DERAEDT, Lettres, vol.13 , p. 163

23 jul 1879 Nîmes BAILLY_VINCENT de Paul aa

Un quotidien? – Je réclame une discussion approfondie des voies et moyens.

Informations générales
  • DR13_163
  • 6757
  • DERAEDT, Lettres, vol.13 , p. 163
  • Orig.ms. ACR, AH 236; D'A., T.D. 28, n. 583, p. 174-175.
Informations détaillées
  • 1 INTEMPERIES
    1 PRESSE CATHOLIQUE
    1 SANTE
    2 DU FOUGERAIS, CHANOINE
    2 GUIBERT, JOSEPH-HIPPOLYTE
    2 MEGLIA, PIER-FRANCESCO
    2 SARCEY, FRANCISQUE
    2 SAUGRAIN, HIPPOLYTE
  • AU PERE VINCENT DE PAUL BAILLY
  • BAILLY_VINCENT de Paul aa
  • Nîmes, 23 juillet [18]79.
  • 23 jul 1879
  • Nîmes
La lettre

Cher ami,

Dans votre dernier numéro du Pèlerin vous jetez comme ballon d’essai l’idée d’avoir, dans six mois, un journal quotidien(1). Y avez-vous bien réfléchi? Et ne pensez-vous qu’il faudrait auparavant examiner si vous n’allez pas au-devant du désastre, dont vous menaçait, selon vous, le P. Hippolyte au sujet du Pèlerin?

Remarquez, je ne blâme pas, je réclame de la manière la plus formelle une discussion approfondie des voies et moyens. Le Pèlerin, du train dont vous y allez, vous mettra sur le flanc avant peu. Que sera-ce, quand il vous faudra être prêt à paraître tous les jours? Aurez-vous des collaborateurs? Et qui? Et combien? Des religieux? Cela me semble fort. Des laïques? En serez-vous le maître? Aurez-vous de quoi les payer? Le genre badin, plaisant, se passe à une supériorité capable de se maintenir à un certain niveau; mais si le niveau baisse -ce qui est à peu près inévitable- quels cris ne poussera-t-on pas à l’archevêché et à la nonciature? Le Pèlerin nous a assez compromis, un journal quotidien nous compromettra bien davantage, et la Congrégation tout entière en payera les pots cassés. Que M. du Fougerais se lance, permis à lui, il est tout seul; mais vous, ici, vous êtes la Congrégation, et, au point où nous en sommes, il faut prévoir l’avenir.

Remarquez que je ne dis pas non. Mais, avant de donner mon approbation, j’exige trois conditions: 1° les limites de votre programme, qui ne peut être absolument le même que celui de l’Univers et du Pèlerin; 2° l’indication des ressources matérielles, sur lesquelles vous comptez pour commencer; 3° les noms principaux du personnel de la rédaction. Vous pouvez faire un grand bien, vous pouvez faire un grand fiasco; je suis obligé d’exiger des garanties.

Mettez ma lettre à part. En vous l’adressant, je fais un acte de conscience très sérieux. Si vous voulez du temps pour répondre, prenez-en; mais qu’il soit bien entendu que vous ne lancerez rien dans le public, tant que je ne vous aurais pas dit: allez(2).

Nous avons un temps abominable dans l’atmosphère et dans ma mâchoire. Dieu veut châtier les travailleurs impies et les mangeurs gourmands. Adieu, et tout vôtre en Notre-Seigneur.

E.D'ALZON.
Notes et post-scriptum
1. Sous le frontispice du n° 133, après avoir souligné la progression des abonnements au *Pèlerin*, le P. Bailly a écrit:
"Avant la fin de 1879, si l'on ne nous étrangle pas, l'oeuvre du journal hebdomadaire sera constituée sur de nouvelles bases.
Et puis ce sera le tour du journal quotidien populaire, auquel de vaillants écrivains se consacrent déjà, mais auquel il faudra assurer un tirage considérable pour répondre à des adversaires qui croient, parce qu'ils flattent les passions, posséder le monopole du nombre."
2. Voici, intégralement, la réponse du P. Bailly :
Paris, 24 juillet 1879
Mon très Révérend Père,
Il n'y a rien de nouveau pour le *Pèlerin* et nous en sommes à nos conversations de Paris. Je suis convaincu qu'un journal catholique attrayant peut jeter dans le camp de nos adversaires la pierre la plus désagréable et arrêter leurs ravages en partie. Voilà pourquoi je veux réserver la possibilité de le faire, soit dans six mois, soit plus tard.
Or des hommes sans l'intelligence de la chose, s'efforcent de constituer un petit journal qui sera sans doute languissant toujours et ils prétendent qu'ils seront le journal catholique populaire. Ils me fermeraient donc la voie.
Déjà je leur ai dit la possibilité de la création du *Pèlerin* quotidien afin qu'ils ne s'y puissent opposer plus tard.
Mais comme d'autres s'occupent de cette oeuvre qui (selon moi) n'a pas les éléments de vitalité, qu'on sollicite nos amis pour des actions, j'ai cru bien faire de prendre position par une phrase qui ne m'engage à rien. Je dis qu'après le journal hebdomadaire populaire, il faudra arriver à créer le journal quotidien populaire, sans même affirmer qu'il sera fait par nous, quoique je le pense.
Pour l'exécution, je comprends bien que ce qui a été convenu pour le journal hebdomadaire avec vous, ne m'autorise pas à une entreprise tout autre, comme serait le quotidien. Au point de vue de la Congrégation, comme au point de vue de l'obéissance, je comprenais et n'eusse pas été de l'avant.
Ma phrase répond encore à ceux qui nous pressent de rendre le *Pèlerin* plus fréquent, au lieu d'une longue lettre, cela leur dit: Patience, on y songe.
Je garde votre lettre pour répondre aux questions qu'elle pose, mais de vive voix. La grosse affaire est de trouver la rédaction, quant au programme ce serait l'esprit de l'Assomption et pas de polémique ni avec M. Sarcey, ni avec d'autres: édifier et instruire à toutes les lignes. Pour cela j'ai quelques moyens d'exécution auxquels le *Pèlerin* hebdomadaire nous préparera. Mais j'empiète sur la discussion du projet et le papier me refuse place.
Votre fils. V.Bailly.