DERAEDT, Lettres, vol.12 p. 189

19 sep 1877 Nîmes MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse

La retraite de Nîmes – Questions d’enseignement pour vous et pour nous – Votre nièce – Le vase sacré était pour les Petites-Soeurs – Varia.

Informations générales
  • DR12_189
  • 6022
  • DERAEDT, Lettres, vol.12 p. 189
  • Orig.ms. ACR, AD 1743; D'A., T.D. 24, n. 1274, pp. 46-48.
Informations détaillées
  • 2 FOUCAULT, THERESE DU SACRE-COEUR
    2 HUMMEL, MARIE-PAUL
    2 LAURENT, CHARLES
    2 MAGNE, MADEMOISELLE
    2 MILLERET, EMMANUEL
    2 PEROUSE, JEANNE-MARIE
    2 ROCHER, THERESE-AUGUSTINE DE
    2 VERON, PAUL
  • A LA MERE MARIE-EUGENIE DE JESUS
  • MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
  • Nîmes, le 19 septembre 1877.
  • 19 sep 1877
  • Nîmes
  • Evêché|de Nîmes
La lettre

Ma chère fille,

Voilà la retraite de Nîmes(1) finie. Les religieuses de Montpellier sont déjà reparties, assez ouvertes, je crois, bien qu’on sentît qu’elles s’attendaient à trouver ici bien des imperfections. La Mère Thérèse du Sacré-Coeur m’a pourtant avoué qu’elle constatait de grandes améliorations depuis 1871.

Soeur M.-Paul m’a avoué, à son tour, que la sorte de suspicion où la tenaient les Soeurs de Montpellier était par trop évidente. Elle s’est dégonflée et m’a déclaré que, puisque vous vouliez être bonne pour elle, elle serait une fille dévouée. Mais elle ne peut comprendre pourquoi, à son dernier voyage à Nîmes, votre neveu Emmanuel lui dit: « A présent, vous êtes bien vue à Auteuil, mais il paraît que vous en avez dit de belles à Mr Véron(2) ». Je l’ai prise par le côté des études, et il me semble qu’elle marche vers quelque chose de très sérieux.

J’ai, je crois, obtenu assez et j’obtiendrai davantage, mais tout se brise devant des sottes comme la petite Magne et Thérèse-Augustine, qui revient à sa mission extraordinaire et de qui je ne puis obtenir qu’elle parle à voix basse à la sacristie.

J’ai causé longuement avec Soeur Jeanne-Marie sur l’enseignement. Il y a deux choses à distinguer, le plan de l’emploi du temps, sur quoi je n’ai rien à dire, et puis l’esprit dans lequel les cours doivent être faits. Il me semble qu’aujourd’hui il est très important de donner plus d’idées générales, et que sous ce rapport la conspiration universitaire se dévoile dans toute son abomination. Il importe de ne pas se contenter de dire: l’enseignement public est abominable, mais d’établir en quoi il l’est pour lui opposer l’enseignement catholique et faire comprendre ce qu’est cet enseignement. Ceci implique des études très importantes, de la part des maîtresses, et certes toutes ne sont pas capables de les faire, mais quelques-unes peuvent s’y consacrer. Ne croyez-vous pas que le moment est venu pour vous de faire comme une Ecole normale supérieure pour les jeunes maîtresses?

J’ai, pour mon compte, exigé que le P. Laurent eût un peu moins d’occupations au collège, afin que comme assistant pour les études il pût préparer l’enseignement supérieur chez nous et le mener à bonne fin par les examens qu’il ferait passer. J’enverrai probablement le P. Laurent faire passer ces examens à Paris, afin d’arriver à une certaine unité de direction; ce qui me paraît très important pour avoir une Ecole, comme les Dominicains par exemple.

L’explication que donne votre nièce sur la manière dont elle a parlé à Mme de Vérot(3) est plausible. Il y a d’autres détails qui le sont moins. Ainsi, en dehors du prieuré, ayant su qu’elle avait parlé de façon à me mettre mal, (sans le vouloir, sans doute,) avec d’anciennes élèves, j’ai voulu en avoir le coeur net, et je suis arrivé à cette conviction qu’à tort ou à raison un établissement pour elle à Nîmes lui amènerait des ennuis, à cause de la manière dont certaines jeunes personnes jugent son défaut de sincérité. Pardonnez-moi de vous parler ainsi, mais sans vouloir lui donner tous les torts, elle a, je crois, procédé de façon à susciter chez quelques jeunes personnes de vives répulsions, qui à Nîmes durent longtemps. J’avais d’abord voulu ne pas vous parler de ces choses, mais comme cela me revient de plusieurs côtés, il me semble utile de vous prévenir, afin que vous ouvriez les yeux sur une habileté, pour ne rien dire de plus, qui finit par retomber sur celle qui l’emploie.

Je ne me trouve pas mal de ma retraite, quoiqu’un peu fatigué. Vous savez que Mgr Mercurelli croyait, en parlant de mes religieuses de Paris, désigner les Petites-Soeurs de l’Assomption. Au fond, me dit-il, c’est à moi que le Pape veut être agréable; mais je lui avais parlé des Petites-Soeurs, c’est aux Petites-Soeurs que le vase sacré est donné.

Adieu, ma chère fille. Bien tendrement vôtre en Notre-Seigneur.

E.D’ALZON.

Il importe, je crois, que Soeur Jeanne-Emmanuel aille bientôt à Nice. J’ai dû lui prêter interminablement mes oreilles. Quelle sainte âme, mais quelle cervelle embrouillée! Le temps me manque pour vous dire comment je compte agir sur certaines têtes du prieuré; ce sera pour une autre fois.

E.D'ALZON
Notes et post-scriptum
1. "Votre belle retraite", dira Mère M.-Eugénie le 22 septembre.
2. Le nom de Soeur Marie-Paul n'est pourtant pas apparu parmi ceux des quelques religieuses qui parlèrent un peu inconsidérément lors de "l'affaire Véron", il y a plus de dix ans déjà (v. par ex. *Lettre* 2823, n.2).
3. Elle ne l'a pas appelée "Véro", c'est Soeur M.-Véronique qu'elle appelait ainsi (Mère M.-Eugénie, 15 novembre).