DERAEDT, Lettres, vol.12 p. 397

28 mar 1878 Rome BAILLY_VINCENT de Paul aa

Votre vente aux Affaires étrangères – Si le *Pèlerin* plie boutique, sa place est à Rome – Mouvements dans la diplomatie vaticane – La conciliation est impossible – L’article du Figaro.

Informations générales
  • DR12_397
  • 6258
  • DERAEDT, Lettres, vol.12 p. 397
  • Orig.ms. ACR, AH 160; D'A., T.D. 28, n. 509, pp. 121-123.
Informations détaillées
  • 1 APOTRES
    1 CLERGE FRANCAIS
    1 CONCILE DU VATICAN
    1 CONSTITUTION CIVILE DU CLERGE
    1 EGLISE ET ETAT
    1 ENCYCLIQUE
    1 ENERGIE
    1 ENSEIGNEMENT DE L'HISTOIRE
    1 EVEQUE
    1 GALLICANISME
    1 GOUVERNEMENT
    1 GRAVITE
    1 INFAILLIBILITE PONTIFICALE
    1 LIBERALISME CATHOLIQUE
    1 MINISTERE
    1 NOMINATIONS
    1 NONCE
    1 PAPE
    1 PERSECUTIONS
    1 POLONAIS
    1 PRESSE CATHOLIQUE
    1 PUBLICATIONS
    1 RECONNAISSANCE
    1 REPUBLIQUE ADVERSAIRE
    1 RUSE
    1 SECRETAIRERIE D'ETAT
    1 TERREUR
    1 VOYAGES
    2 BAUDE, GEORGE-NAPOLEON
    2 BONNECHOSE, HENRI-M.-GASTON DE
    2 CAIROLI BENEDETTO
    2 CRETONI, SERAFINO
    2 CZACKI, VLADIMIR
    2 FRANCHI, ALESSANDRO
    2 LEON XIII
    2 LOUIS XVI
    2 MENIER, EMILE-JUSTIN
    2 PICARD, FRANCOIS
    2 PIE IX
    2 PIERRE, SAINT
    2 RONCETTI, CESARE
    2 SEGUR, GASTON DE
    2 THIERS, ADOLPHE
    2 VANNUTELLI, SERAFINO
    2 VANNUTELLI, VINCENZO
    2 VOLTAIRE
    2 WADDINGTON, WILLIAM-HENRY
    3 ANTIOCHE DE SYRIE
    3 BELGIQUE
    3 BRESIL
    3 BRUXELLES
    3 ESPAGNE
    3 FRANCE
    3 ITALIE
    3 PARIS
    3 ROME
    3 ROUEN
    3 RUSSIE
  • AU PERE VINCENT DE PAUL BAILLY
  • BAILLY_VINCENT de Paul aa
  • Rome, 28 mars [18]78.
  • 28 mar 1878
  • Rome
La lettre

Père Bailly.

Mon cher ami,

Je reçois votre lettre et vos journaux, je vous en remercie. Le Bien Public(1) est capable de tout. Mais permettez-moi de vous faire observer que votre vente aux Affaires étrangères m’a fait dire depuis plusieurs jours: « Que vont-ils faire dans cette galère? ». On ne demande pas des services à des gens que vous attaquez, comme vous le faites. Ou renoncez aux salons Waddington ou taisez-vous. De loin, c’est parfaitement logique(2).

Non, je ne veux pas que vous alliez en Belgique(3). Si le Pèlerin plie boutique, c’est à Rome qu’il vous faudra venir. J’y pense depuis bien longtemps. Vous y aurez une position providentielle, surnaturelle, divine, à condition que vous laissiez en France les trois quarts de votre esprit et que vous preniez un peu de bon sérieux. Les apôtres ont voyagé, quand la persécution les a chassés. Vous ferez comme saint Pierre quittant Antioche pour aller à Rome. C’était sa place, et il y est allé par force.

