DERAEDT, Lettres, vol.10 , p. 378

29 dec 1874 Nice CHESNEL Abbé François

Angoisse et espoir pour l’Eglise – L’hospitalité des Dames de l’Assomption – Les alumnats – La présentation des évêques – Une université pour Aix et Avignon ?

Informations générales
  • DR10_378
  • 5185
  • DERAEDT, Lettres, vol.10 , p. 378
  • Cop.ms. ACR, AN 228; D'A., T.D.39, pp.162-163.
Informations détaillées
  • 1 ALUMNATS
    1 CONCILE DE TRENTE
    1 ESPRIT CHRETIEN DE L'ENSEIGNEMENT
    1 EVEQUE
    1 MALADIES
    1 ORGANISATION DES ETUDES ECCLESIASTIQUES
    1 PERSECUTIONS
    1 RELIGIEUSES DE L'ASSOMPTION
    1 UNIVERSITES CATHOLIQUES
    2 BAILLY, VINCENT DE PAUL
    2 FORCADE, THEODORE-AUGUSTE
    2 JORDANY, JOSEPH
    2 PICARD, FRANCOIS
    2 PIE IX
    2 ROGER, ABBE
    3 AIX-EN-PROVENCE
    3 ALGER
    3 ANGLETERRE
    3 ARRAS
    3 AVIGNON
    3 FREJUS
    3 MIDI
    3 NICE
    3 NIMES
    3 PARIS
    3 ROME
    3 SAVOIE
    3 TRENTE
    3 VIGAN, LE
  • A MONSIEUR L'ABBE FRANCOIS CHESNEL
  • CHESNEL Abbé François
  • Nice, 29 décembre [18]74.
  • 29 dec 1874
  • Nice
La lettre

Mon cher ami,

Merci de vos bons souhaits pour ma fête. Je vous les rends du fond du coeur pour l’an de grâce 1875. Je ne le vois pas cet an s’avancer sans éprouver une terrible impression. On dit depuis si longtemps que cela ne peut pas durer. Quand sonnera l’heure de Dieu? L’Eglise est sous une persécution comme jamais elle ne l’a subie. Quelle partie du monde, sauf l’Angleterre, où ses fers ne se resserrent pas? Il semble que l’enfer veuille la faire périr d’immobilité et d’inanition. J’ai pourtant un grand espoir. Remarquez que jamais le mensonge social et politique n’a été plus impudent, à la fois plus effronté et plus hypocrite que de nos jours. La vérité doit-elle s’effacer dans la nuit? Ne vous semble-t-il pas que le moment approche, où les extrêmes ténèbres amèneront non l’extrême lumière qui est pour là-haut seulement, mais toute celle que l’oeil humain peut supporter? Vous avez vu le discours du Pape sur l’ère nouvelle. Il y a là sinon une aurore, au moins quelque chose comme l’aube: Summo mane.

Presque tous les matins, avant de descendre à la chapelle et malgré mille reproches d’imprudence, je cède à la tentation d’ouvrir mes fenêtres pour voir si au fond de l’horizon, sur cette belle mer de Nice, je n’apercevrai pas une lueur avant-coureuse du jour. Il me semble que des fenêtres de l’ordre moral, si l’ordre moral a des fenêtres, on peut raisonnablement chercher le point lumineux, quoique incertain, où le jour ne tardera pas à se faire. Seulement je suis à Nice pour me reposer. J’avais depuis quelques mois d’assez fortes névralgies, je me suis décidé à fuir Nîmes pour un mois ou six semaines. Les dames de l’Assomption me donnent, en compagnie du P. Picard, une hospitalité que, ce soir, le P. V[incent] de Paul Bailly viendra partager pour quelques jours.

Vous ai-je parlé de nos alumnats? Nous en avons cinq: quatre de grammaire, un d’humanités. Notre programme est le décret du concile de Trente sur les séminaires. A Nice, depuis trois mois qu’il est établi, nous avons quinze enfants; à Arras, en Savoie, au Vigan, nous irons dans chaque maison jusqu’à trente au plus. Vie dure: deux heures de travail des mains, prime en guise de prière du matin, les vêpres chantées tous les jours, la méditation faite par le supérieur. Quand c’est accepté, confessions entendues par un prêtre voisin. Des examens nombreux. On élague une foule de matières inutiles; plus tard, les capables auront trois ans de philosophie. La charité, jusqu’à présent, a admirablement pourvu à tout. Peut-être sera-ce un commencement de réforme des petits séminaires.

Ce que vous me dites de votre santé m’inquiète. Serez-vous à Paris? Irez-vous dans le Midi, irez-vous à Rome? Ah! si Dieu voulait nous rapprocher! Ce que vous ajoutez de la présentation des évêques est très grave. Savez-vous si parmi les deux dont vous me parlez, il y avait un M. Roger, doyen de la Faculté de théologie d’Aix que l’archevêque pousse à Fréjus(1)? Il m’en a parlé avec un immense éloge et je craignais pourtant quelques dessous de cartes. Bien des évêques veulent se retirer; ce n’est pas un mauvais signe pour eux.

Adieu encore une fois. Bon, mauvais, je compte sur votre livre(2).

Totus tibi in Christo.

E.D’ALZON.

L’archevêque d’Aix propose une université, avec deux provinces ecclésiastiques: Aix, Avignon, plus Alger. Total: 15 évêques. Réussira-t-il?

E.D'ALZON
Notes et post-scriptum
1. A propos d'enquêtes sur l'idonéité de candidats, l'abbé Chesnel s'est lamenté sur la facilité avec laquelle la nonciature et Rome permettaient l'accès de l'épiscopat à des libéraux notoires. - Archevêque d'Aix, Mgr Forcade; évêque de Fréjus de 1856 à 1876, Mgr Joseph-Antoine Jordany (1798-1887). M. Roger ne fut pas évêque.
2. François CHESNEL, *Les droits de Dieu et les idées modernes*, 2 vol., Poitiers-Paris, 1875-1877. L'ouvrage était aux mains du censeur ecclésiastique. Le P. d'Alzon rendra compte du premier volume dans le numéro d'octobre 1875 de la *R.E.C.*