Périer-Muzet, Lettres, Tome XIV, p. 209.

12 jul 1846 Nîmes MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse

Il ne reviendra pas sur l’objet de ses précédentes lettres – Il réclame sa confiance. -Réponses à diverses questions – Etat de ses novices – Les demoiselles Carbonnel – Au sujet de plusieurs postulantes – Situation de Decker – Ses occupations hebdomadaires – Récréations des religieux – L’abbé de la Salle et l’abbé de Rancé – La santé de la Soeur Thérèse-Emmanuel et l’oeuvre de l’Assomption – Ses projets de vacances pour ses religieux et pour lui-même – L’un et l’autre doivent remonter vers Dieu, où tout est paisible et parfait.

Informations générales
  • PM_XIV_209
  • 0+471|CDLXXI
  • Périer-Muzet, Lettres, Tome XIV, p. 209.
  • Orig.ms. ACR, AD 436; V. *Lettres* III, pp. 82-89 et D'A., T.D. 19, pp. 93-94.
Informations détaillées
  • 1 ACCEPTATION DE LA VOLONTE DE DIEU
    1 AMITIE
    1 ANGOISSE
    1 ASSOMPTION
    1 AUTEURS SPIRITUELS
    1 BONTE
    1 CHARITE ENVERS DIEU
    1 CHARITE ENVERS LE PROCHAIN
    1 CHRIST CENTRE DE LA VIE SPIRITUELLE
    1 COLLEGE DE NIMES
    1 CONFESSEUR
    1 CORPS ENSEIGNANT
    1 CREANCES A PAYER
    1 CRITIQUES
    1 DESIR DE LA PERFECTION
    1 EMPLOI DU TEMPS
    1 EMPLOIS
    1 ERREUR
    1 ESPRIT DE L'EGLISE
    1 FOI
    1 FORMATION A LA VIE RELIGIEUSE
    1 FRANCHISE
    1 GRACE
    1 GRANDEUR MORALE
    1 HUMILITE
    1 INTEMPERIES
    1 LAICS MEMBRES DE L'EGLISE
    1 MAITRES
    1 MALADIES
    1 NOVICES ASSOMPTIONNISTES
    1 NUTRITION
    1 ORAISON
    1 PAIX DE L'AME
    1 PARDON
    1 POSTULAT
    1 RECREATIONS DES RELIGIEUX
    1 REFUGE LE
    1 REGULARITE
    1 RELIGIEUSES DE L'ASSOMPTION
    1 SOEURS CONVERSES
    1 SURVEILLANTS
    1 TIERS-ORDRE MASCULIN
    1 UNION DES COEURS
    1 VACANCES
    1 VOCATION RELIGIEUSE
    1 VOIE UNITIVE
    2 BALINCOURT, MADAME CHARLES DE
    2 BALINCOURT, MARIE-ELISABETH DE
    2 BERGERET DE FROUVILLE
    2 BEVIER, MARIE-AUGUSTINE
    2 BLANCHET, ELZEAR-FERDINAND
    2 CARBONNEL, MARIE-VINCENT
    2 CARBONNEL, MESDEMOISELLES
    2 CART, JEAN-FRANCOIS
    2 COMMARQUE, MARIE-THERESE
    2 CROY-CHANEL, MARQUIS DE
    2 CROY, DE
    2 CROY, ENGELBERT DE
    2 CROY, HENRI DE
    2 CROY, MADAME DE
    2 CUSSE, RENE
    2 DECKER, FRANCOIS-JOSEPH
    2 DUBOSC, MADEMOISELLE
    2 ESGRIGNY, MADEMOISELLE D'
    2 FERRONAYS, MADAME DE
    2 GAIRAUD, ABBE
    2 GARREAU, JEAN-CLAUDE
    2 GUYHOMAT, ABBE
    2 HENRI, EUGENE-LOUIS
    2 HENRI, ISIDORE
    2 HOMERE
    2 JEAN-BAPTISTE DE LA SALLE, SAINT
    2 LAURENT, CHARLES
    2 MICHEL, ERNEST
    2 MONNIER, JULES
    2 MONTAUDON, MESDEMOISELLES
    2 O'NEILL, THERESE-EMMANUEL
    2 PERROULAZ, ABBE
    2 PLATON
    2 RANCE, ABBE DE
    2 SAINT-JULIEN, MARIE-GONZAGUE
    2 SAUGRAIN, HIPPOLYTE
    2 SURREL, FRANCOIS
    2 TISSOT, PAUL-ELPHEGE
    3 AIGUES-MORTES
    3 ALGER
    3 FRIBOURG, SUISSE
    3 LYON
    3 MARSEILLE
    3 MONTPELLIER
    3 NIMES
    3 PARIS
  • A LA MERE MARIE-EUGENIE DE JESUS
  • MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
  • Nîmes, le 12 juillet 1846.
  • 12 jul 1846
  • Nîmes
  • Institution de l'Assomption
La lettre

