Périer-Muzet, Lettres, Tome XIV, p. 257.

8 nov 1846 Nîmes MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse

Avancer dans l’amour divin, seul moyen d’apaiser toute souffrance – Ne me plaignez pas trop de ce que vous m’êtes car j’y trouve un grand avantage – Le désintéressement de mon amitié – C’est en Dieu que nous retrouverons la paix.

Informations générales
  • PM_XIV_257
  • 0+494 a|CDXCIV a
  • Périer-Muzet, Lettres, Tome XIV, p. 257.
  • Orig.ms. ACR, AD 464; D'A., T.D. 19, pp. 136-138.
Informations détaillées
  • 1 ACCEPTATION DE LA VOLONTE DE DIEU
    1 AMITIE
    1 AMOUR DU CHRIST
    1 ANGOISSE
    1 DIEU CENTRE DE LA VIE SPIRITUELLE
    1 EPREUVES SPIRITUELLES
    1 GLOIRE DE DIEU
    1 LUTTE CONTRE LA TENTATION
    1 OUBLI DE SOI
    1 PAIX DE L'AME
    1 PROGRES DANS LA VIE SPIRITUELLE
    1 PURIFICATIONS SPIRITUELLES
    1 SACRIFICE DE LA MESSE
    1 SOUFFRANCE
    1 SUSCEPTIBILITE
    1 UNION DES COEURS
    1 VERTU D'OBEISSANCE
    1 VOIE UNITIVE
    2 MARECHAL
    2 ROUX, MARIE-MARGUERITE
  • A LA MERE MARIE-EUGENIE DE JESUS
  • MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
  • Nîmes, le 8 nov[embre] 1846.
  • 8 nov 1846
  • Nîmes
  • Institution de l'Assomption
  • *Madame*
    *Madame la Supérieure de l'Assomption*
    *n° 76, rue de Chaillot. Paris.*
La lettre

Je laisse interrompue une longue lettre que j’ ai commencée hier, dès que j’ai terminé la lecture de la vôtre. Il me paraît d’après votre lettre, mon enfant, que vous souffrez toujours beaucoup. J’ai prié pour vous et voici ce que je puis vous dire.

Il faut persévérer dans la disposition résignée où vous me paraissez être en ce moment, tenir toujours votre coeur là où Dieu semble le vouloir, mais oublier un peu que c’est un homme, pour vous élever jusqu’à Notre-Seigneur. Que la créature vous fasse beaucoup souffrir, je n’en suis pas surpris; il faut regarder toujours plus haut. Perdez-vous donc, en ces terribles moments d’angoisse, dans le coeur de Jésus-Christ. Avancer dans l’amour divin me paraît, en effet, le seul moyen pour vous d’apaiser toute souffrance. Revenez sans cesse à ce but et portez-vous-y comme sur votre centre; là tout autre sentiment se mettra sur son équilibre et dans la perfection de l’ordre.

Que toutefois vous ayez à souffrir encore, je le pense malheureusement ou heureusement, car enfin si c’est pour votre bien, il faut le vouloir. Vous avez, je crois, parfaitement fait de communier. Du moment que vous mettez tous vos efforts à avancer dans un état surnaturel, il ne faut pas tenir trop compte des impossibilités qui résultent de notre faiblesse. Ne me plaignez pas trop, chère enfant, de ce que vous m’êtes. Je vous assure que j’y trouve un fort grand avantage, et puis je sens tellement que toutes vos peines révèlent au fond de vous quelque chose de bon pour moi que je ne sais comment je pourrais me plaindre de pareilles épreuves, quelque douloureuses qu’elles puissent être.

Votre âme, me dites-vous, est brisée à mon égard. Je ne veux pas pour le moment en chercher la cause, mais j’y vois un grand bien, si vous vous jetez d’autant plus du côté de Notre-Seigneur. Si, ce que je ne veux pas envisager en ce moment, ce brisement de votre part va jusqu’à me rendre inutile…, je n’ai pas la force de finir ma pensée, chère enfant. Mais si, pourtant, je dois l’avoir et vous dire que si Dieu, à force de brisements, vous conduit jusqu’à ne vous faire plus trouver d’appui en moi, ce sera peut-être pour moi une occasion de vous montrer ce que je vous suis par le désintéressement de mon amitié.

Maintenant, si je fais abstraction de moi, je ne crains pas d’affirmer que toutes ces douleurs auront pour vous le plus grand avantage, celui de vous purifier et de vous porter vers Notre-Seigneur, vers qui il faut absolument vous réfugier. Votre tentation d’incrédulité n’a pas de fondement, car si l’obéissance vous a mise dans cet état, du moment que vous pouvez y trouver un bien, même imprévu, il faut bénir Dieu qui produit les effets qu’il sait et qui procure de secrets avantages par des voies qu’on n’avait pas prévues. Quant à vos dispositions, ma chère enfant, croyez-le, il y a dans mon dévouement quelque chose de si absolu pour vous et de si oublieux de lui-même que, pourvu que Dieu soit glorifié en vous, je n’ai pas le courage de vous demander en ce moment consolation et secours, autre que celui que je prendrai, comme malgré vous -si je puis parler ainsi- par le souvenir de ce que vous m’avez été, et de ce que, quoique vous souffriez, vous êtes encore pour moi. Que tout ceci vous montre qu’il faut regarder constamment et avant tout Dieu. Là nous retrouverons la paix. Croyez-vous en dernière analyse que si, par notre union, nous pouvons procurer un peu de gloire à Notre-Seigneur, le diable n’ait pas quelque intérêt à la troubler? Quand la tentation, sous le poids de laquelle vous êtes en ce moment, sera passée, vous le comprendrez beaucoup mieux, et ce sera un grand bien si, au terme de la tentation, vous avez fortifié et sanctifié votre âme.

Vous voulez des messes. Sauf quelques-unes que j’ai promises et qui seront dites quand vous recevrez cette lettre, à l’exception du samedi (pour quelques samedis seulement), elles seront toutes pour vous, jusqu’à ce que vous trouviez qu’il y en a assez. Prenez donc de mon petit trésor tout ce que vous voudrez. N’étions-nous pas convenus de travailler à deux? Savez-vous que je dis la messe à 7 heures ordinairement, et le dimanche et le jeudi, à 7 h. 1/2. Dimanche prochain, je la dirai à 9 h. 1/2, mais je ne pourrai vous donner que ma communion, parce que je dois chanter la messe du Chapitre et qu’il faut l’appliquer à ses intentions. Oui, ma bonne fille, vous me faites du bien; mais, croyez-le, il me paraît que ce n’est pas de moi qu’il s’agit ici devant tout ce que vous me dites. Il ne s’agit que de vous, non pas pour vous soulager, si Dieu veut que vous souffriez encore, mais pour vous sanctifier. Non, mon enfant, je ne serai pas irrité. Où en trouverais-je le courage? Mais je conjurerai Notre-Seigneur de vous apaiser, si la tempête ne vous est pas utile.

Faites pour la pauvre Soeur M.-Marguerite ce que vous jugerez de meilleur, je m’en rapporte à vous. Il faut m’arrêter, et moi aussi je ne me relirai pas.

M. Maréchal m’est venu voir sans me trouver.

E.D'ALZON.
Notes et post-scriptum