DERAEDT, Lettres, vol.11 , p. 503

25 oct 1876 Nîmes GALABERT Victorin aa

Pas la moindre défiance de moi à vous – Soyez père et non *bon papa* – Conseils pour la direction – Le rôle du supérieur – Comme moi, occupez-vous plus des grandes questions et moins des petites – Le P. Athanase.

Informations générales
  • DR11_503
  • 5767
  • DERAEDT, Lettres, vol.11 , p. 503
  • Orig.ms. ACR, AJ 313; D'A., T.D. 32, n. 313, pp. 299-303.
Informations détaillées
  • 1 AUGUSTIN
    1 AUTORITE RELIGIEUSE
    1 BON EXEMPLE
    1 BONTE
    1 BULGARES
    1 CHAPITRE GENERAL DES ASSOMPTIONNISTES
    1 COMMUNAUTE RELIGIEUSE
    1 CONFESSEUR
    1 CONFESSIONNAL
    1 CONGREGATION DES AUGUSTINS DE L'ASSOMPTION
    1 CRITIQUES
    1 DECISIONS DU CHAPITRE
    1 DIRECTION SPIRITUELLE
    1 DROIT CANON
    1 FEMMES
    1 FIDELITE A L'ESPRIT DE LA REGLE
    1 FLATTERIE
    1 FRANCHISE
    1 FRERES CONVERS ASSOMPTIONNISTES
    1 HOMMES
    1 MENSONGE
    1 MISSION DE BULGARIE
    1 MISSIONS ETRANGERES
    1 NOVICES ASSOMPTIONNISTES
    1 OBLATES
    1 POUVOIR
    1 PRATIQUE DE L'OBEISSANCE
    1 REGLE DE SAINT-AUGUSTIN
    1 REPRESSION DES ABUS
    1 SUPERIEUR
    1 SUPERIEUR GENERAL
    1 SUPERIEUR PROVINCIAL
    1 SUPERIEURE
    1 SUPERIEURE GENERALE
    1 VICAIRE GENERAL
    2 BAILLY, EMMANUEL
    2 BOUVY, EDMOND
    2 CHICHKOV, FRANCESCO
    2 CLAVIER, MARIE DES ANGES
    2 CORRENSON, EMMANUEL-MARIE
    2 DIMITROV, LUIGI
    2 DUGAS, JEANNE DE CHANTAL
    2 JEANNE DE CHANTAL, SAINTE
    2 LAURENT, CHARLES
    2 MALASSIGNE, ATHANASE
    2 UTUDJAN, EUGENIE
    2 VINCENT DE PAUL, SAINT
    2 VITTE, PIERRE-FERDINAND
    3 ANDRINOPLE
    3 CARAGATCH
    3 CONSTANTINOPLE
    3 FRANCE
    3 NIMES
    3 PHILIPPOPOLI
    3 ROME
  • AU PERE VICTORIN GALABERT
  • GALABERT Victorin aa
  • Nîmes, 25 octobre 1876.
  • 25 oct 1876
  • Nîmes
La lettre

Mon bien cher ami,

Je reçois à l’instant votre lettre du 12 octobre(1) et j’y réponds bien vite, article par article(2):

1° Vous avez bien tort de croire qu’il y ait la moindre défiance de moi à vous, jamais il n’y en [a] eu l’apparence. Si j’en eusse trouvé en moi, j’eusse à coup sûr pris plus de précautions. La preuve qu’il n’y en a pas la moindre, c’est qu’à force d’être ouvert, je suis presque brutal.

2° Je croyais depuis longtemps que vous étiez trop bon papa. Ce que m’a dit le P. Athanase, ce que les novices m’ont dit me l’a prouvé. Mais on ne se défie pas d’un bon papa. On lui dit: « Soyez surtout père ». Comprenez-vous la différence? Les folies de Soeur Marie des Anges me sont connues; quant à ces bonnes religieuses, croyez que ce que quelques-unes écrivent, quand leurs lettres ne sont pas lues, n’est pas toujours l’écho de ce que vous écrivez. Qui trompent-elles? Et remarquez qu’à mon avis elles trompent sans le vouloir. Mgr Vitte m’a donné un fameux avis, quand il m’a dit: « La femme est flatteuse de sa nature« . C’est pour cela qu’elle n’est pas toujours vraie. Je ne crois pas tout ce qu’elles me disent, ne croyez pas tout ce qu’elles vous disent, non plus.

