DERAEDT, Lettres, vol.11 , p. 133

20 jun 1875 Nîmes BAILLY_VINCENT de Paul aa

Etre proclamé à l’assemblée! – Je me retire de toute action – Pour le salut du diocèse : un homme éminent par l’intelligence et la sainteté – Tripotages partout.

Informations générales
  • DR11_133
  • 5338
  • DERAEDT, Lettres, vol.11 , p. 133
  • Orig.ms. ACR, AH 78; D'A., T.D.28, n.428, pp.58-59.
Informations détaillées
  • 1 AMBITION
    1 AUMONIER
    1 CHANOINES
    1 CLERGE NIMOIS
    1 COLERE
    1 CONTRARIETES
    1 CRITIQUES
    1 CURE
    1 DESOBEISSANCE
    1 DIEU
    1 ENVIE
    1 EVEQUE ORDINAIRE DU DIOCESE
    1 FOI
    1 INTELLIGENCE
    1 MINISTERE DES LAICS
    1 NOMINATIONS
    1 NONCE
    1 ORGUEIL
    1 PARLEMENT
    1 PIETE
    1 PRATIQUE DE L'OBEISSANCE
    1 REFORME DU CLERGE
    1 RESPONSABILITE
    1 RUSE
    1 SAINT-SIEGE
    1 SAINTETE
    1 TIEDEUR
    1 VICAIRE
    2 BARAGNON, NUMA
    2 BARNOUIN, HENRI
    2 CABRIERES, ANATOLE DE
    2 LABOULAYE, EDOUARD-RENE DE
    2 MEGLIA, PIER-FRANCESCO
    2 ODORIC, RECOLLET
    3 BIGORRE
    3 MONTPELLIER
    3 PARIS
    3 ROME
  • AU PERE VINCENT DE PAUL BAILLY
  • BAILLY_VINCENT de Paul aa
  • Nîmes, le 20 juin 1875.
  • 20 jun 1875
  • Nîmes
  • Evêché|de Nîmes
La lettre

Illustre ami,

Illustré par la tribune, je présume que vous avez enflé et que vous êtes devenu deux fois gros comme l’abbé Barnouin. Peste! Tout le monde n’a pas un Laboulaye à son service(1). Tout de même, je me sonde pour savoir si je suis jaloux de vos rayons. Je le suis et je ne le suis pas, je ne le suis pas et je le suis. Comme votre père, je les partage; puis je pense au Prince-caniche(2), et j’ai bien envie de vous les laisser. Que dirai-je? Etre proclamé à l’assemblée, c’est beaucoup si l’on pense à ce que pareille assemblée devrait être, c’est peu quand on pense à ce qu’elle est. Enfin Caniche a été vexé, c’est le plus clair de l’affaire. Aussi pourquoi parler de charivari? Parle-t-on de corde dans la maison d’un pendu?

Bref, parlons nonciature. Devant Dieu, je me retire de toute action. Le nonce croit connaître l’état des esprits. Qu’il en porte la responsabilité! Je crois que, sans un homme éminent ou par l’intelligence ou par la sainteté, le diocèse court les plus grands dangers. Ce n’est pas ma faute, mais c’est ainsi. On a laissé les prêtres errer à l’aventure, parce qu’on ne les a pas pris un à un. L’esprit d’obéissance fait complètement défaut, l’esprit de piété encore plus, l’esprit de foi presque totalement. En revanche la jalousie, les murmures, l’ambition et l’intrigue font leur chemin. Les chanoines et les curés se battent à outrance et ont porté leurs litiges à Rome. Les vicaires en profitent pour s’émanciper. On nomme aux places; curés et aumôniers refusent. Les uns se retirent chez eux, les autres veulent rester où ils sont. Ne connaissant pas le fond, on nomme des hommes que l’ancienne administration jugeait impossibles. Donnez-moi pour guérir tout cela une pieuse médiocrité, vous m’en direz des nouvelles. L’homme intelligent ferait marcher les prêtres par les laïques, comme Mgr de Cabrières à Montpellier, l’homme saint convertirait les prêtres. Métier de gagne-petit, me dit le P. Odoric(3). L’homme ni saint ni intelligent laissera faire le mal, s’il ne le fait pas même sans le vouloir. Et c’est pourquoi je trouve utile à mon salut de rentrer dans ma coquille.

Totus tibi.

E.D’ALZON.

Avant-hier je voulais partir pour Rome ou Paris, hier pour Bigorre; mais à Paris je trouverai les tripotages romains, à Rome les tripotages parisiens. Et dire qu’à Bigorre la terre a tremblé!

E.D'ALZON
Notes et post-scriptum
1. A l'Assemblée nationale, le 15 juin, Laboulaye s'en était pris au P. Bailly. Voici le récit que Baragnon a fait au P. d'Alzon de cet incident : "La loi sur l'enseignement va assez bien. Hier, j'ai eu une forte émotion. Laboulaye a tiré de sa poche la Revue de l'Enseignement chrétien que j'ai reconnue à sa couverture. J'ai eu peur un instant qu'on *vous* mît en scène pour quelque phrase tirée d'un article *de vous*. Eût-elle été *un peu exagérée* (pardonnez-moi le mot) je me serais jeté à l'eau pour la défendre ou l'expliquer. *Le fils défend le père*, que diable! Heureusement c'était le P. Bailly qui était le coupable. Il avait été un peu vif; je l'ai laissé dans l'eau jugeant l'incident inutile. Ce n'était plus un père, c'était un simple cousin!" (lettre du 16 juin). - Le cousin, lui, ne pouvait pas laisser passer l'incident, qui lui fournit la matière de six pages dans la *R.E.C.* de juillet sous le titre *Un fait personnel*.
2. Titre d'un des livres (il date de 1868) par lesquels Edouard-René Lefebvre de Laboulaye, jurisconsulte célèbre, faisait adroitement passer les idées de l'opposition libérale sous l'empire. En 1871, il avait élu député de Paris. Il siégeait au centre-gauche. Rapporteur de la commission parlementaire créée pour l'examen de la loi sur la liberté de l'enseignement supérieur, il a souvent déjà été pris à partie par la *R.E.C.* A son tour de s'en prendre à elle.
3. Récollet de Nîmes.