Périer-Muzet, Lettres, Tome XIV, p. 261.

10 nov 1846 Nîmes MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse

Dans l’amour de Notre-Seigneur doit se fondre toute peine – Préoccupations au sujet d’une religieuse – Nouvelles de postulants et de novices – Les abbés Gabriel et Semenenko.

Informations générales
  • PM_XIV_261
  • 0+495|CDXCV
  • Périer-Muzet, Lettres, Tome XIV, p. 261.
  • Orig.ms. ACR, AD 466; V. *Lettres* III, pp. 155-156 et D'A., T.D. 19, pp. 141-142.
Informations détaillées
  • 1 AMITIE
    1 AMOUR DU CHRIST
    1 COLLEGE DE NIMES
    1 CONNAISSANCE DE SOI
    1 DISCIPLINE SCOLAIRE
    1 LUTTE CONTRE SOI-MEME
    1 PAIX DE L'AME
    1 PAQUES
    1 PATERNITE SPIRITUELLE
    1 PENSIONNATS
    1 PERSEVERANCE
    1 PREDICATIONS DE CAREME
    1 RECHERCHE DE LA PERFECTION
    1 SCHISME ORIENTAL
    1 SIMPLICITE
    1 SOUFFRANCE APOSTOLIQUE
    1 SURVEILLANTS
    1 TRAITEMENTS
    1 VERTU D'OBEISSANCE
    1 VIN
    1 VOIE UNITIVE
    2 AUGIER
    2 FALCONNIER, MARIE-LOUIS
    2 GABRIEL, JEAN-LOUIS
    2 GOUBIER, VITAL-GUSTAVE
    2 KAJZIEWICZ, JEROME
    2 MARTIN, SAINT
    2 ROUX, MARIE-MARGUERITE
    2 SEMENENKO, PIERRE
  • A LA MERE MARIE-EUGENIE DE JESUS
  • MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
  • Nîmes, le 10 nov[embre] 1846.
  • 10 nov 1846
  • Nîmes
  • Institution de l'Assomption
  • *Madame*
    *Madame la Supérieure de l'Assomption*
    *n° 76 rue de Chaillot*
    *Paris.*
La lettre

J’ai beaucoup prié pour vous, ma chère enfant, depuis ce matin, et plus j’ai placé votre âme aux pieds de Notre-Seigneur, plus j’ai eu le sentiment profond de ce que je vous disais dans mon avant-dernière lettre, que c’est dans la simplicité de votre amour pour Notre-Seigneur que doit se perdre ou plutôt se fondre toute peine, toute douleur que vous pourriez avoir à mon égard. Si je vous croyais capable d’obéir en ceci, je vous donnerais toutes les fois qu’une pensée pénible vous viendrait à mon égard, de la laisser tomber dans un acte d’amour envers Notre-Seigneur, en sorte que ce qui est en vous un mal habituel serait un habituel aiguillon de charité et de présence de Dieu. Quand je dis: Si je vous croyais capable d’obéir, ce n’est pas que je doute de votre bonne disposition, mais c’est que du premier coup votre énergie sera peut-être trop brisée pour pouvoir s’élever à cet effort; mais je puis du moins vous ordonner d’essayer, et cela je vous l’ordonne. Malgré que vous vous débattiez, j’avais tout à l’heure le sentiment si fort que Notre-Seigneur mettait votre âme en mes mains que, ne le voulussiez-vous pas, il faut qu’il en soit ainsi. J’avais jusqu’au plus intime du coeur un si ineffable sentiment de votre sanctification, même par les douleurs que je puis vous causer, qu’il m’était impossible de ne pas vous dire que je me sens plus que jamais obligé de travailler à vous faire du bien avec une respectueuse paternité. Ce mot n’exprime pas assez ma pensée. C’est tout ce qu’il y a de plus fort dans l’affection qu’on doit porter à un dépôt, qui, de la part de celui qui le confie, est une marque d’amitié -en effet, je n’ai que le dépôt de votre âme de la part de Notre-Seigneur -et ce qu’il y a de plus dévoué à la perfection d’un être, qu’on doit aider à s’embellir pour qu’il atteigne à l’union divine.

