Périer-Muzet, Lettres, Tome XIV, p. 265.

29 nov 1846 Lavagnac MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse

Vos souffrances – Une voie dure mais purificatrice – Ne me comptez pour rien – Vous me retrouverez toujours *vôtre* – Votre frère.

Informations générales
  • PM_XIV_265
  • 0+496 c|CDXCVI c
  • Périer-Muzet, Lettres, Tome XIV, p. 265.
  • Orig.ms. ACR, AD 470; D'A., T.D. 19, pp. 146-148.
Informations détaillées
  • 1 ACTION DU CHRIST DANS L'AME
    1 AMITIE
    1 CRITIQUES
    1 DEGOUTS
    1 DESIR DE LA PERFECTION
    1 DIRECTION SPIRITUELLE
    1 DOT
    1 DOUTE
    1 FATIGUE
    1 FOI
    1 HUMILITE
    1 MARIAGE
    1 ORGUEIL
    1 OUBLI DE SOI
    1 PAIX DE L'AME
    1 PARDON
    1 PURIFICATIONS SPIRITUELLES
    1 RESPONSABILITE
    1 SENSATION DE DOULEUR
    1 SOUFFRANCE ACCEPTEE
    1 SYMPTOMES
    1 TEMPERAMENT
    1 TENTATION
    2 MILLERET, LOUIS
    3 NIMES
  • A LA MERE MARIE-EUGENIE DE JESUS
  • MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
  • [Lavagnac], 29 nov[embre] 1846.
  • 29 nov 1846
  • Lavagnac
La lettre

Je vais essayer, ma chère enfant, de remplir la promesse que je vous fis hier, quoique je me sente assez fatigué. Mais c’est un peu de ma faute. Du moins je le crois. Enfin je vais prendre quelques précautions pour me débarrasser de ces crampes qui me font passer de très mauvais moments.

J’ai pensé encore à ce que vous me dites de toutes vos douleurs. Il m’est impossible d’y voir autre chose qu’une très violente tentation. Avec la meilleure volonté du monde je n’y vois pas autre chose. Dieu veut purifier votre âme. Or, avec une conviction pareille, dois-je, ma bonne enfant, vous laisser la bride sur le cou? Je vous permets de consulter tant que vous voudrez, si vous croyez que cela puisse vous faire quelque bien, mais souvenez-vous que je ne le pense pas.

Ce que vous m’avez dépeint comme le résultat de votre nature n’est pas précisément très bon, au contraire, et peut-être Dieu veut-il vous le faire détruire. Si je n’étais pas arrêté par la considération de votre santé, je vous assure que j’irais toujours en avant, bien convaincu que vous me remercierez un jour de vous avoir soutenue, comme malgré vous, dans cette voie dure mais purificatrice, au prix de ce que j’aurais pu cueillir de si bon dans votre amitié. Si je suis disposé à vous donner une permission, c’est celle de murmurer et de vous plaindre de moi, si vous croyez pouvoir le faire sans trop d’imperfection. Dites si vous le voulez que je ne vous comprends pas. Dites tout cela en votre raison, et même avec votre pauvre coeur blessé; mais avec votre foi dites à Notre-Seigneur que vous acceptez toutes vos blessures, en expiation de celles que vous lui avez faites et que vous lui faites encore tous les jours; qu’il n’est pas étonnant que malgré une vive amitié on vous fasse souffrir, puisque vous le faites souffrir, lui; qu’il est tout simple qu’on ne vous comprenne pas, puisque vous avez trop souvent, au moins dans le passé, refusé de comprendre l’action de Jésus-Christ sur votre âme.

Pour moi, ne me comptez pour rien. Quand le temps de l’épreuve sera passé, vous me retrouverez, ma fille, toujours vôtre, quoi que vous ayez pu penser ou sentir. Je ne crains pas que vos idées basées sur l’expérience passée démentent ce que dis, parce que j’ai la foi que vous n’avez jamais rencontré d’amitié comme la mienne. Remarquez donc que je n’ai pas besoin que vous laissiez votre amitié à mes pieds pour vous donner la mienne. Je ne vous laisse dans cette position que parce que je suis ici le représentant de Notre-Seigneur. Car, en dernière analyse, si quelqu’un est au-dessous, c’est moi; et je dois l’être, parce que ma mission auprès de votre âme me place, de la part de Notre-Seigneur, au rang de serviteur et pas ailleurs. Comprenez donc bien que j’envisage comme une sorte de sacrilège, dans tous mes rapports avec vous, tout ce qui ne tend pas à vous rendre plus digne de Jésus-Christ; que cela me vaille du dégoût, de la répugnance, quelque chose de plus, s’il le faut, de la part de l’âme au service de qui je me crois placé, qu’importe! N’ai-je pas assez de l’éternité pour faire mon apologie? Et le désintéressement de mon amitié qui est, je le vois avec bonheur, inaccessible à tout ébranlement, se fortifie au contraire de toutes les petites ou grandes secousses que vos apparences de doute pourraient lui faire subir.

Voyez donc, j’ai eu de la peine à vous dire tout ceci. Ai-je eu tort? Etait-ce l’orgueil qui me portait à me taire? Enfin, j’ai fait effort, et peut-être trouverez-vous quelque expression un peu rude, qu’il faudra me pardonner, à cause de ce que j’éprouvais de pénible. J’ai tant en horreur la pensée même du doute sur la plénitude de mon affection! Peut-être aussi ai-je tort de vous le répéter. Cela vous fera du bien avant le temps, et j’abrège une épreuve que peut-être Notre-Seigneur eût voulu rendre plus longue. Répondez à cette lettre le plus tôt que vous pourrez, pour me dire ce qu’elle vous aura donné de paix ou d’amertume. Je me sens fatigué pour continuer.

J’aurais pour M. votre frère une jeune personne qui n’aurait que 100.000 francs en se mariant, mais un jour elle en aura de 500.000 à 600.000. Mais la famille n’est pas trop relevée. Ce sont les nièces d’un des premiers négociants de Nîmes. Leur parenté y est fort considérable. Je crains cependant qu’il n’y ait quelque petite tache pour les affaires d’argent, de la part d’un grand-père. A cet égard quelles seraient les dispositions de M. votre frère? Car, vous savez, si je suis prêt à faire tout ce qui dépendrait de moi pour vous montrer ma bonne volonté, s’il me semble que je ne suis plus pour vous qu’une occasion de souffrir, du moins que je sois bon à faire quelque chose pour les vôtres!

Notes et post-scriptum