Périer-Muzet, Lettres, Tome XIV, p. 291.

1 feb 1847 Nîmes MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse

Il lui répond, avant de dire l’office à minuit – Qu’elle adopte à son égard l’attitude qui la mettra à l’aise – Au-dessus de toute direction, se place la confiance en Dieu – La direction a pourtant de grands avantages – Ce qui reste alors de la confiance en certaines voies et de l’enthousiasme pour les oeuvres – Nouvelles diverses – Son désir d’aller bientôt à Paris.

Informations générales
  • PM_XIV_291
  • 0+508|DVIII
  • Périer-Muzet, Lettres, Tome XIV, p. 291.
  • Orig.ms. ACR, AD 487; V. *Lettres* III, pp. 195-197 et D'A., T.D. 19, p. 163.
Informations détaillées
  • 1 ACCEPTATION DE LA VOLONTE DE DIEU
    1 ACTION DE DIEU DANS L'AME
    1 AMITIE
    1 BEAU CHRETIEN
    1 CHAPELLE
    1 COLLEGE DE NIMES
    1 CONTRARIETES
    1 DESIR DE LA PERFECTION
    1 DETACHEMENT
    1 DIRECTION SPIRITUELLE
    1 ESPERANCE
    1 EXTERNES
    1 FIERTE
    1 FOI
    1 FOI BASE DE L'OBEISSANCE
    1 GRACES
    1 HUMILITE
    1 ILLUSIONS
    1 IMMEUBLES
    1 MALADIES
    1 MORT DE L'AME
    1 OFFICE DE NUIT
    1 ORDRE SURNATUREL
    1 PAIX DE L'AME
    1 PURIFICATIONS SPIRITUELLES
    1 SAINTS DESIRS
    1 SIMPLICITE
    1 VERTU D'OBEISSANCE
    1 VIE DE SACRIFICE
    1 VOIE UNITIVE
    1 ZELE APOSTOLIQUE
    2 CHARPENTIER
    2 SALVANDY, NARCISSE DE
    2 VERDIER, AYMARD
    3 PARIS
  • A LA MERE MARIE-EUGENIE DE JESUS
  • MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
  • Nîmes, le 1er février 1847.
  • 1 feb 1847
  • Nîmes
  • Institution de l'Assomption
  • *Madame*
    *Madame la Supérieure de l'Assomption*
    *n° 76, rue de Chaillot*
    *Paris.*
La lettre

Le 1er février va finir et le 2 commencer, et, comme nous voulons dire l’office à minuit, je vais vous consacrer une heure, ma chère enfant. Je le fais bien volontiers et je voudrais commencer par répondre à une question que vous me faisiez dans votre avant-dernière lettre, où vous me demandiez ce que je pensais sur certains embarras, dont vous m’avez précédemment parlé dans une lettre du commencement de janvier. J’éprouve quelque embarras à vous répondre, parce que, dans le temps, je n’avais pas bien compris ce que vous vouliez me dire. Je vous demande mille pardons de me trouver quelquefois l’esprit si incompréhensible, mais il faut me le pardonner. Je ne vous répondrais qu’en hésitant, et c’est ce que je veux éviter avant tout. Je sais trop, ma pauvre fille, les funestes conséquences pour vous de mes incompréhensions. Mais ce à quoi je répondrai sans peine et avec toute la plénitude de mon coeur, c’est à votre lettre d’aujourd’hui.

Il faut vous dire d’abord que si vous trouvez nos relations, telles que je vous les ai proposées, moins avantageuses que lorsque vous étiez petit chien, il faut revenir sans doute au petit chien. Pour moi, je suis d’une paix aussi grande que possible dans tout ce que mon amitié peut avoir de fort et d’absolu pour vous. Chère enfant, laissez tomber la fierté et mettez-vous au point qui vous ira le mieux pour être à l’aise. Il m’avait semblé avantageux pour vous que vous fussiez à l’aise pour reprendre, au fond de votre coeur, cette fraîcheur de sentiment, qui paraissait flétrie. Il vous faut plus que je ne vous proposais, avec l’intention cependant de vous donner davantage. Revenez si vous le pouvez au petit chien.