Décidément, ma chère fille, ma pauvre tête ressemble au temps. Je comptais, pour la portion de la nuit que je vous consacre, sur un beau clair de lune et un calme plat qui nous a rendu pesante et lourde la journée tout entière, et voilà que la lune est entièrement cachée par les nuages, le tonnerre gronde presque sans interruption, et je ne puis lever les yeux de dessus mon bureau sans les avoir éblouis par les éclairs.

Croiriez-vous que je viens de déchirer deux lettres commencées, parce qu’elles expriment assez exactement le contraire de ce que je veux vous dire? Je voulais entrer avec vous dans certaines explications sur vos dernières lettres, que je viens de relire, et je ne sais pourquoi quelque chose me porte à ne plus vous répondre rien à cet égard, sinon que Dieu a voulu, pour un bien qu’il sait, vous faire prendre le change sur une foule de mes paroles ou plutôt de mes dispositions à votre égard. Mais pourquoi revenir là-dessus? Puisque le calme semble se faire au fond de votre âme, je n’ai plus qu’à prier Notre-Seigneur de le continuer en vous.

Et cependant laissez-moi vous faire une confession. J’ai été si heureux de voir que vous me reveniez enfin, que je n’ai pas assez donné d’attention aux angoisses que vous causait la maladie de Soeur Th[érèse]-Em[manuel], mais encore une fois ce sont choses sur lesquelles il vaut mieux ne pas revenir. Je me sens bien plus pressé à vous engager à être confiante et à avoir, dans votre amitié, un peu plus de foi en ceux qui en sont l’objet. Je crois avoir le droit de la réclamer. Et puis, ma chère enfant, élevons-nous l’un et l’autre au-dessus [de] nous-mêmes, et, de quelque point si divergent que nous partions, abandonnons-nous sans aucune crainte à cette attraction de Jésus- Christ, principe et centre de toute charité, et qui ne nous a pas rapprochés l’un de l’autre pour le plaisir de nous torturer par d’inutiles angoisses. Pour moi je sens -et c’est le noeud de tout ce que je vous suis- je sens qu’il veut que je vous sois bon, et il me donne, avec le plus grand désir de l’être, en effet, la conviction que si vous ne le comprenez plus, vous le verrez un jour avec une clarté plus douce et plus rassurante que par le passé.

Comment se fait-il que lorsque je commençais, depuis deux ans surtout, à trouver dans le repos de votre amitié un des motifs les plus puissants de ma reconnaissance envers Dieu, vous, au contraire, vous ayez au contraire commencé à vous perdre dans le doute? Mais il faut que tout cela crève comme l’orage, qui a enfin éclaté et qui par parenthèse vient d’inonder mon cabinet, sans que je m’en aperçusse. Voulez[-vous] donc, bien chère fille, redevenir un peu bonne pour votre père qui a si fort envie d’être très bon pour vous? Croyez-moi, ayez confiance.Je suis sûr que ce ne sera pas moi, mais Notre-Seigneur qui ne permettra pas qu’elle soit trompée.

Je vous disais que j’ai relu vos dernières lettres. J’ai pris des notes et je vais répondre, de mon mieux, à ce que je crois avoir oublié dans mes réponses précédentes.

1° Evidemment, vous êtes dispensée de vos trois heures d’oraison.

2° M. Guyhomat est arrivé, il y a quelques jours. Il a prétendu ne pas se douter du tout qu’il vînt dans une communauté religieuse. Cependant, le matin, il est venu me prier de le considérer comme novice. Je l’ai fait entourer de mon mieux.

