DERAEDT, Lettres, vol.11 , p. 219

23 aug 1875 Les Châteaux PICARD François aa

La lettre du P. Emmanuel – Le P. Alexis – Le noviciat – « C’était décidé… » – En quoi les décisions du chapitre ne sont-elles pas observées ? – Le collège – M. Jaunay – Clairmarais – Un voyage à Paris – Le P. Pierre.

Informations générales
  • DR11_219
  • 5428
  • DERAEDT, Lettres, vol.11 , p. 219
  • Orig.ms. ACR, AF 111; D'A., T.D.26, n.499, pp.89-93.
Informations détaillées
  • 1 AMITIE
    1 ANTIPATHIES
    1 ASCESE
    1 ASSISTANTS GENERAUX ASSOMPTIONNISTES
    1 CHANT
    1 CHOIX
    1 COLERE
    1 COLLEGE DE NIMES
    1 COLLEGES
    1 CORRECTION FRATERNELLE
    1 CRITERES D'ADMISSION AU POSTULAT
    1 DECISIONS DU CHAPITRE
    1 DEVOTION
    1 DOUCEUR
    1 ECRITURE SAINTE
    1 ESPRIT FAUX
    1 EXPULSION
    1 FATIGUE
    1 FRANCHISE
    1 HUMANITES
    1 INJUSTICES
    1 INSTITUTS RELIGIEUX
    1 JEUNES RELIGIEUX
    1 LACHETE
    1 LITURGIE
    1 LUTTE CONTRE LA TENTATION
    1 NOMINATIONS
    1 NOTRE-DAME DES CHATEAUX
    1 NOVICES ASSOMPTIONNISTES
    1 NOVICIAT DES ASSOMPTIONNISTES
    1 PARDON
    1 PATIENCE
    1 PAUVRETE
    1 POSTULANT
    1 PROGRAMME SCOLAIRE
    1 SENSIBILITE
    1 SUPERIEUR DE COMMUNAUTE
    1 SUPERIEUR GENERAL DES ASSOMPTIONNISTES
    1 TRISTESSE PSYCHOLOGIQUE
    1 VACANCES
    1 VENTES DE TERRAINS
    1 VOEU D'OBEISSANCE
    1 VOYAGES
    2 BADOR, PAUL
    2 BAILLY, EMMANUEL
    2 BESSON, LOUIS
    2 BOUISSE, JEAN-JOSEPH
    2 CABRIERES, ANATOLE DE
    2 CRY, VICTOR
    2 DESCAMPS, PIERRE
    2 DUMAZER, ALEXIS
    2 GAUTHIER, EMILE
    2 GERMER-DURAND, JOSEPH
    2 HALLUIN, HENRI
    2 JAUNAY, ABBE
    2 LAURENT, CHARLES
    2 MALASSIGNE, ATHANASE
    2 MAUBON, JOSEPH
    2 MILLERET, MARIE-EUGENIE
    2 PERNET, ETIENNE
    2 PISTICHKI, IVAN
    2 PLANTIER, CLAUDE-HENRI
    2 SAUGRAIN, HIPPOLYTE
    3 ALES
    3 ALLEVARD
    3 CLAIRMARAIS
    3 FRANCE
    3 GRENOBLE
    3 MONTMAU
    3 NIMES
    3 PARIS
    3 VIGAN, LE
  • AU PERE FRANCOIS PICARD
  • PICARD François aa
  • Les Châteaux, le 23 [août] 1875(1).
  • 23 aug 1875
  • Les Châteaux
La lettre

Mon bien cher ami,

Je vous ai envoyé la lettre du P. Emmanuel, pour vous montrer seulement à quels tiraillements je suis exposé, mais j’étais certain qu’il reviendrait bien vite. En effet, [il] se calme et m’a écrit des lettres d’excuses(2). Quant au P. Alexis, est-il triste, est-il content? Je ne sais. Je sais qu’il préfère de beaucoup Nîmes au noviciat de Paris et qu’il se serait rendu incapable d’y rester. Malgré l’opinion du P. Emmanuel, selon moi, avec moins de moyens, mais avec plus de douceur, plus de formes, plus de dévotion, (je ne dis pas plus de piété), Frère Paul vous aidera mieux que le P. Alexis. Vous m’avez proposé pour les novices des études positivement en dehors de ce qui a été fixé par le Chapitre, que je viens de relire. P. Alexis est peu fait pour la vie ascétique. P. Germer aidera mieux pour le chant et la liturgie. Restera l’Ecriture Sainte. P. Alexis avec ses dispositions ou n’aurait pas marché avec vous, ou se serait annihilé, ou se serait cabré.

