Périer-Muzet, Lettres, Tome XIV, p. 192.

22 may 1846 Nîmes MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse

Votre orgueil – Dois-je guérir votre mal par des moyens humains ? – Je n’ai d’autre souffrance que la répercussion de votre peine – Soyons non camarades mais amis – Vocations de religieuses – Saugrain et Cardenne.

Informations générales
  • PM_XIV_192
  • 0+466 b|CDLXVI b
  • Périer-Muzet, Lettres, Tome XIV, p. 192.
  • Cop.ms. du P. Vailhé ACR, AQ 22 (original non retrouvé); D'A., T.D. 19, pp. 72-75.
Informations détaillées
  • 1 ACTION DE DIEU DANS L'AME
    1 AMITIE
    1 AMOUR DU CHRIST
    1 COLERE
    1 CONVERSION SPIRITUELLE
    1 CRUCIFIEMENT DE L'AME
    1 DIRECTION SPIRITUELLE
    1 EXTREME ONCTION
    1 FATIGUE
    1 FETE DE L'ASCENSION
    1 FOI
    1 FORMATION DES POSTULANTS
    1 FRANCHISE
    1 HUMILITE
    1 INTERETS
    1 MALADIES
    1 ORGUEIL
    1 PENSIONS SCOLAIRES
    1 PURIFICATIONS SPIRITUELLES
    1 RELIGIEUSES DE L'ASSOMPTION
    1 UNION DES COEURS
    1 VETURE RELIGIEUSE
    2 CARBONNEL, ISAURE
    2 CARBONNEL, MARIE-VINCENT
    2 CARDENNE, VICTOR
    2 EVERLANGE, MARIE-EMMANUEL
    2 GABRIEL, JEAN-LOUIS
    2 GOURAUD, HENRI
    2 LANSAC, ABBE
    2 O'NEILL, THERESE-EMMANUEL
    2 ROUX, MARIE-MARGUERITE
    2 SAINT-BERNARD, SOEUR
    2 SAUGRAIN, HIPPOLYTE
    3 LYON
    3 NIMES
  • A LA MERE MARIE-EUGENIE DE JESUS
  • MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
  • Nîmes, le 22 mai 1846.
  • 22 may 1846
  • Nîmes
La lettre

Ma chère enfant,

Votre lettre du 10, du 16 et du 18 m’est arrivée aujourd’hui. Hier, j’en avais reçu une, dans laquelle vous me parliez de M. Gouraud et de M. Saugrain. Je vais essayer de répondre à tout ce que vous me dites. Parlons d’abord de ce qu’il y a de plus intéressant, votre état, ma chère enfant.

Je suis très convaincu que Dieu permet tout cela chez vous pour faire périr votre orgueil. Dieu a permis que vous eussiez, de ma part, une impression de mépris, lorsqu’au contraire il y a, de ma part, pour vous peut-être l’excès du sentiment opposé. Mais à quoi bon vous dire tout cela? Dois-je guérir votre mal par des moyens humains? Est-ce que si vous avez à porter de l’humilité dans votre amitié, je ne dois pas y porter le courage de penser que vous ne me jugez pas tel pour vous que je suis en effet. Ce sont de ces conséquences supérieures à toute pensée humaine, et que la foi devrait nous donner à vous et à moi. Quant à la question que vous me faites de savoir s’il ne vaudrait pas mieux, pour vous, de rentrer dans votre force, que vous fait ici que je le préfère ou non pour la douceur de nos relations? Croyez-vous qu’il s’agisse de cela? Et s’il s’agit de vous donner, par la voie de l’humilité, un degré de plus de perfection aux yeux de Notre-Seigneur, à quoi, ma fille, servirait ma mission envers vous, si, pour un charme de plus que je pourrais goûter, je vous privais de ce qui vous rendrait plus agréable à Notre-Seigneur, et je le prive d’un bien qu’il a le droit de trouver en vous? Mais, me direz-vous, c’est là ce qui est affreux, c’est que je puisse faire souffrir quelqu’un. Ici je suis bien embarrassé, ou plutôt, je le serais bien si en me sondant j’avais une autre souffrance, à la vue de votre état, que la répercussion de votre peine. Vos peines passées, je n’en ai plus. Ainsi, je ne puis pas dire que vous êtes à charge, car je serais bien fâché, lorsque je vous vois souffrir, de ne pas ressentir quelque chose. Ai-je assez mis mon âme à nu?

