Périer-Muzet, Lettres, Tome XIV, p. 101.

24 mar 1840 Nîmes SIBOUR Mgr

Votre mandement – Une visite pastorale rendue pénible par le froid et la pluie – Désorganisation du protestantisme dans les Cévennes – Vénération des protestants pour l’évêque de Nîmes – Le nouvel archevêque de Lyon.

Informations générales
  • PM_XIV_101
  • 0+289 a|CCLXXXIX a
  • Périer-Muzet, Lettres, Tome XIV, p. 101.
  • Orig.ms. Arch. de l'Archev. de Paris; photoc. ACR, BZB 87; transcription de J.P. Périer-Muzet; cop. dact. du P. Pépin, ACR, AQ 7.
Informations détaillées
  • 1 AMITIE
    1 ARCHEVEQUE
    1 CLERGE
    1 CONTRARIETES
    1 DECADENCE
    1 DIRECTION PASTORALE DU DIOCESE DE NIMES
    1 ENNEMIS DE L'EGLISE
    1 EVEQUE
    1 INTEMPERIES
    1 MINISTRES PROTESTANTS
    1 PAPE GUIDE
    1 PROTESTANTISME
    1 RETOUR A L'UNITE
    1 SANTE
    1 VICAIRE GENERAL
    2 SIBOUR, MARIE-DOMINIQUE
    3 CEVENNES
    3 DIGNE
    3 NIMES
    3 VIGAN, LE
  • A MONSEIGNEUR SIBOUR, EVEQUE DE DIGNE
  • SIBOUR Mgr
  • Nîmes, 24 mai 1840.
  • 24 mar 1840
  • Nîmes
  • *Monseigneur*
    *Monseigneur l'Evêque de Digne*
    *en son palais*
    *Digne (Basses Alpes).*
La lettre

Monseigneur,

Au retour de la tournée que nous venons de faire dans les Cévennes, j’ai trouvé votre mandement où vous annoncez votre visite pastorale, et je l’ai lu avec un vif plaisir. Je vous remercie de nous l’avoir adressé, et dans mon remerciement, il y a une humble prière de me traiter toujours, dans la distribution de vos lettres pastorales, comme un de vos prêtres. Je comprends, hélas, qu’un Evêque n’a guère plus de temps pour ses amis; mais ses amis le retrouvent toujours dans ce qui sort de sa plume, et quand ils ne peuvent plus jouir de son intimité, ils le devinent et le comprennent alors qu’il leur apparaît au milieu de son troupeau l’instruisant et lui rompant le pain de la parole.

Je souhaite, mon bien vénéré et bien cher Seigneur, que les journées de votre visite soient moins froides et moins pluvieuses que celles dont nous avons eu à subir le désagrément. Monseigneur de Nismes était assez bon pour me laisser quelquefois garder sa voiture; mais il faut avouer que la fatigue de chemins épouvantables, jointe à des torrents tombés du ciel et se précipitant sur ses épaules, aurait pu abymer de plus robustes que lui. Pour lui, il n’en a rapporté que quelques coliques passagères; et dont il est débarrassé depuis longtemps.

L’effet produit par sa tournée a été prodigieux sous tous les rapports; nous avons constaté une désorganisation incroyable dans le protestantisme, qui, sapé par le méthodisme, manque d’appui et ne peut s’étayer que sur une vieille haine pour l’Eglise. Or, cette haine, dans beaucoup de villages, s’efface ostensiblement derrière le sentiment d’amour et de vénération qu’inspire Monseigneur de Nismes. Les protestants en masse, des ministres même, envoient leurs enfants à faire bénir; eux-mêmes font devant l’Evêque le signe de la croix, si gauchement, il est vrai, qu’il n’est pas difficile de les reconnaître. Ce sont des riens et c’est beaucoup. L’opposition de la majesté catholique avec la froide nudité protestante est beaucoup; la considération dont l’Evêque est entouré, comparée à la nullité des pasteurs, est beaucoup encore; il serait difficile, du reste, de pouvoir leur accorder autre chose que du respect pour leur moralité. On me citait la famille d’un de ces Messieurs, où, sur quatre membres, lui compris, il y avait trois communions différentes, vivant tous, au demeurant du meilleur accord, aux frais de celui qui était rétribué pour enseigner une doctrine qui n’était pas tout à fait la sienne: mais si ce n’était la sienne, c’était au moins celle de sa femme ou de son fils, et l’on n’y regarde pas de si près.

J’ai eu le plaisir de voir, chez son père au Vigan, le nouvel Archevêque de Lyon. Ses idées m’ont paru pleines de justesse. Il m’a donné de curieux détails sur la ligne que le pape tient à voir suivre au clergé. C’est celle qu’il avait indiquée dans sa lettre sur les élections; le pape, à qui il l’envoya, lui fit croire qu’il l’approuvait positivement et qu’il lui ordonnait de la suivre toujours. Il me fit part aussi de curieuses modifications apportées aux idées des bons pères Jésuites.

J’ai vu, ces jours derniers, une lettre de votre vicaire général, contre qui j’ai une furieuse dent, permettez-moi de vous le confier, Monseigneur. Je l’aime pourtant assez pour vous conjurer de prendre garde qu’il ne roule dans quelqu’un de vos précipices.

Cette lettre, Monseigneur, n’ose réclamer de réponse. Veuillez seulement me permettre de vous écrire de temps en temps et de vous renouveler l’expression de mon humble et bien profonde affection, avec laquelle je suis, mon bien vénéré et bien cher Seigneur, votre serviteur et ami.

E.D'ALZON.
Notes et post-scriptum