DERAEDT, Lettres, vol.12 p. 357

8 mar 1878 Rome COLLEGE de l'Assomption

Le couronnement de Léon XIII – La petite chapelle où saint Pierre baptisa – Prestige de la papauté – Miracles de Pie IX – Des bouleversements se préparent – Le développement qui s’opère chez les catholiques.

Informations générales
  • DR12_357
  • 6216
  • DERAEDT, Lettres, vol.12 p. 357
  • D'après l'*Assomption*, 4e année, n°6 (15 mars 1878), p. 43; D'A., T.D. 33, n. 27, pp. 364-365.
Informations détaillées
  • 1 ACTION DE DIEU
    1 APOTRES
    1 AUTORITE PAPALE
    1 BAPTEME
    1 BUT DE LA VIE
    1 CARDINAL
    1 CAREME
    1 CATHOLIQUE
    1 CHAPELLE
    1 CHRETIEN
    1 DECADENCE
    1 EDIFICE DU CULTE
    1 EGLISE
    1 ELECTION
    1 ENSEIGNEMENT DE LA VERITE
    1 EPREUVES DE L'EGLISE
    1 ETRANGER
    1 FAUSSE SCIENCE
    1 FOI
    1 GRACE
    1 JESUS-CHRIST
    1 JUSTICE DE DIEU
    1 LOISIRS
    1 MANQUE DE FOI
    1 MARTYRS
    1 MAUX PRESENTS
    1 MIRACLE
    1 MISERICORDE DE DIEU
    1 MORT
    1 ORDRE SURNATUREL
    1 PAPE
    1 PENITENCES
    1 PEUPLES DU MONDE
    1 PREDICATION
    1 PUISSANCE DE DIEU
    1 RENOUVELLEMENT
    1 ROI DIVIN
    1 SAINT-SIEGE
    1 SAINTETE
    1 SATAN
    1 SCANDALE
    1 SEMINAIRES
    1 SOCIETES SECRETES
    1 THOMAS D'AQUIN
    1 TRAVAIL DE L'ETUDE
    1 TRIOMPHE DE L'EGLISE
    2 LEON XIII
    2 PIE IX
    2 PIERRE, SAINT
    3 ROME
    3 ROME, CRYPTE SAINTE-EMERENTIENNE
  • AUX ELEVES DU COLLEGE DE L'ASSOMPTION A NIMES
  • COLLEGE de l'Assomption
  • Rome, 8 mars 1878.
  • 8 mar 1878
  • Rome
La lettre

Mes bien chers enfants,

Depuis ma dernière lettre, Léon XIII a été couronné. Il a cru devoir ne pas l’être en public. Sa royauté, comme celle de Notre-Seigneur, semble n’être plus de ce monde. Pourtant le monde y était représenté par les cardinaux, accourus de toutes parts; il est représenté encore à Rome par les étrangers qui viennent contempler le vicaire de Jésus-Christ; il y est représenté enfin par les séminaires de toutes les nations, qui veulent apprendre autour de la chaire de Saint-Pierre ce qu’il faut enseigner, pour aller le semer ensuite dans les âmes de tous les pays.

Aujourd’hui je suis allé visiter la toute petite chapelle creusée dans le tuf, où saint Pierre baptisa d’abord(1). C’est là que s’est formée l’Eglise romaine, et quand on songe que ce sanctuaire est beaucoup plus resserré qu’aucun sanctuaire que vous connaissiez, on voit bien là le doigt de Dieu, voulant qu’au centre même de la foi son oeuvre commençât dans le plus étroit espace, pour se dilater ensuite, comme nous l’avons vu, par la prédication des Apôtres et par le sang des martyrs.

Dieu sait ce qu’il fait. Jamais peut-être la papauté n’attira autant à elle qu’aujourd’hui, et cette attraction morale est certainement plus puissante que toute autre. Il y a l’attraction de la foi qui appelle les croyants, il y a l’attraction de la sainteté et des miracles. On en a cité plusieurs opérés par Pie IX vivant, mais on en a cité encore un tout récent, accompli entre sa mort et l’élection de son successeur. Jésus-Christ s’est hâté de glorifier son Vicaire.

Pour moi, les miracles de Pie IX ne me surprennent pas. Si le monde devient incrédule, je trouve très convenable que Dieu donne à la papauté le grand argument du monde surnaturel, les prodiges que la science humaine ne pourra jamais accomplir. Vous savez tout ce qui s’est passé à Lourdes, l’an dernier. On serait tenté de croire que c’est un commencement. L’Eglise va probablement passer par de grandes épreuves. Il convient à la miséricorde de Dieu de fortifier les faibles contre des scandales prévus, en leur montrant que la puissance d’en haut agit toujours au moment voulu, et triomphe en se servant des projets sataniques formés par les sociétés secrètes.

Tenez-vous prêts. Ce que verra l’avenir, nul ne le sait; mais si l’on vous dit, Léon XIII a quitté Rome, n’en soyez pas surpris. Si le Pape s’enfuit en exil, soyez certains que d’autres seront chassés. Le Pape reviendra, mais les autres? Les bouleversements qui se préparent ne se peuvent calculer. On aperçoit déjà la grande place destinée par la justice divine à l’Eglise sur les ruines faites par les peuples, à qui est réservé le châtiment de leurs longues prévarications. Quant aux peuples eux-mêmes, Dieu seul sait ce qui en sera. Souvenez-vous, mes enfants, de ce principe capable de jeter une lumière utile sur toutes vos idées, Dieu seul demeure, et il fait tout pour son Eglise, même quand il semble l’abandonner.

On dirait qu’en ce moment tout fait défaut aux catholiques. Je ne crains pas de dire qu’il s’opère chez eux un développement, comme on en a vu trois ou quatre exemples au plus depuis les apôtres. Voilà les grands enseignements que je puise à Rome et qui me sont évidents, comme la lumière du soleil.

Je n’ai pas encore eu d’audience privée. Tout le monde m’engage à attendre que la foule des gens pressés soit écoulée. C’est pourquoi, je ne vous envoie pas de bénédictions particulières. Mais cela viendra.

Adieu, mes chers enfants, passez un saint carême, travaillez beaucoup. C’est votre meilleure pénitence, et que saint Thomas d’Aquin, dont nous célébrons demain la fête, vous obtienne une connaissance éclairée de votre religion.

E.D'ALZON.
Notes et post-scriptum
1. Voir *Lettre* 6232, n.3.