DERAEDT, Lettres, vol.11 , p. 423

19 jul 1876 Le Vigan CHABERT Louise

Je vous ai aperçue plus d’une fois sous nos marronniers – Vous n’aimez pas assez – Ni découragement, ni scrupule – Vous êtes faite pour être une sainte – Que de choses à vous dire encore, si vous n’avez pas peur.

Informations générales
  • DR11_423
  • 5680
  • DERAEDT, Lettres, vol.11 , p. 423
  • Orig.ms. ACR, AM 350; D'A., T.D. 38, n. 47, pp. 64-66.
Informations détaillées
  • 1 ACTION DU CHRIST DANS L'AME
    1 AMITIE
    1 AMOUR DU CHRIST
    1 CONNAISSANCE DE SOI
    1 CONTRARIETES
    1 CONVERSION SPIRITUELLE
    1 CRAINTE
    1 DESSEIN DE SALUT DE DIEU
    1 DISTINCTION
    1 DROITS DE DIEU
    1 EMPLOI DU TEMPS
    1 ENERGIE
    1 EPREUVES
    1 FRANCHISE
    1 GRACE
    1 IDEES DU MONDE
    1 JESUS-CHRIST EPOUX DE L'AME
    1 LACHETE
    1 LUTTE CONTRE LE MONDE
    1 MORT
    1 OUBLI DE SOI
    1 PERSEVERANCE
    1 PRUDENCE
    1 RECHERCHE DE LA PERFECTION
    1 REFORME DE LA VOLONTE
    1 SAINTETE
    1 SCRUPULE
    1 VIE SPIRITUELLE
    1 VOCATION
    2 ELIE, PROPHETE
  • A MADEMOISELLE LOUISE CHABERT
  • CHABERT Louise
  • Le Vigan, 19 juillet [18]76.
  • 19 jul 1876
  • Le Vigan
La lettre

Bien sûr, ma chère enfant, je vous ai aperçue plus d’une fois sous nos marronniers; je vous ai même abordée, après vous avoir demandé des nouvelles de vos tristes affaires. J’ai ajouté quelques questions sur votre sainteté. Vous ne m’avez pas répondu, mais je n’avais besoin d’aucune réponse. Je vois si clairement que Notre-Seigneur veut faire tourner tous vos ennuis à une perfection exceptionnelle qu’il m’a été facile de tirer mes conclusions, qui dans mon esprit et mon coeur sont extrêmement nettes et catégoriques. N’avez-vous pas peur? Ou bien voulez-vous les connaître? Aussi bien je ne risque rien à vous les dire. Si elles vous déplaisent, vous déchirerez ce papier; si elles vous vont, vous mettrez la main à l’oeuvre sans perdre une minute.

D’abord, convenez que si aux yeux des hommes vous êtes une personne pleine de tact, de prudence et [de] charmes, aux yeux de Dieu vous avez rudement gaspillé votre temps. Vous n’avez pas à en perdre beaucoup, et c’est pour cela que je vous voudrais une fille transformée par les déceptions et aussi par les souffrances de ceux qui vous entourent; mais surtout je vous voudrais divinisée par l’amour de Notre-Seigneur, votre très unique époux. Vous n’aimez pas assez, ma chère fille. Certes, vous êtes pleine de coeur. Eh! bien, Notre-Seigneur voudrait le vôtre cent mille fois plus grand; et le prodige de cette dilatation peut s’accomplir, si vous donnez à Dieu tous les droits légitimes qu’il a sur vous.

Plus je vous étudie, plus je me persuade que votre vocation est d’aimer, d’être une flamme, de vous consumer, s’il le faut. Et comme la flamme se consume en brûlant, vous devez vous consumer en aimant. Qu’avez-vous à faire en ce monde? Votre place n’est pas grande, et le vide que vous laisserez sera certes bien inaperçu. Vous avez à aimer. Aimez et faites ce que vous voudrez, disait saint Augustin. Je vous tiendrai le même langage. Je cherche ce qui vous manque pour être un séraphin. Je ne vois qu’une chose qui vous fasse défaut, la persévérance. Avec un peu de persévérance, vous auriez bientôt trouvé votre voie. Mais il faut que vous ne vous laissiez plus aller ni au découragement, ni au scrupule. Voyez ce que vous voulez donner. Et pourquoi ne donneriez-vous pas tout?

Louise, je vous dis ceci, avec toute la conviction dont mon affection pour vous me rend capable. Vous êtes faite pour être une sainte, et vous avez encore énormément à faire pour le devenir. Comme l’ange à Elie, je vous dirai: « Vous avez un long chemin devant vous ». Il n’est pas trop tôt de vous y mettre tout de suite et de ne pas marcher désormais, mais de courir et de voler pour arriver au terme avant votre dernier soupir.

Vous voyez bien que je vous ai vue sous les marronniers. Répondez-moi bien vite.

Votre père.

E.D’ALZON.

Que de choses à vous dire encore, si vous n’avez pas peur!

E.D'ALZON
Notes et post-scriptum