C’est ainsi que votre âme m’apparaît, lorsque je l’aperçois en quelque sorte à la lumière de Notre-Seigneur; et vous comprenez que, considérée ainsi, je ne dois pas lui permettre de se flétrir par des pensées qui, en la repliant sur elle-même, la détournent de sa voie et de son développement par rapport à Dieu, peut-être aussi de son action envers le prochain.

Je demande à Notre-Seigneur de me conserver toujours l’évidence de votre état, comme je crois l’avoir maintenant, car pourvu que cette clarté dure, je n’hésiterai pas, quelque objection que vous puissiez me faire, à vous forcer à entrer dans la voie que je vous indique, parce qu’elle est la seule qui puisse vous convenir. Je dois ajouter que j’ai si fort la conviction du bien que vous feront mes paroles que, quand même vous ne l’éprouveriez pas du premier coup, je ne vous en dirais pas moins: « Persévérez, le temps vous prouvera que je vous ai indiqué le seul moyen de recouvrer la paix et de devenir une sainte. »

11 novembre, jour de saint Martin.

Ce que je vous écrivis hier me devient encore plus évident aujourd’hui. Je n’y reviens du reste que pour vous le répéter, car je n’ai rien à y ajouter. L’avenir de la pauvre Soeur Marguerite me préoccupe beaucoup, mais pouvez-vous penser aussi qu’une maîtresse de pension qui l’a élevée, qui la voyait tous les jours depuis dix ans, ait eu le courage de me dire qu’elle songeait à se l’associer pour continuer ses classes? Or une foule de personnes trouvaient que c’était là un bon pensionnat. Il est vrai que je me permettais d’être d’un autre avis, mais bien bas, parce que je n’osais pas aller contre ce qu’on disait si positivement.

Pressez le départ de l’artilleur que veut me donner M. Falconnier: un ancien militaire me mettra un peu de discipline dans la première division, que j’ai confiée à M. Augier et qui, à cause de cela, va tout de travers. La question des surveillants est terrible. Pour moi, c’est ce qu’il y a de plus pénible, et pourtant il faut absolument que l’on s’en occupe avec zèle. Le bon Augier fera un bon Bénédictin, mais il y aura beaucoup à faire pour en tirer un bon religieux de l’Assomption.

Vous ne me dites rien de M. Gabriel. Est-il toujours également bien disposé pour nous? Veuillez me dire ce que vous pensez que je puisse lui offrir en cadeau, car enfin je l’avais jugé d’après moi. J’accepte de l’argent pour mes Carêmes sans fierté, même de la part de l’abbé Goubier. Puisque ce saint homme n’en veut pas de la mienne, procurez-moi la facilité de lui offrir quelque chose qui lui soit agréable. Vous êtes si bonne que vous saurez bien choisir. Autrefois, je lui eusse envoyé de notre vin des côtes du Rhône, mais aujourd’hui j’ignore si un pareil cadeau lui plaira. Nous avons aussi le vin de l’Anglade, qui est très estimé et qui est fort léger (celui des bords du Rhône est, au contraire, très violent). Si du vin lui convient peu, choisissez vous-même et agissez en mon nom.

L’abbé Semenenko est toujours ici. Le P. Jérôme me le veut confier jusqu’à Pâques, s’il y arrive. Je le garde comme une relique et je me trouve heureux de pouvoir donner cette marque de respect à ces bons religieux, qui veulent se dévouer à ramener l’unité dans le sein du schisme oriental. Je m’arrête. Le temps me presse, et pourtant cette demi-page blanche me fait mal aux yeux.

Tout à vous, ma chère fille. Allez à Notre-Seigneur; laissez les pensées de la créature qui vous font tant souffrir.

Notes et post-scriptum