Notre dernier arrangement, celui des Châteaux, est maintenu. Mais croyez bien que, quoiqu’il faille dire souvent: « C’est décidé, ne changeons rien », le dire toujours a ses inconvénients. Ceci est le résultat de l’expérience des Conseils de l’évêché, où avec les changements à faire il ne fallait jamais rien dire à l’avance. Exemple. Entre Monseigneur et moi il était décidé qu’à la mort de M. Bouisse, mort prévue depuis quelque temps, on mettrait un certain curé à Alais. M. Bouisse meurt. J’écris bien vite de Paris à Monseigneur que je n’en prends plus la responsabilité, et Monseigneur en nomme un autre. Votre système de dire irrévocablement: « C’était décidé », sera funeste. Si je m’y étais tenu aurions-nous pu accepter Clairmarais, surtout avec les expulsions que nous avons été contraints de faire? Car voilà encore Fr. Bernard (Victor Cry) renvoyé et pour cause…

Je vous prie de me rendre un service, c’est de me dire en quoi les décisions du Chapitre ne sont pas observées; car je relis assez souvent ces décisions, pour me rendre le témoignage que je fais mon possible pour m’y tenir. Il me semble que ce possible je le fais. Veuillez m’indiquer en quoi je ne m’y tiens pas. Ceci n’est pas une récrimination, c’est un service que je vous demande. Quant à la fermeture du collège, mettez sur le compte des nerfs du pauvre Père certaines expressions. Ah! si vous saviez combien par moments j’ai envie d’envoyer promener le collège! Il faut porter son joug et s’y soumettre. Le P. Emmanuel a besoin d’appui. Quand je ne suis plus là, il se décourage, et quand j’y suis, tout en le soutenant, il faut que je n’aie pas l’air d’y toucher.

Avec moi, cher ami, il ne peut être question de cette existence du collège; mais j’ai voulu vous communiquer des pages écrites un peu ab irato, pour vous montrer aussi comment il faut patienter quelquefois. Ce pauvre Père m’écrit que lui-même se trouve parfaitement ridicule. Du reste, je ne vous ai communiqué sa lettre que parce qu’il l’a désiré.

Laissez-moi vous dire en passant que je partage votre opinion de n’avoir pas tous nos intérêts à Nîmes et que si vous pouvez me trouver, dans le centre de la France, un endroit pour l’alumnat d’humanités, l’an prochain, vous me rendrez un immense service. Mais dans vos réponses sur l’accusation de peu aimer le collège, il y a aussi un côté faux, c’est que partout où les Congrégations ont des collèges, on commence par y mettre les jeunes religieux et que, quand ils sont usés ou en ont assez, on les place dans des maisons moins rudes. Il faut une vocation spéciale comme celle du P. Laurent pour rester à cet âge au collège, et encore que de petits riens ne faut-il pas lui passer! Je ne puis partager votre idée qu’on n’envoie les religieux dans d’autres maisons que quand ils sont le rebut du collège. PP. Hippolyte, Pierre, Athanase, Emile n’ont pas été envoyés avec ce sentiment, que je sache du moins. P. Germer peut-être, mais j’ai cru lui faire plaisir, car il était profondément dégoûté. Et Pernet donc? Je crains qu’ici vous ne renversiez la proposition pour un très grand nombre de novices. Ici je me permets de vous trouver injuste envers le P. Emmanuel.

J’accepte avec bonheur l’abbé Jaunay(3), si vous pensez qu’il veuille de nous; mais ne m’avez-vous pas dit vous-même que vous le croyez dégoûté de l’enseignement? Toutefois, on l’emploiera à autre chose. Ne pourriez-vous lui proposer de venir comme postulant, ou comme voulant examiner? N’y voyez-vous aucun inconvénient à cause de son genre et du monde ancien?

