- PM_XIV_060
- 0+242 a|CCXLII a
- Périer-Muzet, Lettres, Tome XIV, p. 60.
- Copie faite par la censure des Etats pontificaux, Arch. Vat. 219, t. III, n° 102; Photoc. ACR, AE 409; *Pages d'Archives*, II, pp.339-340.
- 1 CONVERSIONS
1 EGLISE
1 ENCYCLIQUE
1 POLITIQUE
1 PROTESTANTISME
2 CHAFFOY, CLAUDE-FRANCOIS DE
2 GERBET, PHILIPPE-OLYMPE
2 LAMENNAIS, FELICITE DE
2 LIRON D'AIROLLES, DANIEL-XAVIER
2 MONTALEMBERT, CHARLES DE
2 VERNIERES, JACQUES
3 ROME - A MADAME LA VICOMTESSE D'ALZON
- ALZON_MADAME
- Rome, 17 mars 1835.
- 17 mar 1835
- Rome
- *Mme la vicomtesse Henry d'Alzon,*
*Paris.*
J’ai reçu hier votre lettre du 1er mars. Je ne puis vous dire la peine qu’elle m’a faite à cause des détails que vous m’y donnez sur M. de Lamm. Quoi qu’il en soit de lui, je suis, pour mon compte, bien décidé à ne pas m’écarter de la ligne que je me suis tracée et dans laquelle je m’affermis tous les jours. Je ne veux plus m’occuper de politique que pour constater des fautes, ce n’est pas là mon affaire. Je m’occupe de religion et pas d’autres choses. Le mal que va faire M. de Lam. est incalculable si Dieu ne l’arrête sur le penchant du précipice. La partie politique de sa préface, la seule que j’ai pu lire dans la Revue des deux mondes, me paraît bien amère contre Rome. Il paraît que la partie philosophique est encore plus désolante: cet homme n’a pas voulu voir quel avantage il aurait tiré de la persécution que lui faisait subir une coterie s’il avait voulu garder le silence; il n’a pas voulu séparer l’Eglise de cette coterie, et, pour se venger de ses adversaires, il a frappé l’Eglise. Il ne s’est pas aperçu qu’il leur assurait par là le plus beau triomphe qu’ils pussent désirer, le triomphe de Satan dans l’enfer quand il a conduit une âme à nier Dieu.
Pour en revenir à ce qui me concerne personnellement, je dois vous prévenir qu’il me semble qu’il nous faudrait de longues explications avant de nous entendre; que j’espère, quand nous nous verrons, que la simple exposition des faits tels qu’ils se sont passés sous mes yeux, vous expliquera pourquoi j’ai pris le parti auquel je me suis arrêté. Seulement, je vous prierais de faire quelques réflexions. La première, que je ne nie pas que je doive me soumettre aux Encycliques; je l’ai promis, et quand je ne l’aurais pas promis je serais prêt à le promettre encore. Quand donc on m’accuse de n’être pas soumis, on va directement contre ma déclaration. En second lieu, tout le monde, ici, vous dira que les paroles dont on s’est servi sont vagues, et l’acte est à dessous, parce que l’on ne voulait pas décider la question. Or, si l’on ne veut pas juger la question quant au fond, chacun est libre de chercher au fond de sa conscience ce qu’il croit désapprouver sans s’embarrasser de ce que peuvent dire certaines gens qui voudraient se servir des paroles du Souverain Pontife comme d’une arme de parti. Dès lors, chacun prend dans l’Encyclique ce qu’il croit y voir: l’un y voit une chose, moi, j’y en vois une autre. On ne fait rien au fond de la question, qui reste toujours à décider. Et que je crois que l’on ne décidera jamais, parce que trop d’intérêts se raient compromis. Je crois même, en cherchant à m’expliquer la conduite de M. de Lamm., que cet homme a voulu qu’on le laisse tranquille, et que c’est pour cela qu’il a publié cette préface. Je crois qu’il a réussi, mais d’une manière bien malheureuse. Depuis longtemps, il a déclaré qu’il ne s’occuperait plus de religion, et, en effet, si je ne me trompe, il ne s’occupe guère que de politique et de philosophie.
Je vous prie, puisque vous voyez Montalembert, de le faire causer sur ses projets et sur la manière dont il pense que M. Gerbet entend les choses. Il me semble que parce que M. de Lamm. se retire, ce n’est pas une raison pour les autres de s’arrêter et de croiser les bras; sans doute, c’est une perte immense, mais par cela même, il faut faire tous les efforts pour la faire paraître la moins forte que l’on pourra.
Pour moi, je reçois toujours des sollicitations de M. Vernières pour me livrer à la conversion des protestants. Quoique cette idée me répugne d’abord, je m’y livrerais assez volontiers, si je ne savais que l’évêque de Nismes y est formellement contraire. Mon oncle d’Ayrolles n’a pas jugé à propos de répondre à ma lettre du 1er de l’an, dans laquelle je le priais d’assurer l’évêque de ma soumission et de mon obéissance.
Je pense que je m’en tiendrais à ma première idée de partir d’ici à la fin du mois de mai, de passer le mois de juin à parcourir ce que je ne connais pas de l’Italie et de vous arriver avec la S. Pierre.
Emmanuel d'Alzon.