Périer-Muzet, Lettres, Tome XIV, p. 293.

7 feb 1847 Nîmes MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse

Mlle de Pélissier – « Montrez-vous donc! » – Gouraud – Votre cuisine et la nôtre – Mlle Isaure et ses soeurs – Reproches faits à votre maison – Un commis d’écritures – Lettre attendue de Sr Thérèse-Emmanuel – M. Cardenne progresse en sainteté – L’abbé Pradel – L’horreur du péché.

Informations générales
  • PM_XIV_293
  • 0+509 a|DIX a
  • Périer-Muzet, Lettres, Tome XIV, p. 293.
  • Orig.ms. ACR, AD 489; D'A., T.D. 19, pp. 164-167.
Informations détaillées
  • 1 ASSOMPTION
    1 CAREME
    1 COLERE
    1 COLLEGE DE NIMES
    1 COMPTES
    1 CONNAISSANCE DE SOI
    1 CRITIQUES
    1 CUISINIER
    1 DEGOUTS
    1 DOT
    1 ECONOMAT
    1 FRANCHISE
    1 LUTTE CONTRE LE PECHE
    1 MAITRISE DE SOI
    1 NUTRITION
    1 ORGUEIL
    1 PERSEVERANCE
    1 PIETE
    1 PROGRES DANS LA VIE SPIRITUELLE
    1 TRISTESSE
    1 UNION DES COEURS
    1 VENTES DE TERRAINS
    1 VOCATION RELIGIEUSE
    2 BEVIER, MARIE-AUGUSTINE
    2 BOLZE, MADAME SIMEON
    2 CARBONNEL, ANTOINETTE
    2 CARBONNEL, ISAURE
    2 CARBONNEL, MARIE-VINCENT
    2 CARBONNEL, MESDEMOISELLES
    2 CARDENNE, VICTOR
    2 ESCURES, MADAME GAILLARD D'
    2 GOURAUD, HENRI
    2 HENRI, EUGENE-LOUIS
    2 O'NEILL, THERESE-EMMANUEL
    2 PRADEL, ABBE
    2 PUYSEGUR, MADAME ANATOLE DE
    2 ROUX, MADAME
    2 SAINT-JULIEN, MARIE-GONZAGUE
    3 AIGUES-MORTES
  • A LA MERE MARIE-EUGENIE DE JESUS
  • MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
  • Nîmes, le 7 février 1847.
  • 7 feb 1847
  • Nîmes
  • Institution de l'Assomption
  • *Madame*
    *Madame la Supérieure de l'Assomption*
    *n° 76, rue de Chaillot*
    *Paris.*
La lettre

Je reçois votre double lettre, ma chère enfant, et comme je dois aller demain à Aigues-Mortes, je veux vous écrire, moi aussi, quelques mots ce soir. Je ne puis vous rien dire de ce que fera Mlle de Pélissier(1), mais je puis vous remercier de lui fournir l’occasion de vous connaître. Il manque quelque chose à cette jeune fille. Peut-être une religion bien entendue le lui donnera-t-elle? Si vous pouvez quelque chose à cet égard, vous aurez sûrement fait une oeuvre excellente. Je vous remercie de ce que vous me dites de Mme de Puységur. J’étais bien sûr qu’elle serait heureuse de vous être agréable. Dieu veuille qu’elle vous soit utile! Je prie Notre-Seigneur de vous donner, si c’est sa volonté, les moyens matériels de vous agrandir et de vous débarrasser de vos terrains au meilleur prix possible.

Mais je veux vous parler de vous. Déjà, dans ma dernière lettre, je vous faisais observer que vous gardiez depuis quelque temps le silence. Vous auriez tort, si vous aviez remarqué que ce silence ne vous était pas bon. J’ai trop de bonheur à regarder dans ce fond que vous voulez bien me montrer, pour que je ne vous dise pas bien vite: « Montrez-vous donc! » Seulement, comme ma satisfaction personnelle ne saurait compter pour rien sur un sujet si grave, j’étais bien aise d’abord de vous engager à essayer le silence. J’attends donc votre lettre, qui, je l’espère, me réjouira, puisque vous me dites d’avance le bien qu’elle vous a fait.

Vous avez parfaitement bien fait de demander une explication à M. Gouraud. J’étais bien sûr qu’il n’y avait que du malentendu. Il m’était impossible de penser que l’admiration de Gouraud se fût ainsi transformée. Je ne sais que vous dire pour votre cuisine et je suis tout disposé à être de votre avis. Il est sûr que la nôtre est détestable et qu’elle pourrait être bien meilleure avec bien peu de frais de plus. Pourquoi donc n’est-elle pas meilleure? Parce que, si je veux faire une observation sur un plat, on la prend toujours pour une personnalité et qu’il faut ou me dire ou dire aux dames C[arbonnel]: « Allez-vous en ». Ce sont là de ces choses qui me rongent, mais il faut dévorer son mal en silence, jusqu’à ce que le moment soit venu. Mais, me direz-vous donc, combien cela durera-t-il Mlle Isaure m’a signifié qu’elle voulait ou la promesse de la garder toujours, ou s’en aller à Pâques. Je la conjure de rester jusqu’à la fin de l’année; elle ne veut pas. Restera-t-elle? S’en ira-t-elle? Je n’en sais rien. Ce que je sais, c’est qu’elle se croit nécessaire et qu’elle n’a que la prétention de me tenir la dragée haute. Or, vous comprenez qu’un engagement pour toujours ne me peut aller. Que ferai-je donc? Dieu m’inspirera. Mais -*ceci, je vous le dis tout bas,- je ne puis être fâché de voir s’éloigner un caractère aussi impérieux et aussi violent. J’eusse pu tenir toute ma vie avec les deux autres, mais j’avoue que j’ai la fièvre quelquefois en faisant mes efforts pour ne pas lui répondre sur le ton qu’elle prend pour me parler, et, en la quittant, je me suis surpris à faire des grimaces, tant a été violente la contraction de mes nerfs pour conserver une mine la plus impassible que je pouvais.

