Périer-Muzet, Lettres, Tome XIV, p. 196.

7 jun 1846 Nîmes MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse

La bonne nouvelle de votre apaisement – Votre plus grande générosité – Questions diverses – M. Perroulaz – Prédication – On m’offre la direction religieuse de la feuille légitimiste de Nîmes – Je vais mieux – Saint Jean de la Croix – L’office de nuit.

Informations générales
  • PM_XIV_196
  • 0+467 a|CDLXVII a
  • Périer-Muzet, Lettres, Tome XIV, p. 196.
  • Orig.ms. ACR, AD 427; D'A., T.D. 19, pp. 78-81.
Informations détaillées
  • 1 AMITIE
    1 AUTEURS SPIRITUELS
    1 COLLEGE DE NIMES
    1 CORPS ENSEIGNANT
    1 DOT
    1 EDUCATION RELIGIEUSE
    1 FRERES CONVERS
    1 GENEROSITE
    1 HANDICAPS
    1 MORT
    1 OFFICE DE NUIT
    1 ORDINATIONS
    1 PAIX DE L'AME
    1 PREDICATION
    1 PRUDENCE
    1 PUBLICATIONS
    1 RENDEMENT DE COMPTE
    1 REPOS
    1 SANTE
    1 STATUE DE LA SAINTE VIERGE
    1 VETURE RELIGIEUSE
    1 VIE DE SACRIFICE
    2 BLONDEAU
    2 BUCHEZ, PHILIPPE
    2 CROY, MADAME DE
    2 DESGENETTES, CHARLES-ELEONORE
    2 JEAN DE LA CROIX, SAINT
    2 JEHAN DE SOLESMES
    2 JELOWICKI, ALEXANDRE
    2 MICHEL, ERNEST
    2 MONTAUDON, NATHALIE
    2 PERROULAZ, ABBE
    2 PHILIPPE, MONSIEUR
    2 ROUX
    2 ROUX, MARIE-MARGUERITE
    2 SAUGRAIN, HIPPOLYTE
    2 SEMENENKO, PIERRE
    2 TISSOT, PAUL-ELPHEGE
    3 NIMES
    3 PARIS
    3 ROME
  • A LA MERE MARIE-EUGENIE DE JESUS
  • MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
  • Nîmes, le 7 juin 1846.
  • 7 jun 1846
  • Nîmes
  • Institution de l'Assomption
  • *Madame*
    *Madame la Supérieure de l'Assomption*
    *n° 76 rue de Chaillot. Paris.*
La lettre

Je dois assister à une grande ordination qui durera plusieurs heures et je ne me fais pas un grand scrupule de prendre les trois quarts d’heure de ma méditation pour vous écrire, ma chère enfant; sans quoi je m’expose à ne pouvoir le faire aujourd’hui ni demain. Il me semble que, quoique malgré moi, je garde depuis assez longtemps le silence. Je vous renvoie la lettre où vous me donnez la bonne nouvelle de votre apaisement, et, voyez comme nous nous rencontrons, je n’avais pas encore lu le passage où vous me la réclamez, que j’avais l’idée de vous la renvoyer, en effet; quant aux autres que vous me redemandez, elles forment un paquet trop gros pour que je ne sois pas forcé d’attendre une occasion.

Il est donc vrai, ma pauvre enfant, que vous avez enfin la paix. Dieu vous la conserve longtemps! En relisant la lettre où vous m’apprenez la victoire, tout en vous disant que j’accepte vos idées, je suis sûr qu’elles auront subi chez vous quelque modification, et vous me les indiquez déjà dans une lettre suivante, lorsque vous m’apprenez que vous êtes déjà en disposition plus généreuse. Je suis convaincu que sur ce terrain vous donnerez toujours plus par affection, à mesure que l’on demandera moins de vous par droit, et c’est bien ainsi qu’il faut être. Je suis sûr encore qu’il y aura une foule de petits sacrifices auxquels vous arriverez, sans vous en douter, dès que vous aurez repris votre largeur d’âme. Aussi la nouvelle que vous m’avez donnée a-t-elle été pour moi un grand bonheur, parce que vous connaissant comme je vous connais, une fois en paix, vous êtes redevenue capable de toute bonne chose. Et voyez un peu si je ne compte pas sur ce que je vous dis, puisque je vous laisse en ce moment pour vous parler d’autre chose.

1° J’ai reçu 300 francs de M. Roux pour la vêture de sa fille. Le père donnera à sa mort au moins 10.000 frs, à ce qu’il pense, mais actuellement il ne veut pas s’engager. J’ai gardé ces 300 francs pour les intérêts; nous aurons à faire un compte et vous seriez bien bonne de le faire vous-même.

