISSION AU POSTULAT
    1 DIABLES ADVERSAIRES
    1 MALADIES
    1 PROFESSEURS D'UNIVERSITE
    1 RAPPORTS SUR LES POSTULANTS
    1 REVOLUTION ADVERSAIRE
    1 UNIVERSITES CATHOLIQUES
    1 ZOUAVES PONTIFICAUX
    2 ALLEMAND, LOUIS
    2 BAILLY, EMMANUEL
    2 BARAGNON, NUMA
    2 BAUDON, ADOLPHE
    2 BICHERY
    2 BISMARCK, OTTO VON
    2 BOUCHET, CASIMIR
    2 BROGLIE, ALBERT DE
    2 DELPON, FAMILLE
    2 DU TEMPLE, JEAN-MARIE-FELIX
    2 GARIBALDI, GIUSEPPE
    2 GERMINY, EUGENE DE
    2 GUICHE, ABBE
    2 HANOTAUX, GABRIEL
    2 HULST, MAURICE D'
    2 PICARD, FRANCOIS
    2 PLANTIER, CLAUDE-HENRI
    2 SAUVAGE, HENRI
    3 ARRAS
    3 CANA
    3 CIVITAVECCHIA
    3 HERAULT, RIVIERE
    3 LAVAGNAC
    3 LILLE
    3 MENTANA
    3 NIMES
    3 SAINT-GERVASY
    3 VIGAN, LE
  • AU PERE VINCENT DE PAUL BAILLY
  • BAILLY_VINCENT de Paul aa
  • Lavagnac, 16 oct[obre] 1874.
  • 16 oct 1874
  • Lavagnac
La lettre

Cher ami,

Les bonnes choses que vous m’écrivez veulent être traitées séparément.

1° Allemand est d’un caprice que vous connaissez(1), et je ne suis pas puisque je suis à Lavagnac. J’envoie votre note au P. Emmanuel. Mais vous avez une infinité de fois raison comme dans la chanson: « Monsieur, c’est pas moi, c’est Pichu. Coquin de Pichu!!! »

2° Je n’ai pas remis la lettre à Sauvage -l’évêque s’y est opposé- mais il a catégoriquement refusé au P. Picard. Ce n’est pas un grand malheur, avec son esprit frondeur et ses idées, plus sa bonne opinion de lui-même; ce qui ne l’empêche pas d’être très pieux, etc. Vous pouvez dire qu’il refuse(2).

3° Votre candidat novice me fait l’effet d’être excellent, mais un peu niais, d’après le certificat d’Arras. Quel est le maximum des imbéciles à recevoir au noviciat? Ne pourriez-vous pas savoir par M. d’Hulst le fond du sac? Ne pourriez-vous lui faire faire une retraite et sonder le fond de son intelligence? Car à présent, il est peut-être bon d’être un peu plus difficile. Je connais beaucoup l’abbé Guiche. S’il faut, je lui écrirai, comme à M. d’Hulst.

Je suis distrait. L’Hérault est dans la plaine avec ses eaux rouge-sang. Une pluie battante tombe sur les arbres et les toits, un peu même dans la maison. Mais c’est un détail. Oui il pleut, et très fort.

Ah! que vous avez bien fait de préférer l’Assomption aux zouaves(3)! Voyez si vous n’avez pas envoyé plus de balles au diable et [à] la Révolution de nos donjons que vous n’en eussiez envoyé à Garibaldi et à Bismarck, à Mentana et à Patay. Et puis, je vous ai. Mais il faut être détaché de tout ceci.