Que deviendront ses deux soeurs? C’est ce que j’ignore. Mlle Antoinette paraît se dévouer à sa soeur, mais avec une répugnance qui excite et la pitié et l’admiration, car elle ne se fait aucune illusion sur ce qu’elle aura à souffrir. Mlle Anaïs est bien résolue à partir pour le couvent. Mais le pourra-t-elle? Laissera-t-elle Mlle Antoinette seule aux prises avec leur aînée? Il est sûr que, pour se sanctifier, aucun couvent, si dur qu’il soit, ne peut être comparé à cet intérieur, surtout à certains jours. Je ne vous parle de ceci qu’à cause de Mlle Anaïs, pour qui réellement vous devez beaucoup prier.

Je vais donc recevoir Mme Roux. Je vous préviens qu’elle s’est permis certains propos sur votre maison, qui sont peu convenables: elle a dit qu’on renvoyait sa fille, parce qu’elle n’avait pas payé de suite sa dot. Voyez si vous jugez à propos de relever cela. Peut-être vaudra-t-il mieux le laisser tomber. Quand elle sera ici, je lui donnerai un avis un peu serré. La différence entre les comptes présentés et le prospectus peut se vérifier sur la copie de la note que l’on a présentée à Mme Bolze. Celle que j’ai vue était signée Soeur M.-Gonzague, -et, en passant, dites, je vous prie, à cette chère Soeur combien je lui suis dévoué et combien je pense à elle avec bonheur. Entre sa note et le prospectus, que j’ai comparés, il y avait d’assez notables différences pour les prix, à moins que vous n’ayez fait, depuis six mois, des prospectus nouveaux. C’était sur le lit, et, je crois, sur les leçons de musique.

J’attends votre Breton de pied ferme et je verrai d’en tirer le meilleur parti possible. A-t-il une belle écriture? Mais, je n’y pense pas, je le verrai avant que vous n’ayez pu me répondre. Un jeune homme, qui aurait été un peu dans le commerce, m’irait assez. Il me faut, sous M. Henri, un commis d’écritures; on ne lui demande pas de la science, mais de l’ordre et de la propreté. Je vous dirai que mes comptes sont dans un ordre parfait, grâce, non à moi, mais à M. Henri qui réellement y met beaucoup de zèle. Je tâcherai de vous en envoyer une copie ou, du moins, un aperçu, dussiez-vous me le renvoyer.

J’attends avec impatience la lettre de Soeur Th[érèse]-Em[manuel]. Il me tarde beaucoup de connaître son jugement sur votre compte. Toutefois, il me semble que je puis très bien m’en rapporter à vous. Il paraît que cependant je ne sais pas assez bien vous saisir encore. Enfin, à quelque chose malheur aura été bon, puisque j’y gagnerai une lettre de votre assistante. M. Cardenne veut mettre dans cette lettre sa réponse à Soeur M.-Aug[ustine]. Je ne l’ai pas lue. Je vous prie de la lire vous-même pour savoir s’il n’y aura pas quelque inconvénient à la lui remettre. Le bon Cardenne avance tous les jours dans une admirable sainteté; il travaille aussi avec une persévérance qui est digne de tout éloge. Ce sera une belle colonne de l’oeuvre. Il en faudrait dix comme lui, avec le même zèle et un peu plus de portée dans l’esprit, et je serais sûr de la réussite.

Du reste, je ne puis vous dire combien les misères de l’abbé Pradel ont manifesté l’union des autres et même ranimé la ferveur. Lui-même se sent entraîné comme malgré lui. Il subit l’influence générale, et, dès qu’il s’en écarte, il est si bien ramené à l’ordre que je suis, pour le moment, sans aucune crainte sur le mal qu’il pourrait faire. Plus tard, serait-ce la même chose? C’est ce que je ne veux pas examiner, parce que j’espère bien venir à bout de m’en débarrasser, avant qu’il soit de nouveau en état de faire du mal.

Adieu, ma chère fille. Que Notre-Seigneur vous soit toujours en aide! Je le conjure de vous sanctifier, en vous donnant cette sainte tristesse, qui vient de l’horreur des péchés que nous commettons si souvent et nous préparera à la pénitence du carême. Je m’en veux de n’être pas assez frappé de l’horreur du péché et je tâche d’y penser davantage tous ces jours-ci. Tout vôtre en Notre-Seigneur.

Notes et post-scriptum
1. Devenue par son mariage comtesse d'Escures, et qui nous a légué un bon nombre de lettres que lui avait écrites le P. d'Alzon.