Périer-Muzet, Lettres, Tome XIV, p. 183.

6 may 1846 Nîmes MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse

Une vocation possible de Soeur converse – Dot d’une religieuse – Un jeune homme à sonder – Pour l’Assomption de Nîmes – Vous avez besoin d’une amitié simple, confiante, indulgente – Faut-il vraiment vous parler toujours en père ? – Un M. Saugrain qui veut nous venir et que j’engage à aller vous voir – Argent.

Informations générales
  • PM_XIV_183
  • 0+464 a|CDLXIV a
  • Périer-Muzet, Lettres, Tome XIV, p. 183.
  • Orig.ms. ACR, AD 420; D'A., T.D. 19, pp. 67-69.
Informations détaillées
  • 1 AMITIE
    1 AMOUR-PROPRE
    1 CAPITAUX
    1 COLLEGE DE NIMES
    1 DEFAUTS
    1 DOT
    1 FOI
    1 FRANCHISE
    1 HUMILITE
    1 MAITRES CHRETIENS
    1 PATERNITE SPIRITUELLE
    1 POSTULAT
    1 RELIGIEUSES DE L'ASSOMPTION
    1 SIMPLICITE
    1 SOEURS CONVERSES
    2 ACHARD, MADAME
    2 ACHARD, MARIE-MADELEINE
    2 BERGERET, FRERES
    2 BLONDEAU
    2 CARPENTIER
    2 CART, JEAN-FRANCOIS
    2 DESHAYES, PHILIPPE
    2 SAUGRAIN, HIPPOLYTE
    3 PARIS, EGLISE NOTRE-DAME DES VICTOIRES
  • A LA MERE MARIE-EUGENIE DE JESUS
  • MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
  • Nîmes, le 6 mai 1846.
  • 6 may 1846
  • Nîmes
  • Institution de l'Assomption
La lettre

Le courrier m’apportera-t-il une lettre de vous, chère enfant? Vous me l’avez fait espérer, mais il est possible que vous soyez dérangée encore et que, dès lors, vous renvoyiez à demain. Mais enfin je veux commencer toujours par vous dire deux mots.

1° Ne m’avez-vous pas demandé des Soeurs converses? J’en aurai peut-être une à vous procurer. Mlle est blanchisseuse. Je ne la connais pas encore, mais son attrait paraît être l’humilité, l’amour de Notre-Seigneur, l’esprit de souffrance. Elle accepterait d’être balayeuse des lieux les plus sales, pourvu qu’elle fût dans un couvent. D’après ce que j’ai entendu dire, elle pourrait bien avoir l’imagination un peu vive; mais je verrai son confesseur et je chercherai à la voir moi-même, si d’après ces premiers renseignements elle vous convient. Elle a vingt-six ans, elle n’est retenue dans le monde que par une soeur de vingt ans, qu’elle va marier. Sa santé est bonne. Elle a un esprit ordinaire, mais il paraît que sa conversation est remarquable au point de vue de l’esprit de foi.

Vous ai-je dit que Mme Achard est venue me dire qu’elle ne me donnerait pas grand’chose pour la vêture de sa nièce, mais que son mari la ferait (sa nièce) héritière universelle? Le mari doit vous écrire, s’il ne l’a déjà fait, pour vous confirmer cette promesse. Voici une lettre pour M. Philippe. Il faudrait avoir la bonté de vous informer si c’est réellement Philippe et non pas Deshayes qu’il s’appelle. Mais je l’ai laissée décachetée, afin que vous puissiez la lire et que, si elle ne vous plaît pas, vous puissiez vous dispenser de l’envoyer. Vous pourriez la faire suivre d’une lettre d’envoi, où vous engageriez ce bon jeune homme à venir causer un peu avec vous; vous le sonderiez, vous le retourneriez comme vous savez le faire quand vous le voulez, et vous verriez si réellement il peut nous convenir.

Je voudrais au plus tôt un des frères Bergeret ou M. Carpentier. Je n’ai pas, je crois, vu ce dernier, mais j’en ai beaucoup entendu parler à Henri Blondeau, le fameux boute-entrain de Notre-Dame des Victoires. Quoi qu’il en soit, je tiendrais assez à prouver à Monseigneur que, peu à peu, je me passerai de ses hommes, et, sous ce rapport, j’incline assez à tenir jusqu’à nouvelle disposition l’élément laïque assez considérable dans ma communauté. Je tâche d’organiser les choses de telle sorte que, l’année prochaine, nos jeunes gens (les maîtres, bien entendu) aient un cours d’études, à l’aide desquels ils se préparent à enseigner.

9 mai.

Votre lettre du 30 avril et du 5 mai me parvient à l’instant. Je l’attendais pour finir celle-ci, et, comme je la reçois un peu tard, je vais être court.

Tout ce que vous me dites, chère enfant, me paraît se resumer en deux mots. Si vous voulez prendre dans sa vérité et dans sa simplicité la devise que je vous ai donnée, tout serait fini. Vous avez besoin d’une amitié simple, confiante, indulgente. La mienne a très positivement les deux premières de ces qualités, je n’ai pas eu l’occasion d’éprouver si j’avais la troisième. Au besoin, il me semble que je l’aurais presque sans m’en apercevoir. Allons, ma pauvre enfant, prenons-nous comme nous sommes, et, parce que j’ai beaucoup plus de défauts que vous, soyez la plus généreuse. Il est incroyable comme avec vous j’ai peu honte de découvrir toute ma misère et de consentir sans le moindre amour-propre à vous laisser la meilleure part, sauf un point sur lequel je crois être aussi sûr de moi qu’aucune créature puisse l’être d’elle- même. Préféreriez-vous, ma chère enfant, que je vous parlasse toujours plus en père? Il ne me paraît pas que Notre-Seigneur le veuille. Du reste, il en sera comme vous voudrez. Mais je n’en ai guère envie, parce que cela ne me paraît bon ni à vous ni à moi.

Je veux essayer de vous écrire pendant qu’on me fait la tonsure à sec. Supposez à peu près qu’on vous écorche la tête. Heureusement que cela dure peu! Je reçois une lettre d’un jeune homme qui me demande à venir: c’est un certain M. Saugrain, jeune négociant qui n’a pas le sou. Je vais lui écrire d’aller vous voir, afin de s’entendre avec vous, et vous, vous me l’examinerez un peu. Il m’a écrit une lettre pleine de franchise. Je préfère que vous lui donniez les détails de vive voix, afin que ma lettre ne tombe pas en mains suspectes. Je m’arrête malgré ce que j’aurais à ajouter.

Adieu, chère enfant. Je vais m’occuper de votre argent. Je pense pouvoir vous envoyer de suite 18.000 francs. Tout à vous en Notre-Seigneur. Il me semble que, pour moi, je n’ai pas besoin de vous assurer que le plus grand repos que Dieu m’ait donné sur la terre, c’est votre amitié.

Fr. Emmanuel.

Je n’ai que le temps d’ajouter que les choses vont ici de mieux en mieux.

E.D'ALZON
Notes et post-scriptum