DERAEDT, Lettres, vol.12 p. 109

3 jun 1877 Rome CARLE Abbé

Pie IX et les pèlerins – L’exposition de cadeaux – Triomphe d’un Nîmois.

Informations générales
  • DR12_109
  • 5930
  • DERAEDT, Lettres, vol.12 p. 109
  • Publiée par la *Semaine Religieuse de Nîmes*, 13e année, n°16 (10 juin 1877), pp.191-192.
Informations détaillées
  • 1 AMOUR-PROPRE
    1 ANIMAUX
    1 AUMONE
    1 BATEAU
    1 CANADIENS
    1 CARDINAL
    1 DONS EN ARGENT
    1 ESPAGNOLS
    1 EVEQUE
    1 FABRICANTS
    1 FATIGUE
    1 FETE
    1 GENEROSITE
    1 GOUVERNEMENT
    1 HANDICAPS
    1 ITALIENS
    1 JEUNESSE
    1 LINGE LITURGIQUE
    1 MISSIONNAIRES
    1 NOBLESSE
    1 NOTRE-SEIGNEUR
    1 ORGUEIL
    1 OUVRIER
    1 PELERINAGES
    1 PEUPLES DU MONDE
    1 POLONAIS
    1 REVELATION
    1 RIRE
    1 SANTE
    1 SATAN
    1 TRIOMPHE
    2 BERTRAND-BOULLA
    2 FORCADE, THEODORE-AUGUSTE
    2 IGNACE DE LOYOLA, SAINT
    2 MIHALOVITZ, JOSEPH
    2 PAUL, SAINT
    2 PIE IX
    2 PIE, LOUIS
    3 AIX-EN-PROVENCE
    3 AMERIQUE DU NORD
    3 COGNAC
    3 NIMES
    3 POITIERS
    3 ROME, EGLISE SAINT-IGNACE
    3 RUSSIE
  • A MONSIEUR L'ABBE CARLE
  • CARLE Abbé
  • Rome, 3 juin 1877.
  • 3 jun 1877
  • Rome
La lettre

Mon cher ami,

Voilà les grandes fêtes terminées, mais non pas les fatigues de Pie IX. De nouveaux pèlerinages arrivent de tous les points du monde. Une partie des Canadiens ayant eu la machine brisée, est restée trente-neuf jours en mer. Ils apportent d’admirables fourrures d’ours blancs. L’Amérique du Nord envoie des sommes où se montre le désir du nouveau monde de dépasser l’ancien en générosité. Les Polonais sont arrivés, malgré les défenses de la Russie; j’en voyais hier une trentaine sortir de la chambre de S. Ignace, que dans sa munificence le gouvernement italien a bien voulu respecter. Les Espagnols et les Croates ont tenu, paraît-il, à déposer chacun leurs dons aux pieds du Pape. Pie IX a créé sur place un évêque de Croatie cardinal(1). Le saint homme n’y comprenait rien.

Les dons sont de toute espèce; de Cognac on lui a envoyé des bouteilles d’eau-de-vie du prix de 200 francs. L’Evêque de Poitiers lui a fait un discours pour lui prouver qu’à son âge le cognac devait être utile à la santé. Le lendemain, le Pape disait à quelqu’un, de qui je le tiens: « Hier, l’évêque de Poitiers m’a fait une dissertation pour me prouver que le cognac me sera salutaire. Il y a quelque chose qui me fera plus de bien encore, c’est le plaisir de le donner ».

Il y a deux ou trois jours, à sa promenade de cinq heures, il vit une princesse autrichienne au milieu de l’exposition et il lui dit: Toutes ces choses sont magnifiques, pourtant on a oublié un cadeau. -Quoi donc, Saint-Père, reprit la princesse, si c’est possible on vous l’offrira.-Hélas ! Vous ne le pouvez pas, répliqua le Pape, ce serait une paire de jambes. Notre-Seigneur me traite comme S. Paul qui fut souffleté par le diable de peur que la grandeur de ses révélations ne lui donnât de l’amour-propre. Seulement au lieu d’être souffleté à la joue, je le suis aux mollets, pour que je ne m’enfle pas d’orgueil à la vue des triomphes que l’on me fait.

Pie IX malgré ses infirmités a toujours l’esprit et le coeur jeunes. Jeudi, l’archevêque d’Aix lui offrait une calotte et lui demanda la sienne en échange, Pie IX la prit sur sa tête et la lui jeta en riant; mais il est pressé que l’exposition finisse pour pouvoir donner surtout aux missionnaires de tous les pays les plus éloignés. Quand on le voit porté sur son fauteuil, l’idée vient que c’est peut-être la fin; quand on l’entend, on sent qu’il y en a pour longtemps.

Mais ce qui intéressera surtout vos lecteurs, c’est le triomphe d’un de nos concitoyens, M. Bertrand-Boulla. En dehors de ses tapisseries, il a voulu offrir un devant d’autel et avant de le porter à l’exposition on lui a permis de le présenter au Saint-Père. Déjà dans une des salles d’attente, plusieurs évêques et cardinaux avaient félicité M. Bertrand de son chef-d’oeuvre. En l’apercevant, Pie IX s’écria: che bello, che bello! il eut pour l’auteur des paroles très flatteuses, il lui permit de tenir ses mains pendant assez longtemps; on lui avait dit que cet admirable fabricant représentait, par le travail qu’il faisait, de nombreux ouvriers, et JE SAIS que Pie IX en les bénissant a voulu bénir tous les ouvriers catholiques de Nîmes.

Je sais encore là-dessus des choses que l’on pourra dire plus tard, mais ce sera en temps opportun.

E.D'ALZON.
Notes et post-scriptum
1. Voir *Lettre* 5924 et note.