Quant à ce que vous me dites sur les illusions, il m’est impossible de partager votre scepticisme.

L’âme qui se confie en Dieu et se propose la perfection, qui est l’union avec Dieu, y arrivera infailliblement, par quelque moyen que ce soit, selon la mesure de sa bonne volonté. Les moyens seront plus ou moins rapides, c’est vrai; mais Dieu qui voit tout sait activer par sa puissance les moyens les plus lents, selon la mesure de la confiance qu’on lui porte. Ainsi, au-dessus de toute direction, se place la confiance en Dieu. Quel avantage trouverons- nous donc à la direction? Celui de l’obéissance et de l’humilité, deux vertus fondamentales et auxquelles Dieu attache les plus précieux résultats, indépendamment du mérite de la direction. La direction, cependant, a de grands avantages en elle-même, quand elle est faite, d’une part, selon les vues de la foi, et lorsque le directeur est un saint, -ce qui donne un autre genre de bien très positif, qui ne consiste pas dans la sagesse du conseil, mais dans la vertu qui découle de celui qui pousse vers la sainteté. Ainsi il faut établir qu’un saint éclairé peut faire un très grand bien dans la direction; qu’un homme éclairé selon la foi peut faire encore du bien, même lorsqu’il n’est pas saint; enfin, que la direction d’un homme qui n’est ni saint ni éclairé, pourvu qu’elle ne soit pas positivement dangereuse, peut être très utile par l’esprit d’obéissance et d’humilité qu’elle développera, et par les grâces dont Dieu récompensera cette humilité et cette obéissance.

Mais que reste-t-il donc, me direz-vous, pour la confiance en certaines voies? Il reste l’exercice du dépouillement; il reste la nudité de la foi et l’épurement de l’espérance et de la charité; il reste cette mort intérieure, dont nous ne saurions trop nous pénétrer. Voilà bien des choses qui restent et qui peuvent fournir matière à l’exercice de la vie tout entière. En tout cela, je ne vois pas qu’il y ait matière à l’illusion.

Mais, ajoutez-vous, que devient l’enthousiasme pour les oeuvres? Il faut distinguer l’enthousiasme naturel du surnaturel, et je crois que si l’un y perd quelque chose, l’autre y gagne énormément. Le difficile, c’est de se maintenir dans cette disposition toute surnaturelle. Mais il est très vrai qu’elle veut d’affreux sacrifices et que, à force de les sentir, on finit par comprendre de quelle vie de foi il faut se revêtir pour arriver à tout ce que Dieu demande de nous.

Je vous remercie du dessin de chapelle que vous m’annoncez. Comme je suis très fort de votre avis sur les excès romanistes de M. Charpentier! Un autre genre me conviendra beaucoup plus, et, quoi qu’il ait pu dire des dessins de M. Verdier, je les trouve de beaucoup préférables à ce qu’il veut nous donner, pour un genre religieux. Je reviendrai avec un grand bonheur à l’ogive. 11 est bien possible qu’au mois d’avril ou de mai je m’élance vers Paris. J’en aurai peut-être très fort besoin et je serai si heureux de vous revoir. Ne pouvez-vous rien savoir de positif sur les projets de M. de Salvandy? Vous ai-je écrit que, l’année prochaine, nous mettions à la porte tous les externes? Nous avons besoin de tout notre local, et puis nous voulons relever de plus en plus la tenue de la maison.

Je vais prier demain pour vous de toute mon âme. Je vous offrirai comme Marie offrit son fils. Je crois bien vous avoir écrit que le préfet m’avait fait demander mon dernier mot de la maison que nous occupons et que j’avais demandé 200.000 francs. Je crois que nous les aurons. Mais je vous laisse. Demain, je n’aurai probablement pas le temps de vous écrire.

Je crois que vous voulez des nouvelles de ma santé; je vais assez bien. Après un rhume très fort, mes crampes ont disparu. J’ignore si elles jugeront à propos de revenir.

Notes et post-scriptum