DERAEDT, Lettres, vol.12 p. 238

17 nov 1877 Nîmes MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse

Vos vivacités et mes raideurs – Croyons à notre bonne foi réciproque – Vos filles de Montpellier et leurs élèves – Le Saint-Père – Elargissons nos âmes dans le zèle de la cause de Notre-Seigneur.

Informations générales
  • DR12_238
  • 6080
  • DERAEDT, Lettres, vol.12 p. 238
  • Orig.ms. ACR, AD 1750; D'A., T.D. 24, n. 1281, pp. 54-55.
Informations détaillées
  • 2 O'NEILL, CECILE-EMMANUEL
  • A LA MERE MARIE-EUGENIE DE JESUS
  • MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
  • Nîmes, le 17 novembre 1877.
  • 17 nov 1877
  • Nîmes
  • Evêché|de Nîmes
La lettre

Ma bien chère fille,

Votre lettre m’est renvoyée de Lavagnac, et je me hâte de vous dire qu’il serait temps que nous laissions, vous vos vivacités, moi mes raideurs. Permettez-moi aussi de ne pas revenir sur le compte de Mère M.-Gabrielle. Vous lui avez dit que vous vouliez en revenir à la règle de ne changer les supérieures que tous les trois ans. Nous avons deux ans devant nous, cela suffit.

Maintenant que j’ai écarté quelques ennuis personnels, causés par quelqu’un qui me créait des embarras, n’en parlons plus, si vous le voulez bien, en respectant chacun notre manière de voir. N’étant pas infaillibles l’un et l’autre, nous pouvons nous tromper. Croyons à notre bonne foi réciproque et revenons à nos vieux sentiments.

J’ai couché à Montpellier, d’où je suis revenu hier. J’y ai vu vos filles, dont je suis très content. Soeur Thérèse du Sacré-Coeur est réellement une petite sainte, fort intelligente. Je l’ai engagée à tracer son sillon tout droit. Pour ce qui regarde les admissions, je l’ai engagée à ne pas trop admettre d’enfants du Sacré-Coeur. Les élèves qui quittent sont en général les moins bonnes. Ce n’est presque jamais une fameuse acquisition. On juge mal, d’après elles, la maison d’où elles sortent, et l’on a tort. On se fait mal juger par les anciennes maîtresses, qui trouvent qu’il ne faut pas être difficile pour prendre des enfants de rebut. Ne le fussent-elles pas entièrement, on est heureux de les juger ainsi, quand les parents les retirent. Du reste, hier il y avait 47 élèves et avant peu les 50 seront dépassées.

La soeur de Gerty(1) a demandé à me parler. Je l’avais vue pendant la retraite. En dehors de sa capacité pour l’enseignement dont je ne puis juger, je crois cette fille apte à devenir une sainte fille. J’en ai causé avec Mère T[hérèse] du Sacré-Coeur, qui est de mon avis. Soeur M.-Clémentine va mieux; pourtant elle tousse bien pendant la messe. Ses dispositions pour vivre ou mourir sont parfaites.

Les nouvelles que vous me donnez sur le Saint-Père(2) me sont confirmées de plusieurs côtés; elles me préoccupent profondément autant que la situation de la France. Peut-être même est-ce cette préoccupation qui me fait donner moins d’importance à des affaires spéciales, et, comme dans ma dernière lettre, me fait vous dire: « Nous ne nous entendons pas, je ne m’en mêle plus ». Cela peut ne pas être aimable, mais c’est le résultat d’une impression qui me force à fixer mes regards sur les progrès de la révolution, et sur la crise à laquelle Dieu soumet son Eglise. Offrons pour son triomphe tout ce que nous avons pu nous faire souffrir. Elargissons nos âmes dans le zèle de la cause de Notre-Seigneur, et redevenons ce que nous étions, il n’y a pas si longtemps.

E.D'ALZON.
Notes et post-scriptum
1. Soeur Cécile-Emmanuel. Ce sont les nièces de Mère Thérèse-Emmanuel. Peut-être faut-il placer en cette mi-novembre la *Lettre* 6033?
2. "...deux personnes sûres et pieuses qui l'ont vu samedi ont été effrayées de son changement. Lui-même n'a retrouvé quelque force que pour dire qu'il fallait être prêt à paraître devant Dieu..." (14 novembre).