Périer-Muzet, Lettres, Tome XIV, p. 150.

5 dec 1845 Nîmes MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse

Dispositions édifiantes des Tertiaires – En présence des difficultés, le supérieur doit vouloir ce que Dieu veut, comme il le veut, autant qu’il le veut, et d’une volonté amoureuse – Qu’elle soigne sa santé et ne fasse que ce que les autres Soeurs ne peuvent pas faire – Beiling a été malade de dépit – Les postulantes partiront le 14 décembre.

Informations générales
  • PM_XIV_150
  • 0+432|CDXXXII
  • Périer-Muzet, Lettres, Tome XIV, p. 150.
  • Orig.ms. ACR, AD 392; V. *Lettres* II, pp. 389-392 et D'A., T.D. 19, pp. 39-40.
Informations détaillées
  • 1 ACCEPTATION DE LA VOLONTE DE DIEU
    1 ANIMATION PAR LE SUPERIEUR
    1 APOTRES
    1 CONGREGATION DES AUGUSTINS DE L'ASSOMPTION
    1 COUVENT D'AUTEUIL
    1 DOT
    1 EGOISME
    1 ELEVES
    1 EMOTIONS
    1 ERREUR
    1 FATIGUE
    1 FONDATION DES ASSOMPTIONNISTES
    1 GESTION FINANCIERE
    1 HERITAGES
    1 JESUS-CHRIST
    1 JEUNE CORPOREL
    1 MALADIES
    1 MORT
    1 NOEL
    1 NOVICES ASSOMPTIONNISTES
    1 PATIENCE DE JESUS-CHRIST
    1 POSTULANT
    1 RELIGIEUSES DE L'ASSOMPTION
    1 RENDEMENT DE COMPTE
    1 REPAS
    1 REPOS
    1 SOINS AUX MALADES
    1 SUPERIEUR
    1 SUPERIEURE
    1 SURVEILLANTS
    1 SYMPTOMES
    1 TIERS-ORDRE DE L'ASSOMPTION
    1 TIERS-ORDRE MASCULIN
    1 TRAITEMENTS A PAYER
    1 VIE PUBLIQUE DE JESUS-CHRIST
    1 VOLONTE DE DIEU
    1 VOYAGES
    2 ACHARD
    2 ACHARD, MARIE-MADELEINE
    2 BEILING, ADOLPHE
    2 BEILING, MARIE-LOUISE
    2 BOURDET, JEAN-CLAUDE
    2 BOURDET, MADAME JEAN-CLAUDE
    2 BOURDET, MARIE-FRANCOISE
    2 CARDENNE, VICTOR
    2 DECKER, FRANCOIS-JOSEPH
    2 SAUVAGE, EUGENE-LOUIS
    3 MUNICH
    3 NIMES
    3 PARIS
  • A LA MERE MARIE-EUGENIE DE JESUS
  • MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
  • Nîmes, 5 décembre 1845.
  • 5 dec 1845
  • Nîmes
  • *Madame*
    *Madame la Supérieure de l'Assomption*
    *rue de Chaillot n° 76*
    *Paris.*
La lettre

Avant d’entrer dans le sérieux de votre lettre, il faut que je vous fasse part des projets de nos futurs Tertiaires. Au moment où je datais cette lettre, ils étaient autour de moi à discuter la manière dont ils feraient leur jeûne de demain. Le bon Sauvage déclarait qu’il voulait jeûner; Cardenne trouvait que le jeûne le fatiguait horriblement et qu’il déjeunerait avec du pain seulement, mais qu’il lui fallait quelque chose. Enfin, à force de parler, ils sont l’un et l’autre convenus qu’ils tâcheraient d’étouffer leur appétit dans les fumées d’un cigare. Mais les voilà partis pour se coucher, et je reste un moment avec vous.

Eh bien! ma pauvre fille, vous avez donc vos mauvais moments! Je vous plains de toute mon âme, car je sais ce que c’est et la peinture que vous m’en faites m’est connue. N’est-ce pas que c’est bien ennuyeux que d’avoir à arranger et organiser une maison? Hélas! qu’allions-nous faire dans cette galère? Il n’y a à cette question qu’une réponse: Dieu le veut. Il y en a une autre pourtant, Dieu le voulant, nous devons le vouloir comme il le veut et autant qu’il le veut, et il faut le vouloir sans aucun mouvement de fatalité, mais d’une volonté amoureuse, souple, comme Jésus acceptant l’ennui des caractères si grossiers des apôtres, les perfidies des uns, la trahison des autres, pour arriver à l’oeuvre de l’organisation de son Eglise. Et ne pensez-vous pas qu’il ait voulu passer les trois années de sa vie apostolique, sans avoir l’air de rien faire de bien stable, précisément pour donner aux supérieurs la force de se soumettre à la pensée qu’ils perdent leur temps pour rien? Qu’y a-t-il de perdu de ce qui est fait pour Dieu? Qu’y a-t-il de gagné dans ce qui est fait en apparence pour Dieu, mais avec un esprit propre? Allons, Révérende Mère, faisons-nous à cette souple résignation que Notre-Seigneur veut de nous. Sachons vouloir être lasse, souffrante. Mon Dieu, je veux bien, moi aussi, que vous le soyez, mais, à vous parler franchement, j’aimerais mieux que ce fût moi.

