DERAEDT, Lettres, vol.12 p. 334

25 feb 1878 Rome BAILLY_EMMANUEL aa

Une correspondance pour le *Nouveau Journal* – Les papes Léon – Simeoni sera secrétaire d’Etat – Les dons des diocèses français – Les audiences de Léon XIII – Mercurelli – Le nouveau pape croit à la presse.

Informations générales
  • DR12_334
  • 6192
  • DERAEDT, Lettres, vol.12 p. 334
  • Orig.ms. ACR, AI 358; D'A., T.D. 31, n. 356, pp. 291-293.
Informations détaillées
  • 1 AMOUR DU PAPE
    1 CARDINAL
    1 CONFESSEUR
    1 CRITIQUES
    1 DIGNITES ECCLESIASTIQUES
    1 DISTINCTION
    1 DONS EN ARGENT
    1 EMOTIONS
    1 ENNEMIS DE L'EGLISE
    1 EVECHES
    1 EVEQUE
    1 FAMINE
    1 FEMMES
    1 FRANCAIS
    1 HISTOIRE DE L'EGLISE
    1 HUMILITE
    1 ITALIENS
    1 LAICAT
    1 MAITRE DE CEREMONIES
    1 MIRACLE
    1 MORT
    1 NONCE
    1 PAPE
    1 PELERINAGES
    1 PRESSE
    1 PRESSE CATHOLIQUE
    1 PRETRE
    1 REPAS
    1 SAINT-SIEGE
    1 SECRETAIRERIE D'ETAT
    1 SOUTANE
    1 SYMPTOMES
    2 ANTONELLI, GIACOMO
    2 BAILLY, EMMANUEL
    2 CATALDI, ANTONIO
    2 DUBOIS, JOURNALISTE
    2 GREGOIRE XVI
    2 GUIBERT, JOSEPH-HIPPOLYTE
    2 LEON III, SAINT
    2 LEON XII
    2 LEON XIII
    2 LEQUETTE, JEAN-BAPTISTE
    2 MERCURELLI, FRANCESCO
    2 PICARD, FRANCOIS
    2 PIE IX
    2 PIE VII
    2 PIE VIII
    2 RAPHAEL SANZIO
    2 REGNIER, RENE-FRANCOIS
    2 SEGUR, GASTON DE
    2 SIMEONI, GIOVANNI
    2 TESSAN, JEAN-CHARLES DE
    3 ARRAS
    3 CAMBRAI
    3 FRANCE
    3 LYON
    3 MARSEILLE
    3 MONTPELLIER
    3 PARIS
    3 PEROUSE
    3 ROME
  • AU PERE EMMANUEL BAILLY
  • BAILLY_EMMANUEL aa
  • [Rome, vers le 25 février 1878].
  • 25 feb 1878
  • Rome
La lettre

Envoyez-vous ma correspondance au Nouveau Journal? Je ne comprends [pas] que Dubois, en échange, ne me renvoie rien. Pourtant il était convenu qu’il m’expédierait sa feuille. Ou bien oubliez-vous de lui envoyer ce que je fais passer par vous? Je ne reçois rien. Demandez qu’on m’envoie les numéros depuis le 10 février.

Adieu. Je vais assez bien. Le P. Picard est admirable, mais je me tiens un peu loin. Adieu.

E.D’ALZON.

On nous écrit [de Rome], 25 février [18]78:

Me permettez-vous quelques rectifications à ce que vous dites des papes du nom de Léon? Saint Léon III fut attaqué par des ennemis qui voulurent lui crever les yeux. L’histoire ecclésiastique affirme qu’un miracle lui rendit la vue. Le fait est qu’il y voyait comme vous et moi dans les dernières années de sa vie. Vous donnez Léon XII pour prédécesseur immédiat à Grégoire XVI. Où placez-vous donc le pontificat de Pie VIII(1)?

Cela dit, j’ajoute que, malgré certains bruits, on a la certitude morale que Simeoni sera secrétaire d’Etat. Au dernier moment, cela peut changer, mais hier des cardinaux le donnaient pour certain.

