Périer-Muzet, Lettres, Tome XIV, p. 285.

17 jan 1847 Nîmes MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse

Lorsqu’elle aura une raison d’agir contrairement à son opinion à lui, elle peut le faire sans crainte, car il n’est pas susceptible – « Soyons-nous l’un à l’autre un appui, pour nous élancer plus près de Dieu » – Un maître se retirera – A propos d’une religieuse – Presque tous les maîtres sont malades – Richesse et paresse des natures méridionales – Développement de Cardenne – Réponses à des questions sur des postulants et sur une novice – Récent voyage à Marseille.

Informations générales
  • PM_XIV_285
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  • Périer-Muzet, Lettres, Tome XIV, p. 285.
  • Orig.ms. ACR, AD 480; V. *Lettres* III, pp. 180-183 et D'A., T.D. 19, p. 160.
Informations détaillées
  • 1 AMITIE
    1 CHARITE ENVERS DIEU
    1 COLERE
    1 COLLEGE DE NIMES
    1 CONTRITION
    1 EXAMENS SCOLAIRES
    1 LACHETE
    1 LOUANGE
    1 MAITRES
    1 MALADIES
    1 OFFICE DIVIN
    1 ORGUEIL
    1 PARESSE
    1 PERFECTIONS DE DIEU
    1 POSTULANTS ASSOMPTIONNISTES
    1 REFORME DE L'INTELLIGENCE
    1 RELIGIEUSES DE L'ASSOMPTION
    1 SCRUPULE
    1 SUSCEPTIBILITE
    1 TRAVAIL DE L'ETUDE
    1 VOIE UNITIVE
    2 BEVIER, MARIE-AUGUSTINE
    2 CARDENNE, VICTOR
    2 COULIN
    2 DESNOTS
    2 DUBOSC, MADEMOISELLE
    2 FALCONNIER, MARIE-LOUIS
    2 GOURAUD, HENRI
    2 LACORDAIRE, HENRI
    2 LEBAUDY
    2 MONTAUDON, MESDEMOISELLES
    2 PRADEL, ABBE
    2 ROUX, MADAME
    2 ROUX, MARIE-MARGUERITE
    2 TISSOT, PAUL-ELPHEGE
    3 MARSEILLE
    3 MARSEILLE, BASILIQUE NOTRE-DAME DE LA GARDE
    3 PARIS
  • A LA MERE MARIE-EUGENIE DE JESUS
  • MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
  • Nîmes, le 17 janvier 1847.
  • 17 jan 1847
  • Nîmes
  • Institution de l'Assomption
  • *Madame*
    *Madame la Supérieure de l'Assomption*
    *n° 76, rue de Chaillot*
    *Paris.*
La lettre

Ma chère enfant,

Je ne puis vous dire combien j’ai souffert de ne pouvoir vous écrire depuis quelques jours; mais, outre que ma journée passait en découragements perpétuels, un bon rhume que j’ai pris en allant installer un curé de canton, une course forcée à Marseille m’ôtaient la possibilité de prendre la plume. Toutefois, j’avais bien à vous parler.

De grâce, ne vous préoccupez point tant de savoir s’il faut ou s’il ne faut pas supprimer une lettre de moi(1). N’ayez sur ce point aucun trouble. Vos scrupules me feraient croire que vous me trouvez susceptible, et c’est le défaut que je déteste le plus. Quand vous avez une raison d’agir contrairement à mon opinion, vous savez bien que vous le pouvez, sauf à moi à revenir à la charge, si ma conscience m’en fait un devoir. Une preuve d’amitié que je vous demande, c’est d’être bien convaincue que, pour les faits d’un pareil genre, ce que vous aurez jugé bon est trouvé excellent par moi, et que si, par impossible, je jugeais à propos d’insister, je ne me plaindrais en aucune façon de votre première résistance. Ne devons-nous pas délibérer à deux, mais agir à un? Et celui qui agit, n’est-ce pas celui qui doit décider? C’était donc à vous à faire ou à ne pas faire tel usage de ma lettre que vous auriez jugé convenable. Je suis bien aise de la préoccupation que vous me montrez, en ce sens qu’elle amène, de ma part, cette explication, qui, je l’espère, vous prouvera -ce que vous semblez ne pas vouloir comprendre assez- ce qu’est pour moi votre avis et votre sentiment.