Bon! voilà la lampe qui reprend; sans quoi, je me voyais obligé de m’arrêter. Mais je reviens à vous.

Savez-vous qu’il m’est très pénible de savoir que vous ayez mal au dos? Pour l’amour de Dieu, ma chère enfant, soignez-vous et n’en faites pas plus que vous ne pouvez. Souvenez-vous qu’après avoir cru que vous m’enterreriez, il y a des jours où vous vous croyez prête pour le cimetière. Or, je ne veux point que vous mouriez de si tôt, parce que je crois que Dieu ne le veut pas. Reposez-vous, si cela vous est nécessaire; donnez vos ordres, et seulement profitez de votre état souffrant pour vous affranchir de ce qui peut être fait par d’autres; ne faites par vous-même que ce qui peut être fait par vous, et, pour le reste, commandez à vos Soeurs. Conservez par le repos la possibilité de faire vite. Vous avez besoin de donner votre application à certaines choses. De plus, soignez votre douleur. Il ne faut pas que vous soyez malade.

J’ai regret de vous avoir renvoyé votre rendement de compte. Je voulais le garder quelque temps et je crois que j’aurais bien fait. Enfin, vous êtes accoutumée à mes maladresses. Il en résulte que je ne crains pas assez d’en faire à votre égard.

Je ne sais si j’en ai fait une envers Beiling. Ce qui est sûr, c’est que, pendant que je vous rendais compte de ma conversation avec lui, le pauvre enfant prenait la fièvre. Et je vous assure que ç’avait été une causerie toute amicale, et pas autre chose. Pour le pauvre garçon, ce fut si fort qu’il n’en dîna pas, qu’il ne put souper et qu’il passa une partie du lendemain au lit. Je me doutais bien de la chose, et hier je fis avouer à Decker qu’il avait été d’une humeur affreuse de la proposition que je lui avais faite de surveiller une division de nos élèves, de 10 heures à 10 h. 7 minutes et demie, autrement dit un demi-quart d’heure. Ce qui n’empêche pas que, devant le Conseil, hier, je lui renouvelai ma demande. Il paraît qu’il y a accédé et qu’il consent à faire trois fois par semaine cet énorme travail. Il se met à se faire payer d’avance, ce qui ne me convient guère; parce que, s’il ne reste pas, je ne veux pas avoir à lui payer son voyage. Mais ceci n’est qu’une bagatelle. Seulement, soyez prévenue qu’il veut à Paris une place de trois à quatre mille francs; autrement, il n’accepte pas. Il meurt d’envie d’aller à Paris. Je lui ai remis vers 8 heures la lettre de sa soeur, mais il est allé se coucher immédiatement après souper, ce qui est un très mauvais signe. Le pauvre enfant ne s’était-il pas mis à ne manger à table que de ce que je mangeais, et malheureusement, comme je ne mange pas enormément, il a fini par mourir de faim, quoiqu’il goûtât et déjeunât, ce que je ne fais presque jamais. Aussi allait-il acheter des provisions en ville et les manger au milieu des rues; mais il paraît que c’est l’usage à Munich.

Mais de quoi vais-je vous occuper, quand vous n’en pouvez plus? Pauvre enfant! vous avez un père bien égoïste. Et il faut que vous le supportiez encore, lorsqu’il vous parlera de son Ordre. Décidément, nous nous constituons en novices la nuit de Noël, afin qu’à la messe nous puissions avoir notre première réunion, ou qu’au moins ceux qui diront la messe puissent en célébrer une à cette intention.

Vos postulantes partent décidément le dimanche 14; leurs places sont retenues. M. Achard est venu me dire que toute sa fortune appartiendrait un jour à sa nièce. Or, il dit qu’il a 150 000 francs. Je crois que c’est exagéré et même beaucoup, mais il laissera bien au moins de 50 à 60 000 francs. Voilà de quoi pourvoir à la dot des autres qui n’ont rien. M. Bourdet est bien venu me dire que sa fille aurait un jour quelque chose; en attendant, c’est moi qui paye le voyage. Cette pauvre enfant m’intéresse beaucoup, par ce que sa position a de cruel. [Son père] a passé longtemps, jusqu’il y a trois ans, pour un des négociants les plus considérés de Nîmes; puis, tout à coup, il y a eu affaissement de réputation. La mère qui avait une maladie grave, mourut vers ce temps. L’avant-veille de sa mort, elle me déclara qu’elle n’avait rien signé pour son mari. Or il se trouve que sa signature se trouve engagée pour tout ce qu’elle aurait pu laisser à ses enfants. Comment cela s’est-il passé? Dieu le sait. Le père, dit-on, vit mal avec une cuisinière qu’il a intérêt à ménager, parce que par elle il espère avoir un héritage.

Il faut absolument que je vous quitte. Ma tête n’en peut plus, et demain je n’aurai pas le temps de vous écrire. Mais après-demain, je tâcherai d’avoir un moment.

Adieu, bien chère enfant. Si encore mon mal de tête pouvait diminuer vos douleurs! Je ne me relis pas. Ce que j’ai n’est rien; demain, je serai guéri.

Notes et post-scriptum