3° Depuis ma dernière lettre, il y a eu de grands bouleversements, si je puis me servir de cette expression. MM. Tissot et Cusse se sont rapprochés encore plus de moi; je leur ai parlé assez fortement. L’abbé Laurent se tait, mais va s’éloignant doucement. M. Surrel est impénétrable, et je ne veux pas d’explication avec lui, parce que je veux qu’il revienne de lui-même ou qu’il s’en aille. M. Henri, qui était allé trouver Monseigneur, paraît n’en avoir pas été très bien reçu. Il a su que, moi aussi, j’avais parlé à Monseigneur; il a voulu savoir ce que nous avions dit, et moi je me suis bien gardé de lui rien apprendre; ce qui l’a amené à me répéter à plusieurs reprises qu’il était décidé à faire tout ce que je lui prescrirais. Cependant, il a de fréquents entretiens avec M. Surrel. D’autre part, le frère cadet de l’abbé Henri, qui est ici surveillant, qui a vingt ans au plus, et l’abbé Blanchet sont venus me prier de les admettre au noviciat; ce que je ferai dans une vingtaine de jours. J’ai reçu un jeune séminariste de Montpellier, qui est bachelier ès lettres; il va se présenter pour les sciences mathématiques. S’il n’avait pas un aussi affreux accent, je serais enchanté de lui. J’ai vu peu de physionomies aussi ouvertes, et, avec aussi peu d’éducation, autant de tact pour se former; il viendra au mois de septembre et se donne à l’oeuvre corps et âme; il se nomme Gairaud.

4° Vous ai-je dit que M. Perroulaz m’avait écrit une longue lettre d’incertitude, me conjurant de lui répondre? C’est ce que j’ai fait. Il ne sait que faire, attendu qu’il voit bien des inconvénients à rester à Fribourg; il regrette un peu Paris. J’ai tâché de lui répondre de mon mieux. Il serait bon que M. Michel, s’il ne l’a fait, lui écrivît de nouveau.

5° Si MM. Bergeret et Saugrain veulent arriver le 4 ou le 5 du mois d’août, ils seront les bienvenus; sinon, qu’ils soient ici le 12 septembre.

6° La Soeur converse est à vos ordres, mais je veux auparavant en parler à Mlle Anaïs Carbonnel. Celle-ci est fort embarrassée. Elle meurt d’envie de partir, et ses soeurs viennent de me conjurer de leur louer l’appartement qu’elles ont occupé dans la maison, m’offrant de ne plus se mêler de rien, si je le voulais, afin que leur soeur pût n’avoir aucun prétexte de les quitter. Je vous avoue qu’après avoir été inflexible, tant qu’il s’est agi de tenir tête à certaines exigences, je n’ai su que dire devant une position si humble, surtout avec le souvenir de toutes les peines qu’elles ont prises dans la maison. Je vais leur laisser le soin de la chapelle et un peu de la lingerie, en attendant que je puisse les remplacer par mes futurs novices. Quant à Mlle Anaïs, elle est très bien disposée, et, à côté de quelques petits mouvements de faiblesse dont je ne tiens pas compte, j’aperçois un grand fond de générosité.

7° Je ne puis rien vous dire de Mlle de Bal[incourt]; je ne lui ai jamais parlé qu’au confessionnal. Sa mère lui laisserait toute liberté, mais son père mettrait, je crois, des obstacles à sa vocation.

8° Je regrette tous les jours que Mlle Nathalie M[ontaudon] ne puisse pas vous être donnée. Cette nature forte, vive, impressionnable et franche, vous fût allée à merveille. Quant à sa soeur, elle me fait l’effet de se racornir. Je ne crois pas que vous ayez à avoir peur de Mlle Dubosc; depuis qu’elle est à Marseille, elle a été très souffrante et me fait l’effet de tenir plus que jamais au terroir de la patrie.

9° Mme de Croÿ a voulu faire semblant de se brouiller avec moi, puis maintenant nous sommes au mieux. Son mari est arrivé hier d’Alger; il demande à me voir et viendra demain. M’apportera-t-il de l’argent? Je l’ignore. Le marquis de Croÿ Chanel m’a écrit de Paris une belle lettre pour me signifier qu’on avait promis en son nom ce qu’il était dans l’intention de ne pas payer, à moins que sa position de fortune ne changeât. Rien de plus déraisonnable que la pauvre Mme de Croÿ. Elle fait des économies de bout de chandelle, et puis dépense en niaiseries pour ses enfants tout son argent, tandis qu’elle les laisse dans un délabrement de costume qui fait peine. Quant à la Gazette d’Augsbourg, j’ai vu de mes yeux les noms d’Engelbert et d’Henry de Croÿ, et Mme Croÿ a fort bien reconnu le nom de la personne qui avait fait insérer l’annonce et qui est un créancier ou plutôt une créancière de son mari.

