Périer-Muzet, Lettres, Tome XIV, p. 112.

8 nov 1843 Nîmes MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse

Musique sacrée – Votre franchise me plaît et j’ai besoin de votre confiance – Je serais désolé de vous avoir blessée car je voulais vous épargner de souffrir en parlant – Intrigante ou femme supérieure ? – Notre rencontre dans le coeur du divin Maître – Votre santé.

Informations générales
  • PM_XIV_112
  • 0+316 a|CCCXVI a
  • Périer-Muzet, Lettres, Tome XIV, p. 112.
  • Orig.ms. ACR, AD 319; D'A., T.D. 19, pp. 21-22.
Informations détaillées
  • 1 AMITIE
    1 AMOUR-PROPRE
    1 ENERGIE
    1 EPREUVES SPIRITUELLES
    1 FRANCHISE
    1 INTELLIGENCE
    1 MUSIQUE RELIGIEUSE
    1 PATERNITE SPIRITUELLE
    1 RECONNAISSANCE
    1 RESPECT
    1 SANTE
    1 SENSIBILITE
    1 UNION DES COEURS
    1 VOIE UNITIVE
    2 MILLERET, MARIE-EUGENIE
  • A LA MERE MARIE-EUGENIE DE JESUS
  • MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
  • Nîmes, 8 novembre 1843.
  • 8 nov 1843
  • Nîmes
  • *Madame*
    *Madame la Supérieure de l'Assomption*
    *Impasse des Vignes,*
    *rue des Postes. Paris.*
La lettre

Je trouve ici, à mon retour de la campagne, votre lettre insérée dans la messe de musique, pour laquelle je vous remercie beaucoup; j’accepte aussi avec reconnaissance la messe d’Hayden et je vous promets de n’en pas chanter une note.

Votre lettre, (le croiriez-vous?) m’a fait plaisir, malgré ce que vous m’y dîtes. Je ne sais si c’est amour-propre ou quoi, mais je suis si content de voir des personnes m’aimer assez pour ne pas craindre de me faire de la peine que je ne puis m’empêcher de leur en être reconnaissant. Or, la pensée que je puis vous faire du mal par les paroles est une des choses qui, très sérieusement, m’afflige le plus. Que ce que je vous dis, chère enfant, ne vous empêche pas de me parler, car, je vous le répète, c’est là ce que j’aime, une confiance au-dessus de toute considération de froissements qu’on peut causer. Maintenant je dois ajouter que je suis un grand maladroit et vous faire ma confession, à genoux, si vous l’exigez. Croirez-vous que lorsque je vous interrompis, je ne le fis que par un sentiment de respect pour vous, et aussi de cette compassion que vous me reprochez de ne pas avoir. Je supposais que vous deviez faire un sacrifice énorme de parler comme vous le faisiez, je voulais vous l’épargner. Je connais malheureusement par la confession assez de ces tristes histoires, pour ne pas en être bien effarouché personnellement, mais comme je vois une foule de personnes souffrir horriblement en parlant, je voulais vous épargner une souffrance. Voyez donc comme j’ai bien réussi!

Quant à l’application du mot intrigante, n’est-il pas vrai que la même personne, selon qu’elle est jugée de divers points de vue, peut être appelée énergique ou entêtée, intrigante ou habile? Hé bien, ma fille, m’empêcherez-vous de croire que vous avez des facultés naturelles capables de vous aider à bien mener une affaire? Vos ennemis vous appelleront intrigante, vos amis femme supérieure, et ceux qui croiront se permettre un mot de plaisanterie appliqueront le nom d’un vilain défaut à une faculté, dont vous faites par le bon usage une qualité précieuse.

J’aurais bien envie de vous dire, maintenant que je vous ai demandé pardon, demandez-le moi à votre tour et qu’il ne soit plus question de rien. Mais le voudriez-vous? oh, ma fille, voyez un peu comme je suis père quoi que vous disiez. Je suppose que vous ne me parleriez pas ainsi, si vous n’étiez pas bien sûre de moi, et vous avez raison; car chaque jour il me paraît que, malgré vos résistances et ma maladresse, votre âme devient mienne, non pas de cette propriété de domination qui écrase, mais par un principe de charité qui me fait remonter jusqu’au coeur de notre divin Maître, et nous y fait rencontrer pour ne faire qu’un en lui. Je ne vous demande pas encore si vous me voulez ainsi, mais c’est là que je vous attends.

Ce que vous me dites de votre santé me ravit. Tâchez donc de vous bien fortifier. Je prie Dieu qu’il fasse toujours sa volonté sur vous, mais j’ai bien envie que sa volonté soit que vous terminiez son oeuvre. Si je m’arrête ici, je ne pourrai faire partir cette lettre aujourd’hui, et je ne sais pourquoi il me semble que vous en avez besoin. Demain je reprendrai au point où je m’arrête.

Adieu, chère enfant, soyez donc un peu bonne pour votre pauvre père. Je ne me relis même pas.

Notes et post-scriptum