Périer-Muzet, Lettres, Tome XIV, p. 63.

18 mar 1835 Rome VIGNAMONT Alphonse

Les richesses insondables du dogme catholique – Coupables tous deux, peuples et rois doivent être châtiés les uns par les autres – La pensée la plus intime de mon âme est que, sous peine de tomber en dissolution, le monde a besoin d’être pénétré par une idée chrétienne et qu’il ne peut la recevoir que par des hommes dont le rôle sera de la présenter sous toutes les formes qu’elle peut revêtir.

Informations générales
  • PM_XIV_063
  • 0+242 c|CCXLII c
  • Périer-Muzet, Lettres, Tome XIV, p. 63.
  • Copie faite par la censure des Etats pontificaux, Arch. Vat. 219, t. III, n° 102; Photoc. ACR, EC 410; *Pages d'Archives*, II, pp.340-341.
Informations détaillées
  • 1 CHATIMENT
    1 CROIX DE JESUS-CHRIST
    1 DOGME
    1 PEUPLES DU MONDE
    1 POLITIQUE
    1 SOCIETE
    1 SOUVERAIN PROFANE
  • A MONSIEUR ALPHONSE DE VIGNAMONT
  • VIGNAMONT Alphonse
  • Rome, 18 mars 1835.
  • 18 mar 1835
  • Rome
  • *Monsieur Alphonse de Vignamont,*
    *Toulouse.*
La lettre

Je ne sais, mon cher ami, si quand j’aurais le plaisir de vous revoir, vous me trouverez bien changé; pour moi, il me semble qu’il s’opère tous les jours une révolution en moi, non pas de mal en bien, tant s’en faut, mais je vois une foule de choses sur un point de vue différent. A mesure que j’étudie la religion, je découvre, dans les profondeurs du dogme catholique, tant de richesses, une sève si forte, une vie si puissante que, d’une part, je ne puis concevoir comment le prêtre qui veut renouveler la société peut chercher d’autres secours que ceux qu’il trouve dans la vérité même, et, de l’autre, il me semble que le meilleur, l’unique moyen de rendre aux intelligences les forces qu’elles ont perdues, de réparer cet épuisement moral dont on se plaint de tout côté, est de faire briller devant elles cette lumière qui éclaire tout homme venant en ce monde, de les réchauffer aux rayons du Verbe éternel. Aussi, à mesure que je considère le monde de ce point de vue, je prends un dégoût de plus en plus profond pour la politique, parce que je la considère dans ce moment comme chose morte, je n’y vois plus la vie, je n’y vois que des convulsions, des efforts impuissants vers l’ordre, des tentatives stériles, tant que la pensée catholique ne viendra pas la pénétrer de charité, de justice et de cet esprit de liberté chrétienne qui, quoi qu’on dise, est aujourd’hui totalement étouffé. Mon parti est bien pris et je me confirme tous les jours dans ma résolution en lisant le Psaume deuxième, que je vous engage à méditer. Je suis convaincu de plus en plus que peuples et rois sont coupables; que, par conséquent, peuples et rois doivent être châtiés les uns par les autres; que ce qu’il reste à faire pour le prêtre c’est de travailler selon ses forces à l’établissement du règne du Christ, sans se compromettre dans des vaines disputes. Son roi, à lui, c’est Jésus de Nazareth; sa tribune, le calvaire; son drapeau, la croix. Qu’on n’aille point attacher une couleur à ce drapeau; la croix sur laquelle l’Homme-Dieu fut attaché, celle qui apparut à Constantin n’était ni rouge ni blanche, et cependant, le monde fut sauvé par la première et fut conquis par l’autre. La pensée la plus intime de mon âme est que le monde a besoin d’être pénétré par une idée chrétienne s’il ne doit tomber en dissolution, et qu’il ne peut recevoir cette idée que par des hommes qui s’occuperont avant tout de cette idée, afin de la présenter sous toutes les formes qu’elle peut revêtir. L’on dit que le monde est impie. Je crois, sans doute, que les passions le détournent du bien, mais je crois surtout qu’il est ignorant; il faut donc l’instruire et lui préparer une instruction dans des termes qu’il puisse comprendre.

Emmanuel d'Alzon.
Notes et post-scriptum