Quant à votre socius du noviciat, je puis me tromper, mais permettez-moi de vous répéter tout ce que je vous disais tout à l’heure. Pour les formes, le bon caractère, la dévotion, la douceur, le Frère Paul est préférable au P. Alexis. Quant à la franchise, vous l’obtiendrez en le prenant par le coeur; ce que le P. Emmanuel n’a pas fait, ce que j’ai fait, et je crois avoir réussi. Ou je me trompe, ou Frère Paul sera plus souple entre vos mains que le P. Alexis, aussi édifiant, si vous lui témoignez de la confiance. Puis, si je me trompe, nous chercherons; mais franchement, si j’avais à choisir un socius, je préférerais Frère Paul, malgré ma tendresse pour le P. Alexis. Ici je vous donne mon jugement très catégorique, et en même temps je reconnais que je puis me tromper. Je ne m’en sépare pas moins de l’opinion du P. Emmanuel sur Fr. Paul. Dans le cas où vous le prendriez, demandez-le de suite, afin que vous ayez le temps de causer avec lui.

Quant à Clairmarais, si nous nous en [tenons] à ce qui a été décidé, certainement on crie[ra], mais savez-vous la conclusion générale? 1° Qu’il ne faudra jamais traiter un an à l’avance la question du personnel; 2° c’est qu’il faudra désormais qu’une fois par an le supérieur général et les assistants aient une réunion, où l’on décidera les changements; et puis, on laissera crier. Cette réunion aura lieu en août, afin qu’en septembre chacun soit prévenu et n’ait qu’à obéir; sans quoi, nous tomberons dans le gâchis.

Quant au collège, je vous donne encore mille fois raison. Seulement, tâchez de nous trouver des acquéreurs pour Montmau ou le Vigan, et tout s’arrangera.

Je conclus à mon tour:

1° Ce que nous avons convenu ici est immuablement arrangé, surtout si le P. Halluin est plus malade(4);

2° Je partage, sauf les restrictions que je vous ai communiquées, votre appréciation sur la lettre du P. Emmanuel;

3° Proposez-lui M. Jaunay en lui disant que je l’accepte, nous lui trouverons de la besogne;

4° Madame la supérieure me propose de venir à Nîmes, vers le 15 septembre. J’aurais dans ce cas envie d’aller passer quelques jours à Paris. Je suis si pauvre que je le ferai si vous me payez mon retour de Paris à Nîmes; autrement, je différerai jusqu’après l’installation du nouvel évêque, qui ne peut aller à Allevard et m’a donné rendez-vous à Grenoble (n’en dites rien). Ne consultez pas le plaisir de me voir, mais l’utilité. Me préférez-vous trois semaines dans huit ou dix jours(5), ou plus longtemps fin octobre? Répondez par le télégraphe: Venez, ou bien: Attendez. Le seul motif qui me pousserait à retarder serait le besoin de vacances du P. Emmanuel, mais je crains qu’en ce moment il ne soit pas capable d’en profiter. Ma présence lui fera plus de bien. J’attends votre télégramme. Je ne communiquerai votre lettre que plus tard. Le pauvre Père est en ce moment tout à sa honte. Il ne faut pas l’écraser; il n’est pas aussi fort que vous.

Quant à moi, je suis brisé sans savoir pourquoi, mais au moral, car je vais mieux physiquement. Il est sûr que plus j’étudie mes bonnes gens d’ici, plus j’en suis satisfait. Malgré des lacunes, Père Pierre est un maître homme. Il m’a fait ses confidences, lui aussi, sur le P. Emmanuel qu’il redoute un peu. Lui relève les hommes, à preuve le P. Ivan, que P. Emmanuel estime peu comme capacité et que P. Pierre estime, au contraire, par ce côté. Savez-vous ce que les Jésuites ont exigé de Mgr de Cabrières, pour lui prendre son collège? 20.000 francs par an. Je compte rester ici jusqu’au 31 août ou au 3 septembre, mais j’ai besoin de votre réponse pour mes arrangements avec Mgr Besson.

Adieu, et tout à vous bien tendrement.

E.D'ALZON.
Notes et post-scriptum
1. Le manuscrit porte *le 23 novembre*.
2. Voir *Lettre* 5408, n.1.
3. L'abbé Jaunay "prêtre instruit, homme de règle et de discipline, esprit judicieux", se présentait pour être religieux. "Sa présence au noviciat peut avoir des inconvénients, sa présence au collège ne serait pas inutile" (Picard, 20 août).
4. Le P. Halluin et le P. Joseph sont au lit, a écrit le P. Picard le 21 août. Le 24, il dira que le P. Halluin va beaucoup mieux.
5. Ce n'est pas, semble-t-il, le bon moyen de voir Mère Marie-Eugénie qui a écrit : "J'ai le projet d'aller à Nîmes vers le 15 septembre. Y serez-vous?".