Périer-Muzet, Lettres, Tome XIV, p. 70.

2 sep 1835 Lavagnac MONTALEMBERT

A propos de livres et d’un buste – Peine que j’éprouve en pensant à celui que nous appelions notre maître, mais ma foi est devenue plus forte – Je me suis mis à la disposition de mon évêque – Me donnerez-vous des nouvelles de M. Féli ? – Le choléra dans la région.

Informations générales
  • PM_XIV_070
  • 0+264 a|CCLXIV a
  • Périer-Muzet, Lettres, Tome XIV, p. 70.
  • Orig.ms. Arch. Montalembert; Photoc. ACR, AP 234.
Informations détaillées
  • 1 ACCEPTATION DE LA VOLONTE DE DIEU
    1 AMITIE
    1 CLERGE PAROISSIAL
    1 COLERE
    1 ENSEIGNEMENT
    1 EVEQUE ORDINAIRE DU DIOCESE
    1 FOI
    1 LACHETE
    1 LIVRES
    1 MALADIES
    1 ORDINATIONS
    1 PROVIDENCE
    1 TRIOMPHE DE L'EGLISE
    1 TRISTESSE PSYCHOLOGIQUE
    1 VERTU D'OBEISSANCE
    2 BOUISSE, MONSIEUR
    2 FROMENT, CLEMENT
    2 LAMENNAIS, FELICITE DE
    2 RIO, ALEXIS-FRANCOIS
    3 MARSEILLE
    3 PARIS
  • AU COMTE CHARLES DE MONTALEMBERT
  • MONTALEMBERT
  • Lavagnac, 2 septembre 1835 (1).
  • 2 sep 1835
  • Lavagnac
  • *Monsieur*
    *Monsieur le Comte de Montalembert*
    *Pair de France*
    *rue Saint-Dominique, n° 38*
    *Paris.*
La lettre

Je n’ai pas voulu, mon cher ami, répondre à votre lettre sans avoir écrit à Marseille pour y demander les renseignements nécessaires sur les deux caisses dont vous me parlez. La vôtre n’est partie que depuis peu de temps pour Paris. M. Froment(2) était absent quand la lettre que vous lui écrivîtes, arriva à Marseille; il n’a fait partir vos livres qu’à son retour. Le buste de M. Rio(3) n’a pas été adressé à M. Froment, mais à un marchand de faïence dont je lui donnai l’adresse dans une lettre en réponse à celle qu’il me fit parvenir par ma mère.(4) Comme je ne me la rappelle plus, il faut que M. Rio, dans le cas où il l’aurait perdue, écrive à M. Bouisse, Piazza San Nicolo a’Cesarini,(5) n° 56, à Rome. C’est lui qui avait été chargé de l’envoi et qui par conséquent donnera toutes les indications. Je sais seulement que le marseillais, à qui le buste fut adressé, l’a reçu depuis très longtemps et qu’il ne l’envoie pas à son propriétaire parce qu’il n’en sait l’adresse. M. Rio, il paraît, a confondu le nom de la personne qui devait recevoir ses [sic] livres et celui de la personne qui devait recevoir son buste. Voilà, si je ne me trompe, l’occasion du retard qu’il a éprouvé.

Maintenant, mon cher ami, que j’ai répondu de mon mieux à vos questions, vous me permettrez de vous faire toutes mes excuses pour mon long silence. Depuis sept mois que je suis prêtre,(6) il s’est passé des choses si tristes et qui faisaient sur moi une si douloureuse impression que je ne savais comment vous en parler.(7) Tantôt je me laissais aller à un abattement complet, et d’autres fois, à une irritation qui certes n’était pas bonne. J’en voulais à tout le monde. Il me semble qu’à présent je suis plus calme et plus résigné; et quoique j’éprouve de bien vives douleurs toutes les fois que je pense à celui que nous aimions d’appeler notre maître et notre père,(8) je crois être plus soumis à la volonté de Dieu. En résumé, après de bien rudes secousses, ma foi est devenue plus forte, plus pure, plus surnaturelle; je pense comprendre mieux la marche de la Providence sur l’Eglise de Jésus-Christ, et comment elle se sert des petites passions des hommes, de leurs haines et de leurs coteries, pour faire toujours avancer la barque de Pierre vers le but éternel.

Je n’ose compter sur le plaisir de vous voir cet hiver. J’ai été tellement fatigué de tout ce qui s’est passé depuis quelque temps que j’ ai presque entièrement renoncé à tous mes projets d’études, et que je me suis mis à la disposition de mon évêque(9) pour faire de moi ce que bon lui semblerait. Quelque peu de goût que je me sente pour le ministère des paroisses, il est probable que je serai, d’ici à quelque temps, vicaire ou toute autre chose de la même espèce. Je n’ose former aucun projet; il y a peut-être de la lâcheté dans ma manière d’agir, quelquefois je crois y voir de l’obéissance.

Pourriez-vous me donner des nouvelles de M. Féli? Je lui ai écrit, il y a quelque temps, à plusieurs reprises, sans qu’il m’ait répondu.(10) Cependant je conserve pour lui un attachement bien profond et que ses malheurs ne diminueront jamais.

Le choléra, qui d’abord paraissait devoir faire de grands ravages dans les environs, diminue tous les jours. Cependant il atteint avec une rapidité telle que les personnes qu’il frappe, sont quelquefois emportées en deux heures. Mais le nombre des victimes dans les environs n’est pas très considérable, puisque j’ai fait offrir mes services dans certains endroits, et l’on m’a fait répondre qu’ils n’étaient pas encore nécessaires.(11)

Adieu, mon cher ami. Pensez à moi et priez pour moi. Ce m’a été une bien grande consolation de pouvoir dire la messe pendant les tristes moments que j’ai passés depuis un an. Tout à vous.

Emmanuel d’Alzon.

Mes parents vous remercient de votre bon souvenir. Je vous prie de faire mes compliments à M. Rio; j’ai appris avec plaisir que son ouvrage allait enfin paraître.

E.D'ALZON
Notes et post-scriptum
1. Note de Montalembert: "Répondu".
2. Intermédiaire utilisé aussi par la famille d'Alzon (*Lettres* I, p.458).
3. Ecrivain religieux et critique d'art français (1797-1874), dont E. d'Alzon possédait un ouvrage à Lavagnac et qu'il connut pendant son séjour à Rome (cf. *Lettres* I, pp. 589-591).
4. Cf. *Lettre* I, pp. 811-812.
5. *San Nicola de'Cesarini*.
6. E. d'Alzon fut ordonné prêtre, à Rome, le 26 décembre 1834.
7. Allusion à la signature d'un formulaire d'adhésion à l'encyclique *Singulari nos*, qui lui fut demandé, par le cardinal-vicaire Odescalchi au nom du pape Grégoire XVI, avant de recevoir les ordres majeurs, et qu'il signa sans attendre le 12 décembre 1834. Par l'indiscrétion d'un ami, l'abbé de Montpellier, la formule d'adhésion paraissait, le 2 février 1835, dans l'*Ami de la Religion*, après avoir été rendue publique dans le *Journal historique et littéraire de Liège*.
8. Lamennais.
9. Mgr de Chaffoy, évêque de Nîmes, diocèse d'origine d'E. d'Alzon.
10. Lettres des 23 septembre, 4 octobre et 26 novembre 1834.
11. Services offerts à Nîmes et jugés non nécessaires par l'évêque. - Notes de P. Touveneraud.