DERAEDT, Lettres, vol.13 , p. 10

6 jan 1879 Nîmes PICARD François aa

Le *Pèlerin* doit faire plus – Que va devenir Notre-Dame de Salut?

Informations générales
  • DR13_010
  • 6570
  • DERAEDT, Lettres, vol.13 , p. 10
  • Orig.ms. ACR, AF 330; D'A., T.D. 26, n. 713, pp. 279-280.
Informations détaillées
  • 1 ANTICLERICALISME
    1 CERCLES OUVRIERS
    1 CLERGE
    1 CLERICAUX
    1 COMITES CATHOLIQUES
    1 DECADENCE
    1 EGLISE ET ETAT
    1 FORMATION DU GOUT
    1 GRAVITE
    1 LIBERTE
    1 MAL MORAL
    1 NOTRE-DAME DE SALUT
    1 PENSEE
    1 PLANS D'ACTION
    1 PRUDENCE
    1 RADICAUX ADVERSAIRES
    1 REPUBLICAINS ADVERSAIRES
    1 RESPONSABILITE
    1 ROYALISTES
    1 SALUT DES AMES
    1 TRISTESSE
    1 UNITE CATHOLIQUE
    2 ALZON, EMMANUEL D'
    2 BAILLY, VINCENT DE PAUL
    2 CAPERAN, LOUIS
    2 DONNET, FRANCOIS
    2 DUPANLOUP, FELIX
    2 FERRY, JULES
    2 GAMBETTA, LEON
    2 GUILBERT, AIME-VICTOR
    2 MARCHASSON, YVES
    2 MARET, HENRI
    2 MARQUIGNY, EUGENE
    2 MATHIEU, JACQUES-MARIE
    2 REGNIER, RENE-FRANCOIS
    2 VEUILLOT, LOUIS
    3 CAMBRAI
    3 GAP
    3 PARIS
  • AU PERE FRANCOIS PICARD
  • PICARD François aa
  • Nîmes, 6 janvier [18]79.
  • 6 jan 1879
  • Nîmes
La lettre

Cher ami,

J’écris au P. Bailly. Je crains de le peiner en lui disant que le Pèlerin ne fait guère du bien que par le mal qu’il empêche. Il me semble qu’il doit faire plus.

Mais parlons de Notre-Dame de Salut. Pouvez-vous q[uel]q[ue] chose pour cette oeuvre? Et que pouvez-vous? Ne pensez-vous pas que devant la défaite générale vous serez plus libres, ou bien qu’au nom de la défaite même on vous ordonnera de faire les morts? Donnez-moi votre avis là-dessus. Allez-vous rentrer dans les Comités catholiques? Allez-vous vous unir aux Cercles ouvriers? Vous entendrez-vous à Paris, et avec qui?

Telle est la question. Gardez mes lettres sur ce sujet. Je garderai les vôtres à part sur ce même sujet. La question devient grave. Faut-il se jeter dans l’arène, tête baissée? Faut-il attendre? Que faut-il faire, et comment? Quel est le public du Pèlerin? A-t-il beaucoup de lecteurs sérieux? Quoi qu’on dise, le terrain légitimiste n’est pas cultivable en public pour le moment. Ah! que les curés sont coupables, quand Gambetta a dit : « Le cléricalisme c’est l’ennemi », de n’avoir pas relevé le gant! Mais ce n’était pas prudent! Il valait mieux ériger un monument à Mgr Dupanloup(1).

Adieu, et tout à vous.

E.D'ALZON.
Notes et post-scriptum
1. Le P. d'Alzon pense à une alliance entre les organisations catholiques pour lutter contre les périls qui menacent l'Eglise. Quel peut être, se demande-t-il, le rôle de Notre-Dame de Salut et du *Pèlerin* dans ce rassemblement ?
Mais pourquoi donc, poursuit-il, quand Gambetta a lancé son cri de guerre (v. *Lettre* 5917, n.2), les curés n'ont-ils pas relevé immédiatement le gant ? Le P. d'Alzon n'est pas de ceux qui croient possible, dans les circonstances présentes, une conciliation entre les catholiques et les républicains. Ce n'est pourtant pas à la République en tant que telle qu'il en veut mais à ses excès. Du côté du pouvoir d'ailleurs on dit la même chose : nous ne voulons aucun mal à la religion mais nous ne pouvons supporter les exagérations du cléricalisme. On devrait donc pouvoir s'entendre entre gens qui gardent la mesure. Du côté catholique certains s'emploient à promouvoir cette entente. Déjà alors que l'on préparait un trône pour le roi, des personnalités comme Mgr Maret, les cardinaux Donnet et Mathieu avaient affirmé la compatibilité du catholicisme et de la République. Plus récemment, après l'écrasante victoire électorale des républicains, Mgr Dupanloup au Sénat avait invité à l'estime mutuelle (juin 1876), tandis que Mgr Guilbert (1812-1889), évêque de Gap depuis 1867, publiait successivement deux lettres pastorales, dont l'une invitait ses prêtres à ne pas rendre la religion solidaire d'un régime, l'autre demandait aux républicains de ne pas donner l'impression par leur hostilité à l'Eglise, qu'ils la considéraient comme incompatible avec la République (juin et octobre 1876). En septembre 1877 le vieux cardinal Régnier (1794-1881), archevêque de Cambrai depuis 1850, avait parlé dans le même sens (voir Yves MARCHASSON, *La diplomatie romaine et la République française. A la recherche d'une conciliation. 1879-1880*, p. 60-62, coll. "Théologie historique" 29, Paris, 1974).
Mais tout le monde n'était pas du même avis... Dans la gauche républicaine, les plus radicaux estimaient avoir une revanche à prendre. Depuis le * Syllabus* et le concile du Vatican, écrit Louis Capéran, "les déclarations ultramontaines d'un L. Veuillot, d'un P. d'Alzon, d'un P. Marquigny, dénotaient une telle intransigeance que le projet ministériel ne semblait qu'un acte insuffisant de légitime défense" (*Histoire contemporaine de la laïcité française*, I, p.37, Paris 1957). L'auteur parle ici du projet, déposé en 1876, de modification de la loi sur l'enseignement supérieur. Voté par les députés, il fut arrêté au Sénat. Mais il serait bientôt avantageusement remplacé par les projets Ferry... - Jules Ferry (1832-1893), allait dans quelques semaines recevoir le portefeuille de l'Instruction publique.