Vous remercierai-je maintenant des si bonnes choses que vous me dites? Vraiment, je n’ose pas. Si je m’y laissais aller, ce serait trop bon, et Notre-Seigneur ne me veut d’autre repos sur la terre que celui qu’il me donne. Il faut être sobre des plus excellentes choses, et je vous avoue que j’en ai peu trouvé qui approchassent de ce que vous m’offrez. Elevons-nous donc au-dessus de nous-mêmes, et si Dieu veut que nous soyons l’un à l’autre un appui, que ce soit pour nous élancer plus près de lui, plus avant dans son amour et dans l’adhésion de tout notre être à ses éternelles perfections.

J’ai été bien triste, je le suis encore, mais au milieu de mes ennuis Notre-Seigneur a été bien bon. La crise est passée et Pradel se retire, mais c’était une nécessité(2). Figurez-vous Soeur Marie-Augustine à demi-impie et laissant deviner qu’elle pourra bien le devenir tout à fait par excès d’orgueil. Le coeur lutte encore, parce que le coeur est bon; mais quand on a fait effort pour étouffer le remords, qu’on laisse la messe pour dormir davantage, on est bien près de tout quitter. Heureusement, le contraste a produit un excellent effet. Dieu fera le reste.

Presque tous nos maîtres sont malades. Ce matin, au Chapitre, je les ai consultés sur une suspension provisoire de l’heure du lever et de l’office. Tous ont protesté, même M. Tissot, qui, après avoir passé la semaine dans son lit, s’est levé pour le Chapitre et pour faire son catéchisme. Depuis douze ou quinze jours, nous avons les examens; ils ne sont pas finis. Le résultat cependant que je constate, c’est la richesse de nos natures méridionales, ainsi que leur paresse. Rendez-les laborieuses, vous en ferez des êtres très remarquables. J’ai pu également constater l’étonnant développement de Cardenne au point de vue scientifique et catholique. Ce jeune homme finira par compléter, par un travail qui ferait rougir Soeur Marie-Aug[ustine](3) ce qui lui manque du côté de la facilité naturelle.

Vous attendez que je vous parle du protégé de M. Falconnier. Encore une fois, je m’en rapporte à vous, mais parlez en mon nom. Je désire des jeunes gens capables. J’ai pour le quart d’heure assez de médiocrités. Quant au jeune homme de seize ans, voyez également, car je ne sais que vous dire. Il faudrait voir ces gens; là, et, puisque vous êtes sur les lieux, il faut bien que vous preniez la responsabilité de la chose. Pour venir de si loin, il faut que l’envoi soit de première qualité.

J’ai sur les bras Mme Roux, qui vient toujours me parler de sa fille. En résumé, si vous ne pouvez garder sa fille, ni la faire placer, envoyez-la-nous. La mère veut partir pour Paris et vous prier de la lui garder, jusqu’à ce qu’elle arrive; ce qui sera bientôt. Je vous plains d’avoir à affronter ses fureurs. Pour moi, je vous avoue que je suis peu inquiet de voir Soeur Marie-Marguerite revenir, parce que les folies de cette pauvre fille prouvent clair comme le jour le motif que vous avez eu de la renvoyer. Cependant, je voudrais bien la voir enfermée, car je comprends que son intérieur soit intolérable avec des parents comme ceux qu’elle a.

Pour le moment, je préfère que M. Desnots reste où il est. Peut-être, l’année prochaine, le pourrai-je prendre, mais non pas pour le moment. Je vous ai bien, je crois, écrit que je n’avais pu accepter l’offre de M. Gouraud de me charger de Stanislas, offre que probablement la position de M. Lebaudy l’avait engagé à renouveler. Il me paraît que le bijoutier sera mieux chez le P. Lacordaire que chez moi.

Enfin, ma fille, il me faut arrêter. J’espère demain avoir une heure pour continuer à repasser vos lettres, où il me semble trouver bien des choses oubliées. J’ai passé vingt-quatre heures à Marseille; j’ai été dire pour vous la messe à Notre-Dame de la Garde. J’ai vu M. Coulin, Mlles Dub[osc] et Mont[audon]. Je vous parlerai de tout cela demain, ainsi que de moi.

Adieu, ma fille. Tout à vous en Notre-Seigneur, avec un coeur de plus en plus large.

E.D’ALZ[ON].

Je n’ai pas une minute pour me relire.

E.D'ALZON
Notes et post-scriptum
1. Nous croyons que tout ce paragraphe concerne la lettre du 3 janvier à Soeur Marie-Augustine.
2. Prêtre, ancien novice des Jésuites et recommandé par eux, qui sortit à la fin de l'année scolaire, surtout à cause de son caractère.
3. Bien connue pour son ardeur à l'étude.