3° Quant à la direction, la solution est bien simple. La supérieure ne doit interroger que sur l’observation de la règle -ce qui comprend la méditation, le travail, le silence, etc.,- et le progrès des vertus -ce qui comprend l’obéissance, la pauvreté, la charité, etc. Tous les commentaires des dernières décisions portent cela. Voilà pour la supérieure. Que reste-t-il au supérieur? Tout le reste. Ou plutôt cela reste au confesseur. Et le supérieur? L’ensemble de la maison, les avis généraux ou extraordinaires, ceux donnés à part, la réforme des abus. Quoi de plus encore? Les visites régulières. Voilà pour la France. En pays de Mission, le supérieur doit s’occuper de certaines questions matérielles, quoique chez les Soeurs de Charité ce soit le supérieur général qui surtout s’en occupe par le Conseil réuni autour de la supérieure générale.

Dans tout ce que je vous dis, il n’y a rien de contraire aux décisions romaines. Remarquez que si les Soeurs veulent dire davantage à leur supérieure, elles le peuvent. Seulement, on ne peut les obliger à plus. Au fond, on veut leur éviter de faire deux confessions; ce que certaines supérieures absurdes ne comprenaient pas et ce qu’on peut induire de certains avis de sainte Chantal mal interprétés.

4° Ce que j’ai voulu dire par direction indispensable, c’est quand la supérieure perd son latin avec une Soeur; elle l’envoie au supérieur, comme l’indique la règle de saint Augustin.

Il est très vrai qu’à l’Assomption et chez les Oblates on me reproche les courtes directions. J’arrive à cette conclusion que les longues directions sont du temps parfaitement perdu les trois quarts et demi du temps. Laissez Soeur Jeanne se débrouiller. Il est facile de prévoir qu’elle ne contentera pas tout le monde. Vous serez alors le consolateur; mais je vous engage après avoir consolé, à renvoyer à Soeur Jeanne. Je crois que vous pouvez donner vos conseils dans des chapitres présidés par vous et faits très sérieusement, en dehors de certaines plaisanteries que je crois porter à faux de votre part.

Soeur Jeanne et P. Athanase n’ont aucun ordre, en dehors de ce que j’ai écrit, soyez-en persuadé(3). Comment pouvez-vous vous figurer que je donnerai, en dehors de vous, des ordres à un religieux, qui m’a fait l’escapade de la Chartreuse? Je puis être bon pour lui, mais ce n’est pas à lui que je donnerai ma confiance. Je dirai tout. Peut-être la supérieure de Soeur Jeanne lui a-t-elle parlé? Je ne le sais pas, mais n’en serais pas surpris. Prenez cela en vous rappelant ce que je vous disais en commençant. Quand vous serez revenu de votre émotion, peut-être reconnaîtrez-vous que vous avez vu plus qu’il y en a.

P. Athanase n’a aucun ordre que d’aider aux séparations que je vous ai indiquées et que je souhaite toujours de la façon la plus catégorique. Je souhaite, par exemple, qu’il confesse, mais ne dirige pas les Soeurs. Je lui ai écrit, après qu’il a quitté Nîmes une lettre fort verte sur deux heures qu’il avait données à l’Arménienne, laquelle gémit toujours sur les longues conversations et directions qu’elle avait à Andrinople.

5° Non, vous n’êtes pas un enfant, et les 14 ans passés à Andrinople doivent vous pousser à vous occuper davantage des grandes questions et moins des petites. En cela vous m’imiterez. J’ai laissé les Oblates au P. Emmanuel, les Assomptiades au P. Laurent et au P. Edmond. Je ne confesse plus à l’Assomption, aux Oblates presque plus. J’ai fait donner chez les Soeurs Grises un confessionnal au P. Emmanuel, afin qu’il confesse de mes pénitentes le plus qu’il pourra. Je me retire du grand vicariat et je m’occupe de ma Congrégation. Vous allez dire, mon Père, beaucoup trop.

6° Quant à votre séjour à Saint-Vincent, c’est vous-même qui m’avez donné l’idée de vous dire: Voyez si en dehors vous ne ferez pas mieux pour les affaires bulgares(4). Autrement, faites absolument comme vous voudrez. Vous me dites que sous peu il faudra rendre la maison, je vous réponds: Etablissez-vous en ville. Quoi de plus simple?

