DERAEDT, Lettres, vol.12 p. 56

27 feb 1877 Nîmes COLLEGE de l'Assomption

Le peu de consistance de la libre-pensée – Renaissance du thomisme – Mais je vous ennuie…

Informations générales
  • DR12_056
  • 5870
  • DERAEDT, Lettres, vol.12 p. 56
  • Publiée par l'*Assomption*, 3e année, n°53 (1er mars 1877), pp.229-230; D'A., T.D. 33, n. 18, pp. 341-342.
Informations détaillées
  • 1 CRITIQUES
    1 ENSEIGNEMENT CATHOLIQUE
    1 ENSEIGNEMENT DES SCIENCES
    1 LIBRE PENSEE
    1 MALADIES MENTALES
    1 PARESSE
    1 PHILOSOPHIE MODERNE
    1 THEOLOGIE DE SAINT THOMAS D'AQUIN
    1 THEOLOGIENS
    1 THOMAS D'AQUIN
    2 BECKX, PIERRE
    2 CORNOLDI, GIOVANNI-MARIA
    2 LIBERATORE, MATTEO
    2 PRISCO, GIUSEPPE
    2 RIARIO SFORZA, SISTO
    2 SAN SEVERINO, GAETANO
    2 TRAVAGLINI, DOCTEUR
    2 ZIGLIARA, THOMAS-MARIE
    3 BOLOGNE
    3 EUROPE
    3 FRANCE
    3 ITALIE
    3 NAPLES
    3 ROME
    3 ROME, COLLEGE DE LA MINERVE
    3 ROME, COLLEGE ROMAIN
  • AUX ELEVES DU COLLEGE DE L'ASSOMPTION A NIMES
  • COLLEGE de l'Assomption
  • [Nîmes, 27 février 1877].
  • 27 feb 1877
  • Nîmes
La lettre

Mes chers enfants,

J’ai quitté Rome depuis quinze jours, et pourtant je veux vous en parler encore; mais si vous le voulez bien, j’effleurerai un sujet que je crois de toute importance. Ailleurs je le traiterai peut-être avec plus de développement, mais les primeurs vous en sont dues, surtout aux élèves de la première division.

Que la libre-pensée soit très peu philosophique, c’est ce que personne ne contestera, pour peu qu’il ait réfléchi. Pour philosopher, il faut partir d’un principe incontesté ou remonter à un principe certain. Quel est le principe d’où part la libre-pensée? Je lui donne jusqu’à la fin du siècle pour me répondre, si à la fin du siècle je suis encore en vie; mais ni à la fin du XIXe siècle, ni à la fin du XXe, elle ne répondra. Or, qu’est-ce qu’une science sans principe, sans point de départ, sans but?

Je n’insiste pas. Nous marchons de folie en folie, nous en verrons bien d’autres. Or, pendant que la France se dispose à déraisonner tous les jours un peu plus en philosophie, l’Italie se réveille et se livre à Naples, à Rome, à Bologne, aux travaux les plus intéressants. Je ne dis pas que les mêmes études soient négligées ailleurs, mais je ne parle que de ce que je vois. Je parle de Naples, où sous les auspices de l’archevêque cardinal Riario Sforza(1), Sanseverino, Prisco et tant d’autres ont montré une puissance de logique, d’investigation, d’initiative, digne de tout éloge.

A Rome, l’école dominicaine -le P. Zigliara en tête- le P. Liberatore, jésuite, relèvent les doctrines thomistes. On me dit qu’elles sont combattues sur certains points philosophiques par quelques professeurs du Collège Romain; mais si je suis bien renseigné, le Général de la Compagnie de Jésus, ayant à choisir entre ses religieux, penche définitivement pour le thomiste Liberatore, et, comme preuve, il a signé la supplique par laquelle on demande de tout côté que S. Thomas d’Aquin soit proclamé le patron principal des écoles catholiques. A côté, le P. Cornoldi, de la Compagnie de Jésus, obtient pour lui et pour le docteur Travaglini un bref magnifique, où est encouragée une société de savants, dont les efforts tendent à établir que les principes de S. Thomas n’ont rien de contraire aux découvertes de la science moderne et dont les travaux sont publiés, depuis deux ans, dans la revue de Bologne intitulée la Scienza Italiana.

-Ah! mon Père, que vous êtes assommant!- Eh! oui, mes amis, j’assomme, je le sens, un tas de paresseux, qui devaient prendre feu et flamme pour les grandes doctrines destinées à sauver l’Europe et qui, quand on leur sert des considérations un peu fortes, ne savent que bâiller et dire: « Quand donc aura-t-il fini? ». C’est pourquoi je m’arrête. Si le discours vous plaît, je le continuerai au prochain numéro.

E.D’ALZON.

Nîmes, le 27 février 1877.

E.D'ALZON
Notes et post-scriptum
1. Le cardinal Sisto Riario Sforza est archevêque de Naples depuis 1845. Il mourut à Naples le 29 septembre 1877, à l'âge de 67 ans.