10° Le pauvre M. Decker ne sait où donner de la tête. Après s’être fait loup-garou depuis notre dernière explication, il a écrit à Paris à Mme de Ferronnays, qui lui déclare qu’elle n’a aucun poste à lui offrir et l’engage à rester ici pour mille et une excellentes raisons. Il a pris le parti d’écrire en grec à Monnier pour lui dire, dans le style d’Homère et de Platon, qu’il comptait sur son amitié. Monnier a demandé, en français, où notre Welche voulait en venir. Or, c’était pour avouer qu’il était un maladroit, un malappris, qui n’avait rien compris à nos procédés; qu’il s’était monté la tête à tort et à travers; qu’il me demandait pardon et que, ne sachant où se fourrer, il mourait d’envie de se jeter dans mes bras, pour peu que je consentisse à les lui ouvrir. Monnier a fait la commission. J’ai répondu que je voulais réfléchir. Decker, tout humilié, est venu me trouver lui-même. Je me suis contenté de lui faire observer qu’il avait eu le tort de se livrer à certains amis; que, m’ayant annoncé son départ, j’avais pris mes arrangements et qu’il m’était impossible de lui donner une réponse, avant de savoir à quoi aboutiraient certaines démarches que j’avais faites. En effet, si M. Perroulaz nous arrive, je ne vois plus de place à lui offrir. D’autre part, je suis fort embarrassé, si Decker me restait. Il faudrait qu’il ne sortît pas de la maison, et, s’il reste, je dois le mettre chez lui, parce qu’il est impossible que le mécontentement qu’il a manifesté l’année dernière à propos de la table ne se reproduisît pas cette année. Somme toute, je crois que je ne le garderai pas. Il paraît avoir été fort impressionné par mes deux dernières instructions au Tiers-Ordre, où j’ai parlé de l’esprit laïque et de l’esprit ecclésiastique de façon à abasourdir force personnages.

Il° M. Monnier arrivera à Paris vers la fin d’août et en repartira vers le 25 septembre. Tâchez que les jeunes gens qu’il serait possible de me procurer soient à Paris à cette époque.

12° Que vous dire de Mlle d’Esgrigny? Ma position à son égard est fort embarrassante. Cependant, je n’ose pas vous dire: Comptez-y. Je crois bien que, tant qu’elle sera sous votre charme, elle penchera un peu de votre côté; mais, laissez-la revenir à elle-même, elle se relèvera aussitôt vers le Carmel. Je vous promets une parfaite neutralité, parce que, devant Dieu, il m’est impossible d’avoir une opinion.

13° Vous voulez savoir quelles sont mes occupations: 1° Le soin des maîtres, leur direction me prend du temps; 2° La confession de quelques élèves; 3° Une matinée par semaine au Refuge; 4° Une après-midi par semaine au confessionnal; 5° La matinée du vendredi, au moins deux heures au conseil de l’évêché; 6° Des conseils assez nombreux dans la maison; 7° Je me suis mis à étudier, mais je suis bien plus dérangé que je ne le croyais; 8° Des visites à recevoir; 9° Des lettres à faire.

Vous semblez croire que nos récréations ne sont pas gaies. Je vous assure qu’elles le sont extrêmement en général; seulement, nous ne sommes pas assez séparés des membres du Tiers-Ordre. Mais, l’année prochaine, j’espère que cela s’arrangera. Elles sont gaies surtout depuis mon retour de Paris.

14° J’ai lu ensemble et je vais terminer la Vie de l’abbé de Rancé et celle de l’abbé de la Salle, fondateur des Frères des Ecoles chrétiennes. Ces deux caractères me paraissent se compléter l’un par l’autre. Si vous lisez la Vie de ce dernier, prenez celle qui est en deux volumes in-4°; le style en est détestable, mais elle est bien plus détaillée que celle de Garreau en 2 vol. in-12. Je suis frappé de certains faits qui se rapportent assez à ma position et qui me justifient de plusieurs reproches que l’on me fait. Je suis à genoux devant l’abbé de Rancé, quoiqu’il y ait certaines choses qui me vont peu. Mais que c’est grandiose et majestueux dans son humilité!