Roncetti va être substitut de la secrétairerie d’Etat; Vannutelli, le substitut, va à Bruxelles; Vannutelli (celui de Bruxelles) va en Espagne, parce que Franchi le déteste; Czacki part de Rome pour être nonce à Paris. Voilà la dernière nouvelle. Je la connaissais depuis quelques jours, mais elle m’est confirmée ce soir(4). Czacki, un Polonais, réussira peu avec le gouvernement, avec les évêques, avec la Russie. Evidemment, il y a en ce moment quelque chose dans l’air. On fait dans certains endroits l’éloge de Léon XIII avec des lèvres trop pincées, pour qu’il n’y ait pas anguille sous roche.

Quant à l’encyclique, vous l’aurez probablement en même temps que ma lettre. M. Baude m’a assuré qu’elle serait très forte, mais ils veulent en prévenir l’effet. Mais quelle conciliation est donc possible avec le gouvernement présidé par Cairoli(5) et qui demain sera la république? Allons donc! On a pu traiter avec les Etats généraux -le bêta de Louis XVI les voulait absolument-; je comprends des curés gallicans prêtant serment à la Constitution civile du clergé. Mais avec 93? Or l’Italie va à son 93 et au-delà. Si vous voulez mon opinion, le Pape sera peut-être d’abord libéral, comme Pie IX au commencement. Avant peu, avec sa nature, il ira beaucoup plus loin. Vous pouvez donner pour sûr qu’au concile c’est Franchi, qui a trouvé que l’ambitus, la circonscription de l’infaillibilité du Pape, était la même que celle de l’Eglise, et c’est lui qui, pour la première fois, trouva le fameux ex sese pour établir que le Pape était infaillible par lui-même et non par délégation de l’Eglise.

Après cela, je ne suis pas fâché de l’article du Figaro(6). Je vais m’arranger pour que le Pape en ait connaissance. Adieu, très cher. J’écrirai demain au P. Picard. Mon opinion est que l’Univers devrait reproduire des articles semblables in extenso. Ils ennuieraient terriblement ceux qui y sont loués.

Tout à vous.

E.D'ALZON.
Notes et post-scriptum
1. Fondé en mars 1871, le *Bien public* fut d'abord l'organe officieux de Thiers. L'année suivante il tomba sous le contrôle d'un groupe protestant et accentua son anticléricalisme. Racheté en 1876 par le chocolatier Menier, il patronna en 1878 la fête du centenaire de Voltaire, qui fut interdite. Le 1er juillet 1878, il devint le *Voltaire* (*Hist. gén. de la presse française, t. 3, pp. 214, 227-228).
2. La vente annuelle du Salut devait se tenir dans les salons des Affaires étrangères les 29, 30 et 31 mars. Mais le *Bien public* se livra à une si belle diatribe contre N.-D. de Salut, les pèlerinages, les oeuvres ouvrières, le P. Picard, Mgr de Ségur et le *Pèlerin* "bouc émissaire, qu'on accable des péchés de tous" qu'il était parvenu à obliger le ministre, Waddington, à retirer les salons des Affaires étrangères à N.-D. de Salut (v. le *Pèlerin*, n°65, 30 mars 1878, pp. 205-206).
3. Devant la fureur du ministère Vincent de Paul avait conçu des inquiétudes pour l'existence de son journal et il avait demandé: "M'autorisez-vous à aller faire le *Pèlerin* en Belgique, on y imprime mal et bon marché" (25 mars).
4. Cesare Roncetti reste internonce au Brésil et Cretoni sera pro-substitut; Vincenzo Vannutelli ne va pas à Bruxelles et Serafino y reste; Czacki sera à Paris dans dix-huit mois.
5. Benedetto Cairoli (1825-1889), garibaldien, était devenu président de la Chambre le 8 mars et président du Conseil le 16.
6. Vincent de Paul avait envoyé au P. d'Alzon un numéro du *Figaro* où, disait-il, on interprète singulièrement la parole du Pape; "nous avons pensé que Rouen y était pour beaucoup". - Le P. d'Alzon parle de cet article dans sa lettre du même jour au P. Picard.