DERAEDT, Lettres, vol.13 , p. 39

15 feb 1879 Nîmes GOUY Marie du Saint-Sacrement ra

Notre-Seigneur veut exercer sur votre âme une très grande purification.

Informations générales
  • DR13_039
  • 6603
  • DERAEDT, Lettres, vol.13 , p. 39
  • Orig.ms. ACR, AL 456; D'A., T.D. 36, n. 58, p. 158-159.
Informations détaillées
  • 1 CHARITE ENVERS DIEU
    1 DIRECTION SPIRITUELLE
    1 EPREUVES SPIRITUELLES
    1 ESPERANCE
    1 FOI
    1 PURIFICATIONS SPIRITUELLES
    1 UNION A JESUS-CHRIST
    3 NIMES
  • A SOEUR MARIE DU SAINT-SACREMENT DE GOUY
  • GOUY Marie du Saint-Sacrement ra
  • Nîmes, 15 février [18]79.
  • 15 feb 1879
  • Nîmes
La lettre

Ma chère fille,

J’étais absent de Nîmes, quand votre lettre m’est parvenue; je me hâte d’y répondre. Votre état m’est très connu. Vous êtes en ce moment au bord d’un océan, dans lequel il faut très bravement vous précipiter. Si vous voulez que je vous conduise, pour vous faire du bien il faut que je sois un peu votre seul guide, parce que des airs divers feraient le même effet que sur un malade divers remèdes recommandés par plusieurs médecins.

Avant tout, je ne pense pas que vous deviez voir dans votre état autre chose qu’une très grande purification, que Notre-Seigneur veut exercer sur votre âme. Quand on se fait arracher une dent, on laisse faire le malheureux bourreau, qui vous torture pour vous extirper un principe de souffrance. Vous en êtes au même point. Laissez-vous faire. Dieu vous veut dans la nuit. Vous ne voyez rien, vous ne croyez rien, vous n’entendez rien, c’est comme un évanouissement de votre âme. Faire des actes bien distincts en ce moment est bien difficile quelquefois. Il faut en rester à une adhésion générale à la volonté de Dieu. Voilà le véritable état passif, où ce que l’on sent le plus, c’est son néant, si l’on sent quelque chose. La sensibilité, le sentiment même sont morts. On ne va plus que par la pure volonté, si vous aimez mieux, par une volonté très purifiée. On dit d’une façon très nue: « Je veux croire, je veux espérer, je veux aimer », alors qu’on ne sent ni si l’on croit, ni si l’on aime, ni si l’on espère.

Vous ai-je bien comprise? Je le crois, et, dans ce cas, vous n’avez qu’à répéter très intimement, très sèchement peut-être: « Je crois, j’espère, j’aime, parce que Dieu m’en a donné la grâce que je ne sens peut-être pas, et parce que je le veux d’une volonté d’autant plus forte que je la sens moins ». Au fond, Dieu veut vous faire mourir à la partie inférieure de votre piété. Il vous dit: « Ma fille, monte plus haut », et votre oeil, comme celui des oiseaux de nuit, n’y voit pas, non pas à cause des ténèbres, mais à cause de l’abondance de lumière à laquelle vous vous accoutumerez peu à peu. Il y a une Soeur Marie du Saint-Sacrement qui doit mourir à elle-même. Il y a une Soeur Marie du Saint-Sacrement qui doit ressusciter dans une première transfiguration. En attendant, vous êtes dans le tombeau, consepulta cum Christo(1). Combien cela durera-t-il? Dieu seul le sait. Prenez patience et purifiez-vous tous les jours.

Adieu, ma fille. Ecrivez-moi vite un seul mot pour me dire si je vous comprends. Si je vous comprends, ne vous adressez qu’à moi. Si je ne vous comprends pas, adressez-vous à votre Mère. En tout cas, je crois voir très clair que vous êtes dans un état douloureux sans doute, mais très utile à votre âme.

Bien vôtre en N.-S.

E.D'ALZON.
Notes et post-scriptum
1. Rom 6, 4.