Si vous devez rester à l’écart, ou allez à Philippopoli, ou venez en France pour un voyage, ou venez me trouver à Rome au mois de janvier. Vingt-quatre heures de bonne conversation vous calmeront la tête, et vous verrez que je ne suis pas un ogre. Toutefois, je ne vous permets d’aller à Philippopoli que pour un temps, car je désire que votre séjour soit Andrinople ou dans de futures combinaisons Constantinople; mais nous n’en sommes pas là.

Je vois avec bonheur que Soeur Jeanne vous a donné le vrai sens de mes paroles. Le point sur lequel je n’ai pas attendu les explications du P. Athanase, c’est sur la séparation des hommes et des femmes. A part cela, je me suis entendu avec lui. Quant à la question de la direction, je l’ai assez bourré lui-même, pour qu’il ne s’en vante pas. Le Chapitre de 1868 a été entendu de la direction, et non des excès de direction.

Si vous vous apercevez des deux langages du P. Athanase, moi aussi; mais cette immense lettre vous donne la possibilité d’y voir clair.

Vous avez bien le droit d’avoir avec vous les convers que vous voudrez; vous êtes provincial, usez de vos droits et ne laissez [pas] le P. Athanase prendre un pied d’égalité. Quant aux enfants de Kara-Agatch, il faut savoir choisir; mais les mélanges ne me plaisent pas plus à Kara-Agatch qu’à Andrinople. Voilà le point où le P. Athanase n’est pour rien, mais où je suis très catégorique. Le P. Athanase est et sera toujours troupier. L’idée d’aller à la Chartreuse ne montre pas une tête bien complète et donne barre sur lui. Si vous m’en croyez, vous l’observerez encore. P. Francesco et P. Luigi qui sont la franchise même, le dernier surtout, vous mettront au courant de bien des choses, si vous gagnez leur confiance. Ce sera facile, la raideur du P. Athanase ne devant pas leur aller. Mais à quoi bon? Le P. Athanase est trop raide, vous trop bon papa. Remarquez qu’il ne vous a pas, devant moi, reproché autre chose. Cher ami, vos dernières lignes sur le P. Athanase sont vraies en partie, mais je vous assure qu’à votre tour je vous trouve exagéré. Qu’on vous ait dit certaines choses sur lui, je le crois; que ce fût fondé en partie, je le crois encore; complètement, non. Prenez doucement le dessus. C’est vous qui commandez, qui êtes provincial, mais tenez pour sûr qu’il y a certaines choses très vraies dans ce que je vous dis. Le P. Athanase n’a pas le droit de vous refuser ce que vous lui demanderez; parlez net et faites-vous obéir.

Adieu, cher ami. Calmez-vous, de grâce, et vous verrez qu’il y a du bon dans ce que je dis, et que, pour être fermes, mes conseils sont utiles.

Avec cela, bien tendrement à vous.

E.D'ALZON.
Notes et post-scriptum
1. Il y a deux lettres du P. Galabert datées du 14 octobre. C'est à ces lettres envoyées en même temps que répond le P. d'Alzon, même si par erreur il parle de *votre lettre du 12 octobre*.
2. Nous n'y trouvons cependant pas de réaction à l'avis émis par le P. Galabert sur la lettre très dure qu'il a adressée aux Oblates le 29 septembre (*Lettre* 5741, v.note). - Le 11 novembre le P. Galabert écrira: "J'ai reçu vos deux bonnes lettres des 17 et 25 octobre. La première avait déjà fait disparaître toutes les impressions plus ou moins fondées que je vous avais exprimées dans la lettre à laquelle répond la dernière". La lettre du 17 octobre (*Lettre 5761) nous avait pourtant parue bien sèche...La deuxième par contre -celle-ci- était bien de nature à réconforter le bon P. Galabert.
3. "Le P. Athanase et Sr Jeanne ne sont ici que depuis trois ou quatre jours. Leur manière de parler et d'agir me fait supposer qu'ils ont des ordres ou qu'ils croient avoir des ordres de vous pour agir en dehors de moi. Car à tout moment: le P. d'Alzon désire ceci, le P. d'Alzon désire cela..." (14 octobre).
4. Le P. Galabert avait l'impression qu'on le verrait sortir avec plaisir de cette maison.