Si j’éprouvais en ce moment autre chose qu’une immense compassion, ne pourrais-je pas vous demander si vous voulez me permettre de souffrir quand vous souffrez? Ma bonne fille, accordez-moi du moins de souffrir avec vous et de porter un peu ce fardeau qui vous écrase. Maintenant, faisant abstraction de moi, vous dirai-je toute ma pensée? Je crois que ces souffrances vous seront très utiles pour purifier votre âme de son orgueil. Aussi suis-je loin de m’en plaindre à un certain point de vue. Laissez Dieu vous conduire par ces déchirements à quelque chose de plus souple. Pauvre enfant, je serais bien plus à l’aise, si je n’étais pas pour quelque chose dans tous vos ennuis. Toutefois ne m’avez-vous pas dit que quand vous étiez humble et bonne pour moi, vous l’étiez pour Notre-Seigneur? Je crois qu’il faut renverser la proposition et dire que vous devez devenir humble envers Notre-Seigneur, et qu’alors vous le deviendrez avec moi. Votre état envers moi n’est qu’une preuve de ce que vous étiez beaucoup trop, sans vous en douter, envers Notre-Seigneur.

Hier, jour de l’Ascension, j’ai dit la messe pour vous et pour moi. J’ai demandé votre transformation et la mienne. Aujourd’hui, je n’ai pu la dire pour vous ni pour Soeur Thérèse-Em[manuel], parce que j’étais obligé de la dire pour une association. Ma bonne enfant, priez pour la religieuse de Marie-Thérèse qui vous soigna à Lyon; elle est peut-être morte à l’heure qu’il est. Soeur Saint-Bernard a été administrée. L’état de la Générale empire tous les jours. Je vais me coucher, je continuerai demain, mais je tenais à pouvoir, à mon premier moment libre, vous donner quelques paroles qui vous missent à découvert ce qui vous tracassait en moi. Croyez-moi, chère fille, soyons non camarades, mais amis. Cela vaut bien mieux et Dieu le veut.

23 mai.

Les dernières lignes de ce qui précède se ressentent un peu de ma fatigue d’hier soir. Je vais reprendre votre lettre, et, après l’avoir relue, vous ferai part de mes observations, si j’ai encore à vous en faire.

1° Voici deux lettres pour nos jeunes [gens]; ils m’ont écrit. Ce sont des réponses. Je préfère que vous les lisiez, afin que vous m’indiquiez pour une autre fois ce que je devrai y mettre de plus ou de moins.

2° Je suis enchanté d’apprendre que mes Nîmoises ont été admises à la vêture. Je n’ai pu encore parler au père de Soeur Marie-Marguerite, mais je vais tâcher de le faire en lui annonçant la nouvelle que vous me donnez.

3° La personne qui voudrait vous donner sa fille, ne voudrait pas aller, tout compris, au-delà de 1.200 à 1.500 francs, mais en y comprenant l’entretien du trousseau, des fournitures, des maîtres; elle ne tient pas beaucoup aux maîtres d’agrément. Je voudrais que de Nîmes on prît le chemin de l’Assomption, et je crois que si cette jeune personne vous arrive, sa famille qui est très nombreuse pourra bien vous en envoyer d’autres.

4° Ce que vous me dites de M. Saugrain me plaît beaucoup; tâchez de me l’envoyer le plus tôt que vous le pourrez. En général, je voudrais que nos jeunes gens nous vinssent du 25 août au 1er septembre, parce que ce sera dans le mois de septembre que je veux surtout m’occuper de former nos jeunes gens.

5° J’ai une nouvelle qui me réjouit bien le coeur, M. Cardenne est venu m’annoncer que définitivement il était tout à fait des nôtres. Vous ne sauriez croire combien j’en suis heureux. Il y a chez ce jeune homme un si bon esprit, un si parfait caractère, tant de zèle, que je le considère comme une de nos pierres fondamentales.

6° Tâchez donc de m’avoir l’abbé Lansac; débrouillez aussi avec l’abbé Gabriel son projet de faire des prêtres de l’Assomption.

7° Avec la meilleure bonne volonté je ne puis vous procurer de l’argent qu’au 5 %.

Adieu, chère enfant. Je m’arrête, parce que je suis souffrant. Ce n’est pas grand chose, mais il faut que je reste un peu sans rien faire. Je prie bien fort pour vous. De grâce, ne vous préoccupez que d’une chose, c’est d’acquérir un amour humble pour Notre-Seigneur. Toutes les irritations de votre âme s’apaiseront dans ce sentiment. Pour moi, je suis avec une force bien grande tout vôtre dans le coeur de notre divin Maître.

E.D’ALZON.

Mlle Anaïs Carbonnel est très contente de votre lettre, Mlle Isaure plus irritée que jamais. Voici une lettre pour Soeur M.-Emmanuel. Je me permets d’en ôter l’enveloppe pour diminuer le prix du port.

E.D'ALZON
Notes et post-scriptum