Périer-Muzet, Lettres, Tome XIV, p. 109.|Vailhé, LETTRES, Tome II, p. 99.

6 oct 1843 Nîmes MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse

Il est d’accord avec elle sur le fond – Elle veut trop lire dans ses impressions – Il faut se servir des moyens que Dieu donne pour le louer et les rejeter quand ils sont inutiles – Dieu n’a pas fait les fleurs pour rien – Tout être intelligent est capable de commettre une action méprisable – Demande de prières à l’occasion d’un scandale – Nouvelles et commissions diverses.

Informations générales
  • PM_XIV_109
  • 0+314|CCCXIV
  • Périer-Muzet, Lettres, Tome XIV, p. 109.|Vailhé, LETTRES, Tome II, p. 99.
  • Orig.ms. ACR, AD 317; V. *Lettres* II, pp. 99-102 et D'A., T.D. 19, p. 20.
Informations détaillées
  • 1 ACCEPTATION DE LA VOLONTE DE DIEU
    1 AMITIE
    1 CONTRITION
    1 DEFIANCE DE SOI-MEME
    1 DIRECTION SPIRITUELLE
    1 DISPOSITIONS AU PECHE
    1 GRACE
    1 LIBERTE DE CONSCIENCE
    1 LOUANGE
    1 PRATIQUE DE L'OBEISSANCE
    1 REFORME DU COEUR
    1 RENONCEMENT
    1 RESPECT
    1 SCANDALE
    1 SENTIMENTS
    1 SOUFFRANCE ACCEPTEE
    1 SOUFFRANCE SUBIE
    1 SYMPTOMES
    1 TRISTESSE PSYCHOLOGIQUE
    1 UNION A JESUS-CHRIST
    1 UNION DES COEURS
    2 BERULLE, PIERRE DE
    2 CART, JEAN-FRANCOIS
    2 FRANCOIS D'ASSISE, SAINT
    2 O'NEILL, THERESE-EMMANUEL
    3 NIMES
    3 PARIS
  • A LA MERE MARIE-EUGENIE DE JESUS
  • MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
  • Nîmes, 6 octobre 1843.
  • 6 oct 1843
  • Nîmes
  • *Madame*
    *Madame la Supérieure des Religieuses de l'Assomption*
    *Impasse des Vignes, rue des Postes*
    *Paris.*
La lettre

Je prie tant pour vous, ma chère enfant, qu’à la fin j’espère obtenir de Dieu la grâce de voir si clair dans votre âme qu’à la fin vous n’aurez plus aucun doute à cet égard. Il m’est bien évident aujourd’hui que nous nous sommes beaucoup plus entendus sur le fond que vous ne le pensez, et que le sens que je pouvais attacher à certaines expressions m’a le plus souvent empêché de vous comprendre. Après tout, ma chère enfant, croyez-vous avoir beaucoup perdu à souffrir par obéissance? Pour moi, je ne saurais le penser.

Je réponds à votre question: s’il faut que vous me parliez de vous, au risque de vous occuper de vous. Non, à moins que vous ne le jugiez utile. En cela, je crois que vous devez aller le plus simplement possible, mais en toute liberté d’esprit.

Faut-il que vous renonciez à tout le luxe de vos sentiments? Je ne vous donne pas une réponse positive, mais je vous demande votre manière de voir. S’il est vrai qu’il n’y a pas deux anges qui se ressemblent entièrement, il doit être vrai qu’il n’y en a pas deux qui louent Dieu de la même manière. Mais ce qui a lieu dans le ciel doit également avoir lieu sur la terre. D’où je conclus que nous devons nous servir des moyens que Dieu nous donne pour le louer. La vue des choses de la nature n’excitait-elle pas saint François d’Assise à un plus grand amour Pourquoi n’en serait-il pas de même pour vous? Ce sont, à mes yeux, des moyens souvent fort utiles, nécessaires même par moments, mais ce ne sont que des moyens. Tant qu’ils vous sont de quelque secours, pourquoi les rejeter? Dès qu’ils ne sont plus bons à rien, pourquoi les retenir? Si cette manière de voir vous paraît juste, adoptez-la sans aucune crainte.

