DERAEDT, Lettres, vol.12 p. 23

26 jan 1877 Rome COLLEGE de l'Assomption

Voyage de Nîmes à Rome – Un chapeau victime de garibaldiens.

Informations générales
  • DR12_023
  • 5837
  • DERAEDT, Lettres, vol.12 p. 23
  • Orig.ms. ACR, AK 425; D'A., T.D. 33, n. 15, pp. 334-335; publiée dans l'*Assomption*, 3e année, n° 51 (1er février 1877), p.213.
Informations détaillées
  • 1 CHEMIN DE FER
    1 CLERCS
    1 DISTINCTION
    1 GALLICANISME
    1 INTEMPERIES
    1 ITALIENS
    1 MALADES
    1 RADICAUX ADVERSAIRES
    1 REPOS
    1 TENUE SACERDOTALE
    1 TRANSPORTS
    1 VOYAGES
    2 BESSON, LOUIS
    2 GARIBALDI, GIUSEPPE
    2 GASTALDI, LORENZO
    2 PIE IX
    2 PLACE, CHARLES-PHILIPPE
    3 BESANCON
    3 GENES
    3 ITALIE
    3 MARSEILLE
    3 NIMES
    3 ORBETELLO
    3 PROVENCE
    3 ROME
    3 ROME, BASILIQUE SAINT-PIERRE
    3 TURIN
    3 VINTIMILLE
  • AUX ELEVES DU COLLEGE DE L'ASSOMPTION A NIMES
  • COLLEGE de l'Assomption
  • Rome, le 26 janvier 1877.
  • 26 jan 1877
  • Rome
La lettre

Mes chers enfants,

Vous êtes désireux de mes nouvelles. En voici. Nous partîmes de Nîmes lundi dernier, à midi. Il n’y eut rien de bien intéressant jusqu’à Marseille. Là, par un malentendu, nous ne trouvâmes pas la voiture de Mgr Place(1); faute de quoi, nous en prîmes une autre, voilà tout. Mgr Place est un homme de parfait bon ton, qui laisse son clergé porter le rabat, mais qui en évêque consacré à Rome se garde bien de le porter lui-même. Du reste, il sent que cela fait mieux. Sa réception fut parfaite. J’eus quelque frayeur de dormir dans des rideaux rouges. Les radicaux marseillais les auraient-ils fait teindre à dessein? Je m’endormis sur cette inquiétude, je me réveillai bien portant, preuve que malgré les rideaux rouges je n’étais pas assassiné.

Le voyage vrai commença à 7 h. 50. Le surveillant ou chef de gare fut d’une politesse admirable. Ce n’est pas partout ainsi, vous en savez quelque chose. Malgré le ciel de Provence, il faisait une gelée blanche un peu vive, mais les bouillottes étaient chauffées et nos pieds en bon état, à la différence de l’Italie, où changer les bouillottes, c’est tout bonnement les changer de wagon; comme je l’ai vu faire pas plus tard qu’hier à Orbetello. Comment trouvez-vous l’invention? Une bouillotte gèle les pieds, on la passe à d’autres. Elle doit être bouillante; sinon, tant pis pour elle et aussi un peu tant pis pour les voyageurs!

Enfin, nous voilà à Rome. Nous avions voyagé avec deux ecclésiastiques italiens. Au moment de descendre de voiture, le plus âgé remit sa carte à Mgr Besson; c’était Mgr Gastaldi, archevêque de Turin(2). On se fit mille politesses, et chacun s’en fut chez soi. Nous autres, nous étions attendus par quatre Bizontins, lesquels nous avaient retenu une voiture. C’est fort agréable qu’avoir affaire à des gens bien élevés.

Mais vous ne savez pas le plus beau de l’affaire. A Vintimille, nous nous étions mis dans une voiture de fumeurs. Il fallait en sortir. J’avais mon bonnet, j’oubliai mon chapeau. Arrivé à Gênes, plus de chapeau. Je cours au wagon des fumeurs, pas plus de chapeau que sur la main. C’étaient évidemment des garibaldiens, qui, ne pouvant me couper la tête, ont fait voler mon chapeau par la fenêtre, d’où il résulte que j’ai un chapeau pointu, absolument comme un gallican. Figurez-vous ça?

On vous dira que le Pape est malade. C’est faux; en se courbant, il s’est foulé un muscle et, avec une petite friction immédiate, ce n’eût rien été, mais il n’en a tenu compte. Aujourd’hui, il va mieux. Une heure après mon arrivée, j’étais à Saint-Pierre, où j’ai prié de tout coeur pour toute l’Assomption. Enfin, me voilà sans membres rompus. A une autre fois les détails sérieux.

E.D'ALZON.
Notes et post-scriptum
1. Evêque de Marseille.
2. Mgr Lorenzo Gastaldi est archevêque de Turin depuis 1871.