Périer-Muzet, Lettres, Tome XIV, p. 252.

19 oct 1846 Nîmes MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse

Difficultés intérieures dans son établissement – Notre-Seigneur en avait avec ses apôtres – Avis concernant Soeur Thérèse-Emmanuel – Bonnes dispositions de l’abbé Gabriel.

Informations générales
  • PM_XIV_252
  • 0+492|CDXCII
  • Périer-Muzet, Lettres, Tome XIV, p. 252.
  • Orig.ms. ACR, AD 460; V. *Lettres* III, pp. 147-149 et D'A., T.D. 19, p. 131.
Informations détaillées
  • 1 ANGOISSE
    1 ANTIPATHIES
    1 ASSOMPTION
    1 COLERE
    1 COLLEGE DE NIMES
    1 CONNAISSANCE DE SOI
    1 DEFAUTS
    1 EMOTIONS
    1 EXAMEN DE CONSCIENCE
    1 IMITATION DE JESUS CHRIST
    1 INSENSIBILITE
    1 MAITRES
    1 MALADIES
    1 PATIENCE
    1 SEVERITE
    1 SUPERIEUR
    1 TRISTESSE
    2 CARBONNEL, MESDEMOISELLES
    2 COMBALOT, THEODORE
    2 GABRIEL, JEAN-LOUIS
    2 HENNINGSEN, MARIE-GERTRUDE
    2 O'NEILL, THERESE-EMMANUEL
  • A LA MERE MARIE-EUGENIE DE JESUS
  • MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
  • Nîmes, le 19 octobre 1846.
  • 19 oct 1846
  • Nîmes
  • Institution de l'Assomption
La lettre

Je serais bien coupable envers vous, ma chère enfant, si sans motif j’avais gardé le silence. Mais il y a des moments où les forces sont à bout. Les divisions qui deviennent de plus en plus vives entre les demoiselles Carbonnel et les maîtres; les déceptions causées par les hommes sur qui on croyait pouvoir compter; une scène des plus orageuses entre l’abbé Gabriel et quelques-uns de mes maîtres au sujet d’une affaire, où je suis forcé de donner tort à M. Gabriel autant qu’aux maîtres, quoique extérieurement je donne raison à M. Gabriel; les préjugés que ce saint homme se fait et qui le font prendre en aversion par plusieurs de nos Messieurs; étant absent pendant la tempête, je n’ai pu savoir positivement qui l’avait soulevée, le seul que j’eusse pu invoquer a donné raison à tous les deux en les prenant, il est vrai, à part; -les demoiselles Carbonnel qui veulent se retirer devant des grossièretés qui augmentent, à mesure que je veux les réprimer, de telle façon que je me vois dans la nécessité de chasser deux ou trois de ces Messieurs; je vous avoue que lorsque, au milieu de tous ces chagrins, je consulte Notre-Seigneur, il me paraît ne pas vouloir me répondre, je suis dans l’affliction. Du reste, l’abbé Gabriel, avec qui je suis à merveille, me dit sans cesse que j’ai les mêmes défauts que vous, que je vous ressemble en ce que je ne sais pas être supérieur. Croiriez-vous qu’au lieu de me faire de la peine, le parallèle me fait plaisir? Mais laissons cela.

Le bon abbé prétend que je n’ai pas de fermeté, mais pour en avoir sur un point, il faut une conviction profonde de la marche à tenir. Or, je juge tout autrement que M. Gabriel. Ne trouvez-vous pas que personne n’est plus facile que lui (après M. Combalot toutefois) à se laisser prévenir dans un sens ou dans un autre que cet excellent ami? Avec un coeur si droit, il me semble prévenu si bien de lui-même, en fait de connaissance des hommes, que rien ne lui échappe. Et que des fils secrets lui échappent pourtant! Pour moi, j’en ai pris mon parti. Je me propose d’imiter, au milieu de mes maîtres, la patience de Notre-Seigneur au milieu des apôtres, pendant les trois ans où il les garda. Le grex apostolicus n’avait pas inventé la poudre et pourtant, au bout de trois ans, ce furent les colonnes de l’Eglise.

Mais je parle de moi et j’oublie que j’ai à vous répondre. Ce que vous m’apprenez des angoisses de Soeur Th[érèse-] Emmanuel m’afflige, car ce serait un signe funeste pour sa maladie. Faible comme elle l’est, elle a grand besoin de fuir toutes les émotions, et sa faiblesse même est une source d’émotions nouvelles. Toutefois, il faut voir le bien général, et sans entrer dans des détails que je n’ai malheureusement pas le temps de vous donner aujourd’hui, vous devez, je le crois, continuer à vous faire centre. Si toutefois vous aperceviez que cette pauvre enfant avançât vers son destin, ne lui laissez pas trop voir votre action, afin de lui éviter l’amertume d’un retour sur elle-même et la pensée d’un désenchantement.

M. Gabriel veut absolument emporter cette lettre, que je comptais vous envoyer par la poste; je vais la lui remettre inachevée; ce soir, j’essaierai de vous écrire plus longuement. Ce bon abbé part avec de très bonnes dispositions pour moi et surtout pour l’oeuvre; seulement, je craindrais bien qu’il en gâtât bien des choses par sa brusquerie, s’il restait toujours avec nous. Sa retraite a fait beaucoup de bien.

Adieu, ma chère enfant. Tout vôtre en Notre-Seigneur. Mille souvenirs à Soeur Marie-Gertrude.

Notes et post-scriptum