2° Je n’ai plus à revenir, il paraît, sur le Frère convers, dont vous m’aviez parlé; sans quoi, je pense pouvoir prendre ici sa soeur.

3° Je vous remercie de n’avoir donné que 100 francs au Père Jean; je lui [en] avais déjà donné autant. Je ne lui paierai la seconde statue que lorsque je les aurai reçues toutes deux.

4° Il paraît qu’à moins que Semenenko ne soit bien malade, il ne restera pas longtemps dans la Société. L’abbé Jélowski paraît très résolu à le faire partir. Ce dernier, du reste, ne m’a pas enthousiasmé.

5° Avez-vous reçu, par un prêtre venant de Rome, deux petits morceaux de plâtre que les bonnes carmélites avaient enfoncé dans les oreilles d’une de leurs sourdes, afin d’en prendre l’empreinte, et pourrait-on, avec cette empreinte faire un appareil à la pauvre fille?

6° Aurai-je M. Saugrain? tâchez de pousser un peu.

7° Ne liez pas trop M. Blondeau avec Buchez; M. Desgenettes se mettrait entre deux et cela gâterait bien des choses.

8° Je n’ai pas su un mot du voyage de Mlle Montaudon à Paris. Prenez garde. On vient seulement vous inspecter, et voilà tout. N’ayez pas l’air trop empressée. Il me semble qu’avec ces bonnes filles il faut se tenir un peu sur ses gardes.

9° Je crois que je pourrai caser M. Philippe. Voilà qu’un frère convers sur lequel je comptais, m’est enlevé par les Jésuites; j’aurai donc besoin de quelqu’un pour régler certaines choses, en-dessous de l’économe. Pensez-vous que M. Philippe n’ait pas assez de tête pour cela?

Voilà toutes les petites affaires terminées. J’arrive à M. Perroulaz; je lui écrirai demain ou après-demain. Mais il faut que je lui parle franchement, car, à proprement parler, je crois pouvoir me passer de lui. M. Tissot s’empare si bien des enfants et paraît si bien réussir qu’à moins que M. Perroulaz ne veuille entrer complètement dans mes idées, je ne le presserai pas beaucoup. Il me paraît qu’il faut, au point où nous en sommes, tenir ferme pour maintenir l’esprit de la maison dans l’ordre des choses religieuses. Toutefois, s’il nous arrivait, je tâcherai de le traiter de mon mieux, vous n’en doutez pas. Voyez un peu comme nos désirs sont relatifs. Maintenant que j’ai quelqu’un à mettre à la place de M. Perroulaz, je ne suis plus aussi pressé de l’avoir, mais puisque je ne le connais pas, n’est-ce pas assez naturel? Je n’y tiens plus que par la peine que vous vous êtes donnée pour me le procurer, et c’est la seule chose pour le moment que j’aime en lui.

Remerciez mille fois M. Michel de ses efforts pour moi. Je profiterai de ses bons avis pour la prédication, si je voulais devenir prédicateur; mais vous savez que ce n’est pas là que je dois tendre.

Pour pouvoir vous écrire je n’ai guère dormi que trois heures et demi, mais ce n’est pas votre faute. J’ai été préoccupé hier soir d’une affaire assez grave pour Nîmes. Les rédacteurs du journal légitimiste de Nîmes donnent leur démission et sont venus m’offrir la direction religieuse de leur feuille. Il y a toute une éducation à faire par là; mais il y a des écueils, et c’est ce qui m’a empêché de dormir, quoique j’en eusse bien envie.

Adieu, ma chère enfant. J’oubliais de vous dire que je vais mieux et qu’aujourd’hui j’ai pu dire la messe à cinq heures moins un quart. Puisque vous vouliez bien vous intéresser à ma santé, ce sera mal à moi de ne pas vous en parler. Du reste, vous n’êtes pas la seule à vous y intéresser. Mme de Croÿ est venue hier, éperdue, sanglotant, me dire qu’elle mourrait si je tombais malade. Elle tient à ce qu’il paraît, à être enterrée avant moi. Moi, je n’y tiens pas du tout. Et puis, vous voulez que je n’aie pas bonne opinion de moi-même!

Je ne vous renvoie pas votre rendement de compte, pour ne plus revenir sur le passé. Seulement, je vous engage à lire les oeuvres de saint Jean de la Croix pour vos lectures.

Adieu, chère enfant. Les orages me semblent bons au moins à faire goûter le charme des beaux jours. J’oubliais l’essai de l’office de nuit. Vraiment, je n’ose m’opposer à votre zèle. Mais tout l’été! C’est, ce me semble, beaucoup.

Notes et post-scriptum