DERAEDT, Lettres, vol.10 , p. 370

26 dec 1874 Nice CHABERT Louise

Avalanche de compliments : j’ai déclaré que j’étais une grosse bête – L’alumnat, quel beau parterre à cultiver! – Vous pouvez être une puissante ouvrière de cette floraison d’âmes.

Informations générales
  • DR10_370
  • 5174
  • DERAEDT, Lettres, vol.10 , p. 370
  • Orig.ms. ACR, AM 343; D'A., T.D.38, n.40, pp.55-57.
Informations détaillées
  • 1 ALUMNATS
    1 ECONOMIES
    1 ENFANTEMENT DES AMES
    1 ORDINATIONS
    1 VIE DE PRIERE
    1 VOCATION SACERDOTALE
    2 JEAN, SAINT
  • A MADEMOISELLE LOUISE CHABERT
  • CHABERT Louise
  • Nice, 26 décembre [18]74.
  • 26 dec 1874
  • Nice
La lettre

J’attendais avant ma fête quelques lignes de vous, ma bien chère enfant. Elles me sont arrivées hier seulement, et, voyez-vous, j’ai été un peu fâché de ce qu’elles se trouvaient confondues avec 40 ou 50 lettres, qui tombaient comme une avalanche d’affection, bien bonne sans doute, mais qui comme les avalanches suffoquent par leur poids. J’eusse voulu la liberté de savourer un peu vos bons souhaits. Bast! Des compliments par ci, des vers par là, la poésie, la prose, tout y était. On me parle de mes travaux, de mes mérites, de mes vertus, de mes qualités, de mes années, de ma quarantaine, de ma cinquantaine, de ce que j’ai fait, de ce que je fais, de ce que je ferai. Ouf!!! Ah! bien, oui. Mais si on me laissait tranquille sur ce chapitre? Ce soir encore, j’ai eu un compliment sur tout ce que je valais. Je n’y ai plus tenu et je leur ai déclaré que j’étais une grosse bête. Ça les a étonnés, ces pauvres enfants de l’alumnat, mais c’est ainsi.

Je suis tout fier qu’ils soient quinze et je dis à tout le monde qu’ils seront bientôt dix-neuf. Voyez-vous, Louise, quel beau parterre à cultiver, quelles fleurs et quels fruits à cueillir! Et vous pouvez être une des ouvrières bien cachées, mais bien puissantes de cette floraison des âmes; vous pouvez en demander à Notre-Seigneur; vous pouvez prier, vous immoler pour elles. Ah! que de bien à faire, si vous le voulez fortement! Certes, je veux être votre second ange gardien, vous le savez; mais quand serez-vous le séraphin qui purifiera les lèvres de ces futurs petits apôtres? Quelles flammes ne doivent pas jaillir de ce petit coeur, comme vous l’appelez, et que ne devez-vous pas solliciter de Notre-Seigneur?

Voilà aujourd’hui quarante ans que je suis prêtre. Quand pourrai-je présenter à Notre-Seigneur de bons prêtres, mes fils réellement enfantés par mon zèle? Aidez-moi dans ce travail. Soyez la petite mère d’âmes sacerdotales, qui seront un jour dans l’étonnement de tant devoir à une petite personne qu’elles ne connaissaient pas et qui leur a mérité leur correspondance généreuse à la plus belle des vocations. Notre-Seigneur vous fait déjà une grande grâce de vous inviter à pareil travail et de vous en faire comprendre toute la beauté.

J’ai déjà prié pour vous; mais demain, jour de Saint-Jean, je demanderai pour vous le don d’une prière très maternellement féconde, parce qu’elle ira se raviver, comme le disciple bien aimé, sur le coeur de notre divin Maître. C’est vous dire que je compte absolument sur vous pour l’expansion des alumnats, autant qu’on peut compter sur la prière d’une vierge, épouse de Notre-Seigneur.

Adieu, ma fille. Je vous bénis du fond de l’âme.

E.D’ALZON.

C’est par économie que je vous charge de ces deux lettres, je n’ai plus de timbres-poste. J’en dépense fabuleusement.

E.D'ALZON
Notes et post-scriptum