Périer-Muzet, Lettres, Tome XIV, p. 264.

27 nov 1846 Lavagnac MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse

Votre état est incompréhensible – Cette désunion d’idées ou de sentiments me tourmente – Votre santé – En m’écrivant ne vous arrêtez jamais à l’idée de me faire de la peine – Votre frère.

Informations générales
  • PM_XIV_264
  • 0+496 b|CDXCVI b
  • Périer-Muzet, Lettres, Tome XIV, p. 264.
  • Orig.ms. ACR, AD 469; D'A., T.D. 19, pp. 144-145.
Informations détaillées
  • 1 AMITIE
    1 AMOUR-PROPRE
    1 CONTRARIETES
    1 DIRECTION SPIRITUELLE
    1 EPREUVES SPIRITUELLES
    1 FATIGUE
    1 FRANCHISE
    1 IMPRESSION
    1 MAITRISE DE SOI
    1 MALADIES
    1 PAIX DE L'AME
    1 SOUCIS D'ARGENT
    1 SOUFFRANCE ACCEPTEE
    1 SOUFFRANCE APOSTOLIQUE
    1 SUSCEPTIBILITE
    1 TRISTESSE
    1 UNION DES COEURS
    2 MILLERET, LOUIS
  • A LA MERE MARIE-EUGENIE DE JESUS
  • MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
  • Lavagnac, 27 nov[embre] 1846.
  • 27 nov 1846
  • Lavagnac
La lettre

Il y a dans votre état, ma chère enfant, quelque chose de si incompréhensible pour moi que je ne sais plus que vous dire, à moins qu’il ne faille y voir une tentation par laquelle Dieu veut vous éprouver, en dépit de tous mes efforts pour vous faire trouver la paix. Car, enfin, que mes lettres produisent l’effet que vous me dites, c’est un mystère qui me déroute complètement. Si vous étiez de ces personnes à imagination folle qui prennent le mors aux dents, comme les chevaux ombrageux à la moindre mouche qui les pique, je le concevrais. Mais vous êtes la femme en qui j’ai vu la plus paisible possession d’elle-même, avec la plus énergique puissance de sentir. Ce n’est donc pas de ce côté que le mal doit venir naturellement. Je ne sais pourquoi j’avais trouvé jusqu’à présent une si parfaite conformité entre votre raison et la mienne, accompagnée de cette disposition réciproque à faire bon marché, de part et d’autre, de son sens personnel, qui devrait prévenir toute cause de désharmonie, qu’il me semblait impossible de supporter que désormais nous ne nous comprenions pas à demi-mot. Enfin, je ne puis que répéter: Dieu le veut. Mais voilà précisément ce qu’il m’est impossible de croire, c’est que Dieu le veuille. Il me paraît qu’il est si nécessaire que nous nous touchions par tous les points, si nous devons faire sur la terre ce pour quoi je crois que nous y avons été placés, que cette désunion d’idées ou de sentiments, (appelez-la comme vous voudrez), me semble un très grand mal, et je ne puis vous dire à quel point j’en suis tourmenté.

N’allez pas croire que ce soit pour n’avoir plus à souffrir que je vous parle ainsi. Non. Je voudrais souffrir, au contraire, beaucoup plus et être sûr que ce qui vous arrive est uniquement une épreuve de la part de Dieu, et qu’il n’y a pas de ma faute. Mais pourquoi vous dire cela? Savez-vous que dans tout ce que je vous écris depuis quelque temps je crains de montrer trop l’ami et pas assez le directeur? Ai-je tort et n’est-ce pas peut-être le contraire que vous voudriez? Est-ce qu’à force de me faire une idée exagérée du respect vous me trouveriez gêné? Tout ce que je puis vous dire, c’est que si mon âme était transparente, je vous la donnerais à retourner dans tous les sens, et qu’il n’en est pas un recoin que je ne vous laissasse envisager sans crainte. Mais non, je le répète, je n’y conçois rien.

Votre santé m’inquiète horriblement. De grâce, soignez-vous et donnez-moi de vos nouvelles. Demandez à Notre-Seigneur de m’envoyer votre mal. Je suis honteux, quand je vous sais aussi souffrante, d’être venu me faire soigner. Je crois que j’ai eu grand tort de céder à une fatigue qui était pourtant supportable.

Je vous laisse le droit de reprendre votre liberté, si vous le croyez nécessaire à votre santé. Et cependant je suis tout triste. Il me semble que je ne porterai plus aussi paternellement votre âme devant Notre-Seigneur. Mais ne vous arrêtez pas à cela, si vous le croyez utile, ce que je ne puis juger de si loin.

De grâce, en m’écrivant ne vous arrêtez jamais à l’idée de me faire de la peine. Qu’est-ce que cela fait? Je ne vous parlerai plus de mes impressions si ce que je vous en dirai doit arrêter un seul mot au bout de votre plume. N’est-ce pas un bien, quand on ne peut consoler ceux que l’on aime le plus, de souffrir du moins avec eux? Je suis honteux de vous dire toutes ces choses. Figurez-vous que j’avais cru que vous les saviez par moi. Il faut que je m’arrête, parce que je suis dérangé. Je vous écrirai demain plus au long. Peut-être aurai-je quelque chose à vous proposer pour Monsieur votre frère. Mais ceci veut quelques explications. A demain. Quant à l’argent, ne vous en inquiétez pas. Je ne vous ai parlé que parce que je n’avais pas répondu à une question que vous me faisiez à ce sujet, il y a deux ou trois mois.

Notes et post-scriptum