DERAEDT, Lettres, vol.11 , p. 204

17 aug 1875 Les Châteaux CORRENSON_MERE Emmanuel-Marie

Les tout petits d’Arras – Votre souffrance – Moi aussi je suis broyé – Ma lettre à M. de Tessan.

Informations générales
  • DR11_204
  • 5415
  • DERAEDT, Lettres, vol.11 , p. 204
  • Orig.ms. AC O.A.; Photoc. ACR, AH 424; D'A., T.D.30, n.467, pp.266-268.
Informations détaillées
  • 1 ACCEPTATION DE LA VOLONTE DE DIEU
    1 AMOUR-PROPRE
    1 ANEANTISSEMENT
    1 CONNAISSANCE DE SOI
    1 CONVERSION SPIRITUELLE
    1 CRAINTE
    1 HUMILITE
    1 OBLATES
    1 ORPHELINS
    1 PAIX
    1 PRIERE DE DEMANDE
    1 SANTE
    1 SOUFFRANCE ACCEPTEE
    1 VOCATION RELIGIEUSE
    2 ALLEZ, VICTOIRE
    2 CORRENSON, EMMANUEL-MARIE
    2 CRY, VICTOR
    2 DELALLEAU, GERY
    2 DUGAS, JEANNE DE CHANTAL
    2 TESSAN, JEAN-CHARLES DE
    3 ARRAS
    3 VIGAN, LE
  • A LA MERE EMMANUEL-MARIE CORRENSON
  • CORRENSON_MERE Emmanuel-Marie
  • Les Châteaux, 17 août [18]75.
  • 17 aug 1875
  • Les Châteaux
La lettre

Bien chère enfant,

La nouvelle que vous me donnez m’abasourdit. Je vous assure que je n’en soupçonnais pas le premier mot(1). Toutefois, à q[uel] q[ue] chose malheur sera peut-être bon. Je vous parlais de confier aux Oblates les tout petits orphelins d’Arras, dans la maison destinée aux alumnistes; nous n’aurions pas un sou à y mettre et nous aurions de très bonnes vocations. Envoyez-y Soeur Jeanne et Soeur Victoire; j’ai déjà reçu plusieurs lettres en ce sens.

Ah! que je vous plains de l’état d’oppression que me révèle votre lettre! Je m’y trouve moi-même, et je me rends parfaitement compte de votre souffrance. Tout brise, tout déchire, on a peur de tout. Ce matin la vue d’une lettre que je croyais d’une autre personne que celle qui l’écrivait m’a mis aux champs. Pourquoi cette impressionnabilité? C’est très humiliant, mais il faut s’y soumettre. L’histoire de Soeur Victoire m’a bouleversé. Après celles de nos religieux, il ne manquait plus que cela. Vous ferez bien de retirer Soeur Victoire; c’est le parti le plus court et le plus sûr. Hélas! hélas!

Oui, chère enfant, moi aussi, je suis broyé. Je crois que mon état physique y contribue un peu. Je sens bien qu’il faut être rompu. Ce matin, en disant la messe et en partageant la sainte hostie, je me disais: « Voilà comment il faut que je devienne. Je romps la sainte hostie, il faut me laisser rompre par N.-S. ». Aussi je ne puis vous dire, chère Marie, le bien que vous me faites en me disant vos peines. Il me semble que je vous en fais un peu, en vous disant bien amicalement les miennes. Il me semble que si j’étais un peu plus humble, ma paix serait plus grande; mais affaiblis dans la santé, ni vous, ni moi ne pouvons guère faire autre chose que de courber la tête et dire: fiat!

Vous a-t-on parlé d’une lettre de moi à M. de Tessan pour lui offrir la paix? Il paraît que certaines personnes sont furieuses contre moi. Je le déplore, car j’avais l’intention de faire une avance généreuse. Quoi qu’il en soit, je ne veux plus rien être. Peut-être est-ce de l’amour propre, à ma façon. Ah! qu’il est difficile de se bien connaître! Pourtant, il me semble bien que je veux me convertir, mais tout de bon.

Nous avons, nous aussi, une assez forte chaleur. Grâces à Dieu, les nuits sont fraîches, sans humidité. On passe les soirées à l’air, sans éprouver rien de l’humidité du Vigan; puis tout est autrement grandiose.

Prions bien l’un pour l’autre, ma chère Marie. J’ai commencé par répondre à la première des douze lettres que j’ai reçues aujourd’hui, en vous écrivant. Aussi, je n’en écrirai aucune plus longue que celle-ci. Faites beaucoup prier pour obtenir la vocation d’un jeune prêtre du Nord, plein de talent et de piété et qui au dernier moment hésite(2).

Adieu et bien à vous avec toute la tendresse possible, malgré et peut-être à cause de mes souffrances intimes.

E.D’ALZON.

Lisez ma lettre à Soeur Jeanne; c’est une réponse.

E.D'ALZON
Notes et post-scriptum
1. L'histoire de Victor et de Victoire : v. *Lettre* 5411 n.1.
2. L'abbé Delalleau.