L’histoire de vos bouquets de fleurs m’est connue, non que j’aie fait des systèmes de philosophie avec elles, comme vous, mais les joies et les tristesses que les fleurs m’ont causées sont indicibles. Plus tard, j’étouffai tout cela et bien d’autres choses. En y réfléchissant, je ne crois pas avoir mieux fait. Dieu n’a pas fait les fleurs pour rien.

Vous avez, dites-vous, le sentiment de mon mépris. Je crois que vous avez dans ce cas un faux sentiment. Je n’ai point pris au sérieux le mot d’intrigante; mais, vous le dirai-je, au moment où vous me contiez le détail de votre vie où ce mot occupe une place, il me semble que vous vouliez trop lire dans mes impressions, et je ne le voulais pas.

J’ai encore besoin d’une explication. Lorsque je vous dis que je ne croyais pas à la noblesse naturelle, je voulais dire que je ne croyais pas à cette disposition d’esprit ou de coeur, par laquelle un être intelligent se trouve incapable de faire une action méprisable.

Chercher à changer mon opinion peut être, sans doute, la recherche d’une satisfaction, mais peut être aussi un avantage pour vous et pour moi, en nous élevant plus haut. Mais je suis convaincu qu’à mesure que nous monterons l’un et l’autre, nous nous retrouverons plus aisément. Mais je m’en tiens à ma première réponse: parlez-moi de tout ce que vous croirez surnaturellement être utile à vous ou à moi. Vous seule devez être juge, et si vous voulez en ceci même agir par obéissance, qu’il vous suffise de savoir que je désire que vous agissiez en ceci en toute liberté.

Je crois vous avoir comprise et avoir fait la distinction entre artificiel et artificieux.

Je m’aperçois que cette lettre doit être furieusement sèche, et pourtant celle à laquelle je réponds m’avait dilaté le coeur. Je crains réellement quelquefois de trop aimer vos chapitres secrets; et cependant, il me semble que Dieu veut que je les connaisse. Aussi je ne vous demande plus rien. Agissez en cela, comme vous sentirez bien faire. Je serais au désespoir que la curiosité me fît manquer à une discrétion de respect, que je crois devoir en ceci à votre âme et à Notre-Seigneur. Je vous le répète, j’ai beaucoup prié pour vous ces jours-ci, ainsi que pour Soeur Th[érèse]-Em[manuel]. Pourquoi pour cette dernière? Je n’en sais rien. Priez pour nos pays. J’ai l’âme navrée d’un scandale qui vient d’éclater et que peut-être j’eusse pu éviter, si j’avais insisté davantage auprès de Monseigneur pour exiger une mesure préventive. On se lasse quelquefois, lorsqu’on est presque sûr de ne pas être écouté.

Mon évêque est en ce moment à Paris, et pour jusqu’à la Toussaint. Si vous avez à m’envoyer les oeuvres du cardinal de Bérulle, il s’en chargera; mais envoyez-nous par la diligence la messe que je vous ai demandée: on veut la préparer pour son retour. Mgr l’évêque de Nîmes est descendu chez les Dames de Saint-Maur. Il paraît qu’elles ont un logement pour les évêques.

Je me trouve assez fatigué, ces jours-ci. Cependant, il me semble que je suis uni à Notre-Seigneur. Quelques petites épreuves m’ont passablement brisé. Mais que voulez-vous? Il faut savoir passer par la souffrance et goûter la mort par avance.

Adieu, ma chère enfant. Vous recevrez sous peu le supplément du bréviaire romain; pour les Constitutions du Verbe incarné, ce sera pour plus tard.

Notes et post-scriptum