15° J’aurais bonne envie de vous gronder sur vos appréhensions à l’égard de Soeur Th[érèse]-Em[manuel]. Où donc est votre foi? Si l’oeuvre est de Dieu, pensez-vous que, quand même Dieu vous enlèverait cet appui, tout croulerait? Non, ma chère enfant, et je suis sûr que vous ne m’avez parlé de vos craintes que pour me montrer non seulement vos pensées, mais même vos commencements et vos germes de pensées. Repoussez bien vite celles de cette sorte; elles seraient de nature à vous faire le plus grand tort devant Dieu.

16° Je dois vous dire quelque chose de mon plan pour les vacances. Dès le 4 août, l’abbé Laurent part avec un de nos élèves. Je lui annonce que je ne compte plus sur lui. Je laisse l’abbé Henri prendre ses ébats à Aigues-Mortes, à Lyon et où il voudra. Je m’inquiète peu de M. Surrel, qui ne dit rien et fait ses coups à petit trait. Je donne quinze jours de vacances à M. Tissot, qui en a besoin. Je prends avec moi Cusse, le jeune Henri, Blanchet et Guyhomat, et, débarrassé des autres, je me mets le plus strictement possible à la règle. M. Tissot retourne de Lyon, vers le 20 août. Vers le 25, je pars pour quelques jours de vacances, que je crois prudemment indispensables. Je retourne vers le 12 septembre, et le pli pris par mes cinq ou six fidèles me donne une force très grande pour former, du 12 septembre au 14 octobre, mes jeunes gens nouvellement arrivés, comme aussi pour mettre au pli Surrel et Henri, s’ils font les récalcitrants. Pendant le mois de septembre, je leur ferai une bonne retraite, à l’aide de laquelle j’espère bien que nous rapatrierons tout notre monde, pourvu que le bon Dieu approuve ce projet. L’année prochaine, je n’accepterai dans la maison personne qui ne soit de l’Ordre, excepté quelques surveillants qui garderont les élèves pendant les récréations.

Les observations que vous me faites sont excellentes et je vous promets d’en faire mon profit; envoyez-m’en souvent de cette sorte. Que de choses à ajouter de vive voix! Mais ne suis-je pas assommant? Enfin, ma chère fille, je m’arrête pour vous dire, avec un sentiment profond de ce que nous devons être l’un pour l’autre, Sursum corda. Remontons, remontons vers Dieu. Là, tout est paisible, parce que tout y est parfait. Imitons la perfection de Dieu par notre bonne volonté, et la paix nous sera donnée. Soyons parfaits en tout. Dieu le veut et sa grâce nous en donne les moyens. Or, sa grâce est le plus beau don de son amour et nous est accordée dans l’unique but de nous unir à lui et à nos frères. Or, entre l’amour suréminent de Dieu et l’amour général de nos frères, cette même grâce prépare dans le silence d’autres rapports qui impliquent aussi une grande perfection. Ce me sera toujours, chère enfant, un grand bonheur d’avoir compris par vous quelque chose à une amitié, qui veut des respects presque infinis. Je vous devrai encore le désir, et, par la grâce de Dieu, la force de me tenir plus habituellement dans je ne sais quelle atmosphère supérieure où la foi communique sans cesse des pensées et des impressions qui séparent des petitesses et des pauvretés de la terre.

Je voudrais vous parler plus longuement, mais 3 heures sonnent et j’ai encore quelques lettres à faire avant de dire ma messe. J’y prierai pour vous et je demanderai à Notre-Seigneur qu’il vous fixe en lui et moi à côté de vous, afin que désormais, comptant bien l’un sur l’autre, nous poursuivions dans une confiance réciproque et inaltérable son oeuvre, à laquelle nous nous dévouerons avec un abandon sans limite.

Je répondrai à vos filles un de ces jours. Je voulais leur écrire cette nuit, mais elles subiront les conséquences de mon bavardage avec leur mère.

Tout vôtre en Notre-Seigneur.

Vous ne me dites plus rien de Soeur M.-Gonzague, de Soeur M.-Aug[ustine], ni de Soeur M.-Thérèse. Je vous prie de leur dire qu’elles me sont fort souvent présentes devant Notre-Seigneur.

Notes et post-scriptum