Périer-Muzet, Lettres, Tome XIV, p. 256.

6 nov 1846 Nîmes MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse

Les raisons de son silence – Il est conscient de ses propres défauts, mais ne veut pas qu’elle en conçoive de l’amertume – Sur un postulant – Sujets divers.

Informations générales
  • PM_XIV_256
  • 0+494|CDXCIV
  • Périer-Muzet, Lettres, Tome XIV, p. 256.
  • V. *Lettres* III, pp. 153-155, d'après une copie non retrouvée. Pour la partie inédite: Cop.ms. du P. Vailhé ACR, AQ 45; D'A.,T.D. 19, pp. 135-136.
Informations détaillées
  • 1 ACCEPTATION DE LA VOLONTE DE DIEU
    1 AMITIE
    1 CRITIQUES
    1 DEFAUTS
    1 EMPLOI DU TEMPS
    1 FAIBLESSES
    1 FATIGUE
    1 FRANCHISE
    1 HUMILITE
    1 NEGLIGENCE
    1 PARDON
    1 PARESSE
    1 PRIERE DE DEMANDE
    1 RECHERCHE DE LA PERFECTION
    1 SANTE
    1 SEVERITE
    2 CARBONNEL, MESDEMOISELLES
    2 CAZALES, EDMOND DE
    2 GABRIEL, JEAN-LOUIS
    2 KAJZIEWICZ, JEROME
    2 LAMENNAIS, FELICITE DE
  • A LA MERE MARIE-EUGENIE DE JESUS
  • MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
  • Nîmes, le 6 novembre 1846.
  • 6 nov 1846
  • Nîmes
La lettre

C’est, il paraît, ma chère enfant, une triste condition de ma nature de faire de la peine à ceux que j’aime le plus. Je me dépêche bien vite de vous faire toutes mes excuses, parce que, croyez-le, j’ai assez souffert ces jours-ci pour n’avoir aucune envie de faire souffrir mes amis. Mais que la volonté de Dieu s’accomplisse! Pour moi, je vais me hâter de reprendre un peu plus exactement ma correspondance avec vous. Seulement, sachez-le bien, j’éprouvais une fatigue physique, qui me fait rester au lit plus longtemps que de coutume et qui m’empêchait de faire dans la maison tout ce que j’aurais dû. Joignez à cela la visite de M. de Cazalès, celle du P. Kajziéwicz, et vous verrez que j’ai quelques excuses à vous offrir pour obtenir mon pardon. Maintenant, je ne vous cacherai pas que j’aurais voulu de votre part un peu plus de confiance; car, je puis vous l’assurer, si vous ôtez la matinée que j’ai passée à la campagne et où je ne vous ai pas écrit, parce que j’ai eu la paresse de ne pas demander de l’encre, je n’ai pas eu, à la lettre, une minute à moi. Cependant, j’aurais cru qu’il y avait eu, de ma part, un plus grand nombre de lettres que celles que vous indiquez.

Le 7 novembre.

Voilà deux heures que j’avais cru vous donner ce que l’on me prend, bien malgré moi, cependant cette lettre partira aujourd’hui. Ma chère enfant, j’ai prié Dieu pour vous à la messe qui vous appartient, comme vous savez le vendredi. Il m’a paru que je devais entrer dans votre peine, pour ce en quoi je puis avoir quelque reproche à me faire, mais aussi vous faire quelques reproches de l’amertume que je ne dois pas vous permettre. Que vous la manifestiez lorsque vous en avez, rien de mieux, mais il ne faut pas lui permettre de se développer au fond de votre âme. Je vous conjure d’y faire plus attention.

Voilà ce que je crois devoir vous dire devant Dieu, par le désir extrême que j’ai que vous soyez parfaite, même en face de mes défauts. Que j’en aie beaucoup et qu’ils fassent souffrir ceux que j’aime le plus, c’est là une bien triste et bien humiliante condition. Mais je ne veux pas que vous soyez sur ce point impitoyable, comme votre nature vous y porterait. Songez à un mot que M. de Cazalès me disait en parlant de M. de la Mennais: « Ce qui m’a toujours effrayé chez cet homme, c’est que je l’ai vu sans pitié« . Votre nature méprisante, après s’être donnée, se relève de ce côté, et vous vous rappelez combien de fois vous m’avez dit que le caractère de M. de la M[ennais] vous allait. Prenez garde, en tenant compte de tout ce qui vous sépare de lui, de vous en rapprocher par le côté que je vous signale.

Trouvez-vous, ma chère enfant, que je tienne assez à ne pas mériter le reproche que vous me faisiez, dans votre avant-dernière lettre, de ne pas assez avertir de moi-même des défauts que j’aperçois? Peut-être le fais-je un peu trop fortement. Je vous prie de m’en avertir, car, je ne puis vous le dissimuler, je crains toujours en effet de blesser. Je blesse si souvent sans le vouloir.

Je vous remercie du Frère que vous me proposez pour les écoles primaires. Je crois, en effet, qu’il m’irait très bien. Mais il faudrait encore que vous eussiez la bonté de prendre quelques renseignements sérieux auprès des Frères, pour savoir s’il n’y a en effet, que sa santé qui se soit opposée à son séjour parmi eux. Si cette santé est encore menacée, si réellement il est tel que le dit M. Gabriel, ce serait pour moi une trouvaille plus importante que je ne saurais vous le dire. Aussi soyez assez bonne pour juger par vous-même et pour juger sévèrement. J’aimerais mieux attendre quelque temps et avoir un sujet solide. Ainsi, je vous en prie, cherchez avec le scrupule que veut un pareil choix, qui est pour moi essentiel.

Je m’arrête pour que ma lettre puisse partir. Laissez-moi seulement vous dire que, tandis que je vous faisais de la peine par mon silence, moi, je me reposais avec trop de contentement peut-être sur la pensée de votre amitié; car, vous aurez beau vous fâcher, je sens fort bien que je la mérite par celle que je vous porte. J’oubliais de vous dire que les dames Carbonnel restent encore; c’est toute une histoire. Mais, voyez-vous, je ne vous parle pas de votre santé, et cependant ce que vous m’en dites m’a bien préoccupé.

Adieu, ma fille. Je vais encore prier pour vous. Si ma lettre vous paraît trop sévère, dites-le-moi; car, j’ai beau faire, je me sens pressé d’aller toujours avec vous avec une grande liberté de coeur.

Notes et post-scriptum