DERAEDT, Lettres, vol.11 , p. 516

25 nov 1876 Nîmes ASSOMPTION_REVUE

Les funérailles de Fido.

Informations générales
  • DR11_516
  • 5781
  • DERAEDT, Lettres, vol.11 , p. 516
  • Publiée par *L'Assomption*, 2e année, n°47 (1er décembre 1876), p.186; D'A., T.D.7, p.95.
Informations détaillées
  • 1 ANIMAUX
    1 COLLEGE DE NIMES
    1 ENTERREMENT
    1 ESPRIT FAUX
    1 HOMEOPATHE
    1 HONNEURS
    1 IMMORTALITE DE L'AME
    1 MAITRES
    1 MEDECIN
    1 MORT
    1 UNIVERSITES D'ETAT
    2 SAINT-COUX, PAUL DE
    3 PARIS
  • AU REDACTEUR DU JOURNAL L'ASSOMPTION
  • ASSOMPTION_REVUE
  • Nîmes, le 25 novembre 1876.
  • 25 nov 1876
  • Nîmes
La lettre

Mon cher rédacteur,

L’Assomption a eu le bonheur de posséder un professeur très saint mais esprit archifaux. Il n’avait quitté l’Université qu’au moment de sa retraite. Il nous édifiait au plus haut des points par ses vertus, il nous agaçait par ses paralogismes. Ce professeur n’avait qu’une affection, un chien. Il n’avait pu vivre en bon ménage; ce chien absorba tout son coeur, sauf, je crois, une paire de canaris.

Le chien tomba malade. On appela pour l’animal un médecin de chiens, homéopathe comme le maître. Malgré l’homéopathe, le chien mourut. Le maître, pour conserver quelque chose de Fido, le fit écorcher, et, de la peau tannée, fabriqua une descente de lit; absolument comme un professeur de la Faculté de médecine de Paris, dont je dirai le nom si on me le demande, fit faire de la peau tannée d’une demoiselle, qui n’était pas sa femme, un tabouret et une paire de pantoufles.

Quand Fido fut écorché, que faire du reste? Mon professeur envoya à ses collègues des lettres de faire-part pour les inviter à la cérémonie. Les malheureux eurent le courage de n’y pas paraître; ces sacristains ne voulaient pas d’enterrement civil! On sut par le domestique, chargé de creuser la fosse, qu’à l’heure dite les restes de Fido, enveloppés dans le drap de lit le plus fin du professeur, furent portés à la tombe préparée et y furent déposés. Mais avant l’enfouissement, mon homme qui ne lâchait pas son chien comme cela descendit dans le trou, écarta le linceul, et, malgré l’écorchement, plaça sa main sur le coeur du quadrupède défunt, pour bien s’assurer que rien ne battait plus. Puis, la pelle du fossoyeur acheva l’oeuvre.

On ne dit pas qu’on ait demandé les honneurs militaires. Je me figure que, quand on ne croit pas à l’âme, on ne peut demander aucune espèce d’honneur, ni pour bête, ni pour homme, même au nom de la liberté de conscience. La liberté de conscience, sans la foi à l’âme immortelle, me fait terriblement l’effet d’être la liberté sans conscience.

Pour moi qui crois à Dieu, à l’âme, à l’enfer et au ciel, je suis en toute conscience vôtre(1).

E.D'ALZON.
Notes et post-scriptum
1. L'article parut sous le titre *Un enterrement civil*. Voir *Lettre* 2797.