DERAEDT, Lettres, vol.12 p. 48

13 feb 1877 Nîmes GALABERT Victorin aa

La calomnie portée contre vous – Ce que j’ai répondu – Conseils de prudence – Ne dites rien – Vous avez la confiance de Rome.

Informations générales
  • DR12_048
  • 5861
  • DERAEDT, Lettres, vol.12 p. 48
  • Orig.ms. ACR, AJ 323; D'A., T.D. 32, n. 323, pp. 311-313.
Informations détaillées
  • 2 TIMOTHEE, BASILIEN
  • AU PERE VICTORIN GALABERT
  • GALABERT Victorin aa
  • Nîmes, le 13 février 1877.
  • 13 feb 1877
  • Nîmes
La lettre

Mon bien cher ami,

Après avoir sérieusement réfléchi, j’aime mieux vous faire part d’une accusation abominable portée contre vous, en me hâtant de vous dire que les deux personnes, que j’ai consultées à Rome, m’ont assuré que la calomnie était évidente. Pour mon compte, j’en suis convaincu. Ainsi je vous écris, non pour vous rien reprocher que des imprudences(1), mais j’aime mieux tout vous dire, afin que vous me donniez les moyens de vous justifier.

Les religieux opposés à Nicétas ont dit que par ses débauches il avait fait périr six ou sept religieuses, qu’il avait séduit toutes les autres; et, comme on leur disait que cela ne s’expliquait pas avec ce qu’on disait de votre amitié pour Stéphane Nikéta, ils ont répondu que vous en faisiez tout autant, que vous aviez rendu une religieuse enceinte, que Mgr Nil, quand il logeait chez vous, vous avait surpris rentrant très tard de chez les religieuses, et d’autres vous ont entendu tenir avec elles des propos indécents(2). Les accusateurs sont un P. Gennade, (je crois, un autre nommé Timothée), et puis, le plus jeune, en qui Nikéta a toute confiance.

J’ai répondu: 1° que peut-être ne vous étiez-vous pas assez tenu sur vos gardes;

2° que je vous croyais incapable de telles abominations;

3° que le premier auteur de tout cela était Mgr Nil;

4° que s’il avait formé son neveu, il devait être un rude menteur; j’ai donné les preuves contre le neveu;

5° qu’au contraire le fils de Nicétas était un saint qui ne s’était jamais démenti (préjugé favorable au père);

6° que non seulement vous aviez pu vous retirer tard, mais que vous aviez dû passer la nuit auprès d’une religieuse malade et qui était morte, ce qui était votre devoir;

7° que Mgr Nil vous croyait opposé à sa nomination et voulait se venger;

8° que les accusateurs avouant eux-mêmes qu’ils ont la plus profonde antipathie à votre égard(3) sont peu dignes de foi;

9° enfin, qu’on sait ce que sont les Orientaux.

Le P. Brichet, à qui j’ai parlé, est archipersuadé de la calomnie. Aloisi, à qui j’ai montré toute l’accusation, en est plus persuadé encore et m’a montré votre vote sur Mgr Nil qui a déterminé, m’a-t-il dit à plusieurs reprises, le choix qu’on a fait de lui. On aurait parlé à Mgr Grasselli, qui aurait dit qu’il connaissait les accusations contre vous(4).

De tout ceci je conclus à la nécessité d’une immense prudence. N’allez pas trop vite. Mgr Grasselli ira peut-être faire une visite à Andrinople. Soyez très franc, mais surtout voyez quelle prudence est nécessaire avec les religieuses et comme, sans me douter de rien, je vous donnais de bons conseils. Les Soeurs ont parlé. Débarrassez-vous d’une certaine Malama(5) ou un nom approchant, qui est, je crois, chez les religieuses de Stéphane; elle a parlé de remèdes pour les avortements que l’on prenait à la pharmacie de votre hôpital(6). Menez rondement Soeur Marie du Sacré-Coeur, Soeur Augustine, en un mot celles qui ne marchent pas. Ne permettez pas les longues conversations, où l’on a dû dire bien des sottises. Décidez-vous à sacrifier un certain genre de plaisanterie avec les religieuses qui n’est que de mauvais genre, mais que l’on interprète autrement.

Personne parmi les religieux et les religieuses ne se doute de rien, sauf ce que j’ai écrit, il y a douze jours, à Soeur Jeanne et que je lui ai dit de vous montrer. Au surplus, priez Dieu, prenez patience, et tenez-vous un peu raide envers Nil, les Polonais et les novices opposés à Stéphane. Mettez hors de toute relation Malama.

Ma volonté très expresse serait que vous ne disiez rien, sauf de temps en temps que la confiance dont l’on suppose que Nil et d’autres jouissent à la Propagande n’est pas si grande qu’on pourrait le supposer. Vous avez la confiance de la Propagande; soyez digne et taisez-vous.

Je retourne à Rome au mois de mai. Voyez si nous pouvons nous y rencontrer. J’aime peu les ateliers de cordonnerie, je préfère les travaux des champs. J’ai passé un quart de votre lettre. Impossible de vous lire.

Bien à vous en N.-S.

E.D'ALZON.
Notes et post-scriptum
1. "J'ignore sur quelles imprudences on s'est basé pour appuyer les accusations. Mais, je vous le répète, elles n'ont aucun fondement, elles n'ont pas même l'ombre d'un prétexte..."(2 mars).
2. "Quant à des propos indécents, je ne me suis jamais permis la parole la plus légère sur ce point..."
3. Parce que, écrit Galabert, jamais ils n'ont pu trouver chez moi le moindre encouragement à leur révolte contre leur supérieur.
4. Et était tout à fait convaincu de leur fausseté. Mgr Grasselli est délégué apostolique et vicaire patriarcal à Constantinople.
5. Une fille d'une trentaine d'années, "maintenant presque continuellement auprès de Mgr Nil" (Galabert toujours dans la même lettre du 2 mars).
6. Les Soeurs n'auraient pas même pu donner à leur insu un tel remède, le médecin étant farouchement opposé à cette pratique. Au contraire Sr Véronique avait la réputation d'avoir des pillules rendant fécondes les femmes stériles.