DERAEDT, Lettres, vol.12 p. 388

21 mar 1878 Rome CORRENSON_MERE Emmanuel-Marie

Votre santé – J’ai prié et je prie beaucoup pour vous – Projets de pénétration en Russie.

Informations générales
  • DR12_388
  • 6248
  • DERAEDT, Lettres, vol.12 p. 388
  • Orig.ms. AC O.A.; Photoc. ACR, AH 427; D'A., T.D. 30, n. 524, pp. 311-312; QUENARD, p.268.
Informations détaillées
  • 1 AMITIE
    1 ANIMAUX
    1 APOSTOLAT
    1 ASSOMPTIONNISTES
    1 AUMONIER
    1 BELGES
    1 CONVERSATIONS
    1 COUVENT
    1 DIPLOMATIE
    1 FRANCAIS
    1 HARDIESSE DE L'APOTRE
    1 LACHETE
    1 MAITRESSES
    1 MALADIES
    1 MISSION DE RUSSIE
    1 MORT
    1 OBLATES
    1 PENSIONNATS
    1 PRIERE DE DEMANDE
    1 RECONNAISSANCE
    1 RELIGIEUSES DE L'ASSOMPTION
    1 RUSSES
    1 SUSCEPTIBILITE
    1 VOCATION RELIGIEUSE
    2 BAILLY, EMMANUEL
    2 CATHERINE DE SIENNE, SAINTE
    2 CHAMSKA, MARGUERITE-MARIE
    2 DINSART, CELESTIN
    2 LUBIENSKI, CONSTANT-IRENEE
    2 MANNING, HENRY-EDWARD
    3 ANGLETERRE
    3 BUCAREST
    3 FRANCE
    3 JASSY
    3 NIMES
    3 ODESSA
    3 ORIENT
    3 PARIS
    3 PRUTH, RIVIERE
    3 ROUMANIE
    3 RUSSIE
    3 SAINT-PETERSBOURG
  • A LA MERE EMMANUEL-MARIE CORRENSON
  • CORRENSON_MERE Emmanuel-Marie
  • Rome, 21 mars [18]78.
  • 21 mar 1878
  • Rome
La lettre

Ma bien chère fille,

Commencez par remercier Soeur Marguerite-Marie de ses lettres pendant votre indisposition. Je ne m’en suis pas tenu à ce qu’elle m’a écrit, je suis remonté à la source. Je comprends votre découragement, et j’ai appris avec bonheur par le Père Emmanuel qu’il n’y avait jamais eu de danger, comme la Soeur semblait le penser, sans vouloir le dire. Je n’en continue pas moins mes prières pour ma chère fille, et, ce matin, j’ai dit beaucoup de choses à sainte Catherine de Sienne pour vous, dans les murs où elle est morte. Parlons d’autre chose et pour vous seule.

Je viens d’avoir une conversation de deux heures avec le secrétaire de Mgr Lubienski, l’évêque polonais empoisonné(1), il y a quelques années, par les Russes. Il revient de Roumanie, où il a passé cinq ou six ans à Jassy, qui est à deux heures de la Russie et en est séparé par le Pruth. Or sa conviction, c’est que nous devons commencer à Odessa par un couvent de filles, avec quelques maîtresses capables. On aurait à Odessa ou à Bucarest un pensionnat de 300 à 400 élèves. Cherchons donc les maîtresses. Après les religieuses, viendraient un ou deux religieux comme aumôniers, et le reste viendrait ensuite. Mettez donc vos Soeurs en prières pour obtenir des sujets.

Ce Belge connaît les religieuses de l’Assomption et me dit toujours d’en envoyer. Je lui réponds que je veux bien les laisser aller à Saint-Pétersbourg, mais que je réserve Odessa et les environs pour les Oblates. Priez aussi pour que j’y voie clair. Le cardinal Manning m’a dit: « La France ayant abdiqué en Orient, l’Angleterre va reprendre cette influence, et souvenez-vous que l’Angleterre protègera l’action catholique en Orient ». Je vous avoue que, comme Français, j’ai éprouvé un froissement d’autant plus grand que ce que disait ce bon cardinal était plus vrai. Mais je me demande si je ne dois pas avoir à Paris une conversation très sérieuse avec l’ambassadeur actuel de Russie, qui, je le sais, m’accueillera très bien. Je lui demanderai s’il croit que, dans les bouleversements qui vont avoir lieu, il ne pense pas que la puissance morale catholique étant un élément dont l’Angleterre tient un si grand compte, la Russie fera bien de s’en emparer. Je crois que cette manière hardie de procéder pourrait produire un très bon effet. Mais gardez cela pour vous, je n’en ai parlé à personne. Avec cela, je me dis, par moments: « Quelle mouche du coche je suis et ne ferais-je pas mieux d’aller me préparer à mourir dans mon petit coin de Nîmes? ».

Adieu, ma fille. Bien vôtre, d’une affection qui s’accroît par la pensée de ce que nous avons encore à faire.

E.D'ALZON.
Notes et post-scriptum
1. Mort sur le chemin de l'exil, mais peu vraisemblablement empoisonné. Son secrétaire était Dinsart.