Périer-Muzet, Lettres, Tome XIV, p. 185.

12 may 1846 Nîmes MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse

Dieu le sert admirablement dans les choses pénibles qui lui arrivent – Une élève pour l’Assomption: il lui faudrait des prospectus – Il prêche le mois de Marie – Sa manière d’agir avec les religieux – Prières pour l’Assomption de Paris – Son abattement momentané.

Informations générales
  • PM_XIV_185
  • 0+465|CDLXV
  • Périer-Muzet, Lettres, Tome XIV, p. 185.
  • Orig.ms. ACR, AD 421; V. *Lettres* III, pp. 62-64 et D'A., T.D. 19, pp. 69- 70.
Informations détaillées
  • 1 ADORATION DU SAINT-SACREMENT
    1 ASSOMPTION
    1 COLLEGE DE NIMES
    1 CORPS ENSEIGNANT
    1 CRITIQUES
    1 DIRECTION SPIRITUELLE
    1 DISCIPLINE SCOLAIRE
    1 ENERGIE
    1 EPREUVES
    1 FAIBLESSES
    1 MOIS DE MARIE
    1 PENSIONS SCOLAIRES
    1 PREDICATION
    1 PRIERE DE DEMANDE
    1 PROVIDENCE
    1 RENVOI D'UN ELEVE
    1 REPRESSION DES DEFAUTS DES JEUNES
    1 SACRIFICE DE LA MESSE
    1 SCANDALE
    1 SUPERIEURE
    1 VERTU DE FORCE
    2 AFFRE, DENIS
    2 CARBONNEL, ISAURE
    2 O'NEILL, THERESE-EMMANUEL
    3 NIMES
    3 PARIS
    3 PARIS, EGLISE NOTRE-DAME DES VICTOIRES
  • A LA MERE MARIE-EUGENIE DE JESUS
  • MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
  • Nîmes, le 12 mai 1846.
  • 12 may 1846
  • Nîmes
  • Institution de l'Assomption
  • *Madame*
    *Madame la Supérieure de l'Assomption*
    *n° 76 rue de Chaillot*
    *Paris.*
La lettre

Veuillez, ma chère enfant, commencer par lire ma réponse à votre rendement de compte, parce que, ensuite, je pourrai vous parler à coeur plus ouvert d’autre chose. Dieu me sert admirablement, en ce moment même, dans les choses pénibles qui m’arrivent. Ainsi, avant hier, j’ai été obligé de chasser un élève; mais ç’a été avec un tel concours de circonstances que j’ai, du coup, donné une sévère leçon aux maîtres, dont la faiblesse avait préparé le scandale que j’ai dû réprimer un peu brusquement. J’ai coupé court à une foule d’abus qui avaient lieu au réfectoire, et j’ai fait un acte d’autorité qui en implique vingt autres sur un chapitre, où j’avais été peut-être trop indulgent. Le pauvre enfant, qui en est victime, n’était pas mauvais, mais enfant gâté, toujours mécontent, provoquant le mécontentement de ses condisciples et menteur d’une incroyable manière. Enfin, je l’ai expulsé solennellement, malgré les réclamations du Conseil. Les mutineries que craignaient quelques-uns des maîtres ne se sont point manifestées, au contraire; de telle façon que je m’afflige, sans doute, de traiter ainsi un jeune homme appartenant à une famille très respectable, mais je remercie Dieu de me fournir les moyens de marcher dans la voie que j’ai adoptée. Du reste, les maîtres eux-mêmes commencent à se remettre à merveille.

Je suis à l’instant même dérangé par une dame, la femme d’un négociant de Nîmes qui voudrait mettre son enfant chez vous. Pendant mon absence, on a égaré les prospectus que vous m’aviez donnés; veuillez m’en renvoyer par la poste. Vous savez que c’est par ce moyen-là l’affaire de quelques centimes. Elle tiendrait à savoir si, en outre des 900 francs, il faudrait doubler le prix de la pension pour les faux frais ou les maîtres d’agrément, car dans ce cas elle ne se sentirait pas la fortune nécessaire pour faire une dépense, qu’elle devrait faire par contre-coup pour ses autres enfants. Je la presse beaucoup de vous donner sa petite fille. Je voudrais beaucoup que d’ici on prît le chemin de chez vous.

Vous êtes un peu sèche, chère Mère, et je vous en offre autant. Le soir, au mois de Marie, je prêche certainement avec bien plus de facilité que je ne l’ai jamais fait à Notre-Dame des Victoires, mais tout se borne là. Peut-être cela vient-il de ce que je me dépense énormément avec mes religieux et mes professeurs. Je suis sans cesse à les prendre en particulier, à les sermonner, à les encourager, à les gronder, et, quand j’ai tout dit, il ne me reste plus rien au fond du coeur. Je vous réponds que, si vous m’avez reproché d’écouter beaucoup en faisant votre direction à Paris, vous ne me feriez pas le même reproche ici. Je crois avoir, par exemple, sur vous un avantage de position, c’est que l’on est convaincu que je suis très occupé, et alors (Mlle Isaure Carbonnel exceptée) on ne me dérange pas inutilement. Ceci est d’un avantage immense. Je comprends très fort que vos religieuses viennent vous occuper sans cesse, mais mes hommes sont positivement beaucoup plus discrets.

J’ai dit ce matin la messe pour vous et les vôtres, mais je vous assure que j’ai un remords, de ne pas vous séparer un peu plus de votre communauté en ceci. Cependant, comme je fais de moitié pour tout avec vous, je me tranquillise un peu sur cette pensée. Enfin, je dirai la messe à votre intention, le mardi et le vendredi, et, quand vous voudrez la prendre pour vous ces jours-là, vous en serez parfaitement maîtresse. Pour moi, sauf votre choix, je la dirai plus habituellement le mardi pour votre communauté, le vendredi pour Soeur Th[érèse]-Emmanuel.

Il faut beaucoup prier, pour que l’oeuvre de Dieu s’accomplisse comme il lui plaira, mais je vois de grandes impossibilités à faire ce que nous paraissions [trouver] d’une exécution possible, pour ce qui concerne la maison de l’archevêque de Paris. Comment voulez-vous que, dans trois ans et demi, j’ai pu venir à bout de former des hommes en assez grand nombre pour faire aller les deux maisons? Vous, à qui tout est possible, quand vous le voulez bien, tâchez de bien vouloir dans cette circonstance. Je vous promets de vouloir avec vous de tous mes efforts, mais réellement il faut que vous veuilliez pour vous et pour moi.

Je n’ose pas vous dire que j’éprouve je ne sais quel abattement après la lutte dont je ne puis bien me rendre compte. J’ai, ce me semble du moins, triomphé des misères que j’ai trouvées ici, et maintenant je n’en puis plus. Dans quelques jours, avec la grâce de Dieu, le courage me reviendra, mais pour le moment il faut que vous, à votre tour, vous ayez un peu pitié de moi. Ai-je tort de me montrer à vous avec toutes mes misères? Enfin, voilà où j’en suis. Si vous n’étiez que ma fille, vous ne découvririez pas sûrement cette horrible faiblesse à quoi bon vous la montrer? -mais Dieu veut que vous me soyez autre chose, et c’est pour cela que je m’appuie un peu sur ma mère.

Voilà qu’on me dérange. Je m’arrête. Seulement, j’approuve très fort la pensée de faire l’adoration du Saint-Sacrement à diverses heures. Adieu, chère fille. Faites un peu prier pour moi. Tout vôtre, et plus que jamais, en Notre-Seigneur.

fr. Emmanuel

Je ne me relis pas.

E.D'ALZON
Notes et post-scriptum