La pluie redouble, paisible, grave, sans vent. Un déluge pacifique. Sûr de son fait, l’Hérault qui avait baissé remonte; c’est sûr. La victime est toujours prête, mais que va-t-il arriver? Oui, j’ai été très fatigué à Nîmes, plus des retraites, plus ma névralgie qui maintenant ne me visite que la nuit. Oh! quels torrents! Heureusement, Lavagnac est haut perché, mais les Delpont? Dans la cave, au rebours de Cana, ils auront le vin changé en eau. Ce n’est pas gai. Ah! voilà ce qui arrive. La grêle au printemps avec des grêlons comme la main, dit M. Bouchet(3b) -il les a vus-; pendant l’été le phylloxéra, à l’automne les inondations. Et Dieu soit béni! Mais cette fois, le diable ne sera pas rôti, il pleut trop.

Je n’ai rien déversé dans la poitrine du P. Picard. C’est pas moi, c’est Pichu, c’est-à-dire votre frère, lequel est allé à Saint-Gervasy. Là, ils en ont dit de belles. Le P. Emmanuel grave, sérieux, scrupuleux; le P. Picard, comme vous savez. Ils se sont donné rendez-vous au Vigan pour lundi; ils me font l’honneur d’en être(4), mais avec ma névralgie et l’humidité, je doute que je puisse y aller, sans compter les emportements du chemin de fer par un temps pareil. Votre vocation est d’attendre. Il paraît que, cette fois, la mienne est de faire attendre. Croyez-vous donc aller en purgatoire?

Je crois bien, si le temps ne se rassérène (ce que je crois peu), que vous pouvez m’écrire à Nîmes, où je serai lundi.

Je passe à votre lettre du 14, quoique arrivée en même temps que celle du 12. Eh bien, oui, je n’y comprends rien. Je suis bête, je suis comme Bichery, laissant beaucoup à désirer au point de vue des moyens intellectuels(5). Quel point de vue que des moyens qu’on ne voit pas, parce qu’ils laissent à désirer! Ah! si j’étais comme votre frère qui a traité des sujets très graves avec le P. Picard! Mais moi, pauvret! Eh bien, je comprends pourtant que Baudon aurait tort de prendre la présidence Germiny plutôt que celle des Comités catholiques. Oh! ça, c’est évident, et je le vois très clair, et je vous sacrifie Germiny. Quand ils nous voudront, ils viendront nous faire amende honorable, et nous leur ferons des conditions très dures, et nous ne les recevrons à merci que quand ils seront revenus à nous, mais là comme il faut.

Vous voyez que je ne suis pas têtu et que j’entre dans vos idées. Je ne vous parle pas du programme, le P. Picard ne m’en a pas soufflé mot. Je regrette peu le du Temple. Il se fait à Nîmes un mouvement que je ne voudrais pas voir contrarier par un imprudent. J’ai fait dire à Baragnon que, s’il ne se retire pas lors du retrait de l’Orénoque(6), je le plante là.

Enfin, adieu à tous. Mais le jour baisse et ne puis me relire. Totus tibi.

E.D'ALZON.
Notes et post-scriptum
1. Nous ne voyons pas de quoi il est question ici.
2. De faire acte de candidature pour une chaire à la jeune université catholique de Lille.
3. Vincent de Paul a rappelé que c'est le 11 octobre [1860] qu'après avoir hésité entre les zouaves et l'Assomption, il quitta sa famille pour se rendre à Nîmes.
3b. *Bauchet* (édition, IX, p.235) est une mauvaise lecture.
4. Le lundi est le 19 octobre. Le P. Picard (lettre du 14) a suggéré au P. d'Alzon de prolonger son séjour à Lavagnac puis de venir au Vigan où, du lundi au mercredi, ils pourraient discuter avec le P. Emmanuel. Mais déjà le P. d'Alzon, au reçu d'une lettre d'Emmanuel, avait fait une autre proposition : voir *Lettre* 5114 et n.1.
5. Sans doute le candidat dont il est question plus haut (3°).
6. La décision avait été prise au *Journal officiel* du 13 octobre de retirer de Civitta Vecchia la frégate l'*Orénoque*, "cette dernière marque de l'impuissante sympathie de la France", comme l'a écrit le duc de Broglie (HANOTAUX, III, p.83-87).