Le bruit sur le million apporté par Mgr de Ségur est un parfait canard. Si l’on parle de ce qu’envoient les évêques, c’est plus d’un million. Paris seul, affirme l’archevêque, envoie par l’archevêché 600.000 francs, en dehors de ce que les particuliers apportent à la nonciature. L’évêque d’Arras a dû remettre 60.000 francs, qu’il comptait déposer aux pieds de Pie IX. L’archevêque de Cambrai(2), qui avait déjà envoyé au mois de janvier 150.000 francs, si je ne me trompe, en a apporté pour le conclave 140.000. Paris, Arras, Cambrai, en un an donneront plus que le million; mais il y a tant de prêtres et d’évêques même qui meurent de faim et qu’il ne faut pas laisser périr.

Léon XIII a donné, hier, une première audience aux Français. Hélas! il n’en donnera pas aujourd’hui. Certaines personnes, des dames surtout, sont pour le Pape ce que certaines dévotes sont pour leur confesseur: « Ménagez-vous bien avec les autres, mais tuez-vous pour nous ». Hier on voulait qu’à l’audience publique il signât des photographies. Il n’en peut plus, mais on veut le voir trois fois de suite. Tout à l’heure, le P. Picard déjeunait; une dame s’est précipitée pour payer son déjeuner(3) et aussitôt [elle] a demandé une seconde audience qui lui a été refusée le plus poliment du monde, malgré le déjeuner payé. En attendant l’audience de ce soir n’aura pas lieu, le Pape est au lit pour avoir reçu hier [pendant] neuf heures. Si mes observations étaient acceptées, nous prolongerions sa vie, mais on l’aime tant qu’on veut le voir bientôt mort.

Hier, les pèlerins étaient rangés dans la salle des gardes et dans la galerie des loges de Raphaël, quand il passa de la salle aux loges. Comme on m’avait invité à l’accompagner, j’étais à deux pas de lui. Il se retourna pour bénir la première partie des pèlerins; je pouvais le voir à mon aise. Soit que sa soutane fût trop large, soit que les émotions l’eussent [a]maigri, je crus voir un squelette habillé. A qui le comparerai-je? Si vous voulez, à M. l’abbé de Tessan, un peu moins grand, avec de longs bras et un air distingué.

Les pèlerins affluent, je parle des pèlerins français. Je n’ai pas entendu dire que les charges aient été encore données. Mgr Mercurelli, que je voyais il y a un instant, n’a encore rien su au sujet de son titre de secrétaire des lettres aux princes; mais Mgr Mercurelli sera toujours lui-même, c’est-à-dire une des plus saintes, intelligentes et grandes figures de Rome, malgré sa petite taille et sa profonde modestie.

A la différence du cardinal Antonelli(4), Léon XIII croit à l’action de la presse. Il avait créé à Pérouse un journal, dont la direction était confiée au supérieur de son séminaire et à son secrétaire, hommes très distingués. La presse catholique aura en lui un protecteur zélé. Mais le plus grand reproche que lui font certains Italiens, c’est de trop aimer la France. Ce n’est pas nous qui nous en plaindrons. Hier l’excellent Mgr Cataldi n’en pouvait plus de l’audience des Français. Le Pape chargea le P. Picard de faire les fonctions de maître de chambre, et il lui recommanda de conserver tous les noms, afin de savoir en quelle proportion les divers diocèses avaient envoyé des délégués. Cambrai, Arras, Paris, Montpellier, Lyon et Marseille sont évidemment les plus nombreux. Marseille n’avait que les laïques.

E.D'ALZON
Notes et post-scriptum
1. Pie VII 1800 - Léon XII 1823 - Pie VIII 1829 - Grégoire XVI 1830 - Pie IX 1846.
2. Mgr Regnier (1794-1881), depuis 1850, cardinal en 1863.
3. Cette histoire choqua certains lecteurs du *Petit regional* (E. Bailly au P. d'Alzon, 3 mars), ce qui prouve que notre lettre y a bien été publiée.
4. Le prédécesseur de Simeoni au Secrétariat d'Etat, mort en 1876.